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Message : Ligatures et autres formes

(Alain Hurtig) - Lundi 01 Juin 1998
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Subject:    Ligatures et autres formes
Date:    Mon, 1 Jun 1998 07:34:02 +0200
From:    Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx>

At 16:49 +0200 28/05/98, Thierry Bouche wrote:
>  Bref, je voulais dire que pour améliorer insensiblement la qualité
>(et l'invisibilité) d'une page de texte, on peut imaginer que le
>contexte influe sur la forme et l'espacement de chaque lettre
>différemment à chaque occurence de cette lettre, la page entière
>réagissant de façon dynamique à son contenu, pas seulement comme de
>nos jours deux lettres consécutives.
>
Plus ça va, et moins je suis d'accord. Plus je réfléchis, et plus je pense
que c'est une impasse (supposons que [K2] aille à son terme : est-ce que
nous proposerions un truc pareil ?)

La lecture continue est un processus complexe, qui exige monotonie des
pages et régularité des signes. L'oeil avance par sacades sur la page, et
se fixe sur une lettre, puis sur une autre un peu plus loin (pas
nécessairement sur la première lettre de chaque mot, et il n'est même pas
certain que la totalité du dessin de chaque lettre soit perçue par l'oeil -
naturellement, la focale de l'oeil est suffisement large pour qu'un groupe
de lettres en réalité perçu). Il revient parfois en arrière (sur la ligne
ou même sur une ligne supérieure...)

C'est le cerveau qui rétablit le ou les mots intermédiaires, qui fabrique
du sens, à l'aide des « groupes » de lettres (entre 5 et 10 ou plus, selon
la vitesse de lecture) que lui envoie en guise d'informations.

Déplacement, fixité, déplacement, fixité. Quelle pourraît être alors la
lecture, comment pourrait-elle facilitée, si le dessin des lettres est à
chaque fois différent ? Je pense que les pages nous apparaîttraient comme
un chaos total, incompréhensible à force de difficultés. C'est d'ailleurs
ce qui m'avait frappé, et gêné, lorsque j'avais vu les pages justifiées
avec HZ : gris impéccable, homogénéïté des pages qui semblent, vues de
loin, « monotones », et lorsqu'on tente d'y regarder de plus près,
hétérogéïté des signes, aucune régularité : à chaque ligne, on a un
réapprentissage à faire pour « comprendre » ce que signifie chaque forme.

En revanche, l'idée de Thierry me semble très intéressante dans le cadre
d'affiches, de logos, justement là où les capitales à ornementales peuvent
venir s'appliquer. Je pense aussi aux polices pseudo-calligraphiques (le
merveilleux travail de F. Boltana, par exemple, qu'il présente dans le
_Cahier GUT_ n° 22). L'outil informatique, comme il le souligne à juste
titre, permettrait dans ce genre de travail un peu ornemental de dépasser
significativement les limites que connaît la compo actuelle (laquelle n'est
guère transgressée que par des déformations de lettres et de lignes
obtenues avec les logiciel de dessin vectoriel).

Problème : il faudrait réécrire les algoritmes pour les adapter à chaque
police, me semble-t-il. Vu les coûts de développement, et déjà que les
polices se vendent mal, j'ai peur qu'on ne soit pas près de voir sortir ce
genre de joujou un peu magique...

Alain Hurtig                                         mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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J'apprends à vouloir tout et à n'attendre rien, guidé par la seule
constance d'être humain et la conscience de ne l'être jamais assez.
   Raoul Vaneigem, _Nous qui désirons sans fin_.