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Message : De la belle typo & des beaux textes

(Alain Hurtig) - Vendredi 31 Juillet 1998
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Subject:    De la belle typo & des beaux textes
Date:    Fri, 31 Jul 1998 05:20:54 +0200
From:    Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx>

At 11:16 +0100 30/07/98, Bernard Chombart wrote:
>.. je suis d'accord avec lui à 100%.
>
Moi pas. Je veux dire, je ne suis pas d'accord pour que ce débat, qui n'a
rien à faire sur cette liste, resurgisse régulièrement, toujours sous la
plume des mêmes, et généralement quand on se remet (enfin !) à parler de
typographie sur la liste Typographie.

Histoire de me faire des amis, j'avoue de surcoît me contrefoutre des
problèmes de clavier... et détester le cross-posting tout autant que les
débats sur Windows et Excel (débats hors-charte, évidemment, mais certains
ne se soucient pas de la règle commune avec une telle insolence qu'elle
décourage les meilleures bonnes volontés).

Bon : [FLAME OFF], comme on dit...

------------------
>Cela me paraît plus important que la chasse à la baleine de corps 7.
>
C'est très petit, le corps 7... Doit-on munir le lecteur d'une loupe ? :-)))

(NB : j'ai fait une jolie expérience, hier : flasher un texte en corps 2
(2400 DPI). Ça fait des pavés...)

>Amis typographes, ne faites-vous des livres que pour le livre, ou
>vous intéressez vous quelquefois à leur contenu ? Je pense que
>c'est la question que ne cesse de vous poser Jean-Pierre Lacroux;
>mais vous faites semblant de ne pas l'entendre...
>
À question simple, réponse complexe (notez bien : pas contradictoire, mais
on travaille ici dans la complexité ;-))

1. Oui, on s'en fiche.
   Une page, une série de pages, s'apprécie _aussi_ d'un point de vue
technique et esthétique. C'est notre activité, un peu monomaniaque j'en
conviens... Mais comme le faisait remarquer Jean, il faut bien que les
textes soient maquettés, composés, pour pouvoir être lus !
   Reproche-t-on au luthier d'apprécier le son d'un violon, indépendement
de la musique jouée ? Reproche-t-on à un programmeur d'aimer un algorithme,
sans tenir compte de la destination finale du logiciel ? Évidemment pas...
C'est la même chose pour tous les métiers qui sont à mi-chemin de la
création et de l'exécution.

2. Non, ça nous intéresse au plus haut point.
   Ce qu'on se tue à expliquer à Jean-Pierre, c'est qu'il peut (qu'il
devrait y avoir à chaque fois) adéquation de l'ensemble typographique et du
texte. Accorder le « sens » et la « forme », pour reprendre peu ou prou
l'heureuse expression de Caroline Leduc. Alors le texte peut être magnifié,
sa lecture peut « couler de source ». (À l'inverse, on peut le bousiller,
le rendre presque illisible, soit parce qu'on a fait une erreur de
jugement, soit parce qu'on a fait un jeu typographique précisemment destiné
à ça.)
   Dans l'absolu, un texte devrait donc être lu avant d'être composé... Ce
n'est pas toujours possible, et on n'a pas toujours la maîtrise des choix
typographiques. Il n'empêche...

3. À part ça, comme à tout un chacun, il nous arrive à tous (je suppose) de
lire un livre pour son contenu pur ;-).

>On a l'impression d'assister à un débat qui boucle sur lui-même
>le plus souvent, en laissant échapper quand même de temps en
>temps une information non stérile (pour le non initié), et même
>très utile, ce qui le rend malgré tout passionnant.
>
C'est sans doute l'inconvénient de débats finalement très techniques et
contenant en eux-mêmes leur propre fin. Même en typographie invisible (la
composition de labeur, disons), non seulement le médium fait partie du
message, mais il est sa propre signature. D'où ces débats qui peuvent vous
paraître stériles, et qui recouvrent en réalité des enjeux fondamentaux
(aussi bien d'un point théorique que dans la pratique, humble et
quotidienne, de la reproduction de l'écrit), qu'il s'agisse de l'idéologie
portée par telle police de caractères, de l'usage des fines, de
l'homogénéité d'un gris typo, du réglage des approches et j'en passe des
plus arides.

Parce que, finalement, je suis quand même certain que vous préférez lire un
texte bien composé et imprimé... C'est notre travail de parvenir à ce
résultat, indépendament du contenu, dont nous avons pas à juger. (Mais je
ne vous étonnerai pas en vous disant que je travaille quand même mieux, et
plus vite, quand j'ai à composer un livre qui me plait, même si je ne l'ai
pas lu de pert en part - on n'en a pas le temps, de toutes façons...)

Par parenthèses, c'est l'honneur des professions du livre d'assurer
matériellement la liberté d'expression et de création, en composant, en
imprimant, etc. ce qui se donne à lire à autrui. L'opinion et l'esthétique
de l'auteur ne regardent en principe pas le typographe, ni le flasheur, ni
l'imprimeur, lesquels ne sont pas éditeurs (sauf cas très particuliers -
ex : j'ai refusé des boulots pour une association nettement FN, mais c'est
juste mon problème, celui de mes propres limites, rien de plus) : leur
travail est d'en assurer la meilleure réception auprès du lecteur.

>Ce n'est pas un reproche (après tout, vous pouvez tous me rétorquer
>que je n'ai qu'à me retirer sur la pointe des pieds...);
>
Mais non, mais non... la liste est ouverte à tous, et vous y êtes le bienvenu.

>Merci de me répondre vertement (oui, oui, taper ad libitum),
>
Pour une fois que quelqu'un accepte... y'a pas de raisons de se gêner :-))))).

Alain Hurtig                                         mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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N'est-il pas curieux qu'un être aussi vaste que la baleine voie le monde à
travers un oeil si petit et qu'elle entende le tonnerre avec une oreille
plus menue que celle d'un lièvre ?
   Herman Melville, _Moby Dick_.