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Message : Re: Opérateur mathématique? (Jacques Melot) - Mardi 28 Avril 1998 |
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Subject: | Re: Opérateur mathématique? |
Date: | Tue, 28 Apr 1998 12:32:48 +0000 |
From: | Jacques Melot <melot@xxxxxx> |
Le 28/04/98, à 6:47 +0000, nous recevions de Jean Fontaine : >>3. Le chevron simple est un signe moins ambigu que le guillemet. Il n'a >>pratiquement pas d'emploi courant en typographie, sauf comme opérateur >>mathématique « plus grand que », > >Je m'auto-cite pour faire mon auto-critique : je crois qu'il n'est pas exact >de parler du signe mathématique « plus grand que » comme d'un « opérateur ». >Un matheux pour me confirmer la chose? On parle tout simplement de signe. Dans la terminologie de Bourbaki (chap. description de la mathématique formelle) cela s'appelle plus précisément un « signe spécifique » (par opposition aux signes logiques, au nombre de 4, jadis 5 ; on construit toute la mathématique à partir d'assemblages de ces signes et de lettres, théoriquement une seule, « A » par exemple, et le signe ' répété autant de fois que nécessaire). Le signe sur lequel Jean Fontaine s'interroge ici sert à exprimer une « relation d'ordre ». [Voir l'annexe, ci-dessous.] Un opérateur est quelque chose de bien différent. On parle d'opérateur différentiel, par exemple. Cet opérateur est désigné par un symbole (le laplacien, ?, en est un exemple). Bourbaki à aussi une notion d'opérateur liée à celle de loi de composition externe, en algèbre. Etc. De plus, au moins sur Macintosh, il y a deux caractères voisins mais différents. Les signes d'inégalité stricte (position hexad. 3C et 3E) et les guillemets simples (position DC et DD ou DE et DF - mon PopChar ne m'est d'aucune utilité car à la place j'ai précisément les caractères islandais ed et torn, majusc. et minusc.). Ils ne sont pas interchangeables, du moins si l'on respecte la typographie. Jacques Melot, Reykjavík melot@xxxxxx >Jean Fontaine >jfontain@xxxxxxxxxxx ANNEXE. Je me permets de reproduire la portion de texte suivante (Bourbaki, Éléments de mathématique, fasc. XVII, Livre I, Théorie des ensembles, Descr. math. form., chap. I, § 1, n° 1) : [Ainsi commencent les 4700 p. du très célèbre traité de Bourbaki, lequel, je le rappelle, reprend les mathématiques à sont début le plus ultime.] § 1. Termes et relations 1. Signes et assemblages. Les signes d'une théorie mathématique T sont les suivants : 1° Les signes logiques : [ici un carré, symbole d'occurrence], [la lettre grecque tau, le tau de Hilbert, permettant d'exprimer une forme de l'axiome du choix], [le signe pour la conjonction ou, v], [le signe pour la négation logique, ¬] 2° Les lettres Nous entendons par là les lettres majuscules et minuscules latines, affectées d'accents. Ainsi, A, A', A'', A''',... , sont des lettres. A tout endroit du texte, il est possible d'introduire des lettres autres, certains signes de T écrits les uns à côté des autres, certains signes distincts des lettres pouvant être joints deux à deux par des traits qui courent au-dessus de la ligne et qu'on appelle des liens. [...] L'usage exclusif des assemblages conduirait à des difficultés typographiques [!] et mentales insurmontables. C'est pourquoi les textes courants [un des euphémismes typiques de Bourbaki, qui d'emblée légifère pour l'éternité, en parlant de la manière la plus générale possible !] utilisent des symboles abréviateurs (notamment des mots du langage ordinaire), qui n'appartiennent pas à la mathématique formelle. L'introduction de ces symboles est l'objet des définitions. Leur emploi n'est pas théoriquement indispensable, et prête souvent à des confusions que seule une certaine habitude permet d'éviter. Exemples. 1) L'assemblage v¬ se représente pas => [signe d'implication] 2) Les symboles suivants représentent des assemblages (d'ailleurs fort lorgs) : « 3 et 4 » Ø [l'ensemble vide] N [l'ensemble des entiers naturels] Z [l'ensmble des nombres relatifs] « la droite numérique » ¼ [pi] = ?2 + ? 3 [racine carrée de deux plus racine carrée de 3] « tout corps fini est commutatif », etc. [...] Une théorie mathématique (ou simplement théorie) comporte des règles permettant de dire que certains assemblages de signes sont des termes ou des relations de la théorie, et d'autres règles permettent de dire que certains assemblages sont des théorèmes de la théorie. [En fait on pourrait s'arrêter là : tout à été dit des mathématiques ; le reste coule de source, le théorème de Nash, l'indice de Maslov, la théorie du corps de classes. À vrai dire, tout le reste du Bourbaki n'est que de l'humour dilué dans des développements destinés aux nullards ou à ceux qui ont la paresse de concevoir les différentes théories, cf. par exemple le chapitre sur l'intégration vectorielle...] [À vrai dire il faut absolument que je vous copie encore le paragraphe qui suit immédiatement, en petits caractères, ce que j'ai déjà reproduit plus haut, car c'est du bon humour...] La description de ces règles [...] n'appartient pas à la mathématique formelle ; il y intervient des assemblages plus ou moins indéterminés, par exemple des lettres indéterminées. Pour alléger l'exposé [c'est vrai, on n'atteint pas les 5000 pages, du moins dans le Bourbaki dit « élémentaire »], il est commode de désigner ces assemblages par des symboles peu encombrants. Nous utiliserons notamment des combinaisons de signes (d'une théorie mathématique), de lettres italiques grasses (éventuellement affectées d'indices ou d'accents) et de symboles particuliers, dont on va donner quelques exemples. Comme on veut seulement éviter des circonlocutions [...], on n'énoncera pas de règles strictes et générales relatives à l'emploi de ces symboles ; le lecteur pourra reconstituer sans peine [qu'est-ce que je vous disais !], dans chaque cas particulier, l'assemblage dont il s'agit. Par abus de langage, on dira souvent que les syumboles employés sont des assemblages, au lieu de dire qu'ils désignent des assemblages [comme quoi on ne laisse rien au hasard] ; des expressions telles que « l'assemblage A » ou « la lettre x », dans l'énoncé des règles qui suivent, devraient donc être remplacées par l'« assemblage désigné par A » ou « la lettre désignée par x » [voilà un esprit précis qui fait honneur à la culture française ! Le fait est que Bourbaki a eu une influence considérable sur la mathématique contemporaine]. Après cette initiation pour le moins « typée », je sens que le forum typographie va se scinder en deux grands groupes, ou plutôt trois, ceux pour qui ceci est une révélation et qui vont délaisser la cocaïne pour Bourbaki, ceux à qui j'ai collé une allergie définitive - doublée d'une migraine momentanée - pour les maths ou à qui j'ai enfin explicité les raisons de leur allergie, la rendant incurable, et enfin, ceux qui seront préservés pour ne pas avoir lu ce message. Tiens, j'espère qu'on me le pardonnera, je vais exceptionnellement envoyer le présent message avec une demande d'accusé de réception, pour faire une statistique (vous pouvez préciser à quel groupe vous appartenez).
- Opérateur mathématique?, Jean Fontaine (28/04/1998)
- Re: Opérateur mathématique?, Jacques Melot <=
- Re: Opérateur mathématique?, Olivier RANDIER (30/04/1998)
- Re: Opérateur mathématique?, Thierry Bouche (30/04/1998)
- Re: Opérateur mathématique?, Jacques Melot (30/04/1998)
- Re: Opérateur mathématique?, Jacques Melot (30/04/1998)