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Message : Re: retour du refoule

(Alain Hurtig) - Mardi 04 Août 1998
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Subject:    Re: retour du refoule
Date:    Tue, 4 Aug 1998 05:16:52 +0200
From:    Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx>

At 19:30 +0200 3/08/98, Thierry Bouche wrote:
>Vous vous ralliez ainsi à la cause hurtiguienne. Je pense au contraire
>que si. La singularité de chaque pensée ressortira d'autant plus que
>la typo ne parasitera pas en surcodant (de façon nécessairemnt
>réductrice) tel aspect de la pensée.
>
Ben non, c'est pas ça la « cause hurtiguienne ». Une collection doit avoir
une homogénéïté typographique, c'est évident - reste à savoir si, en
fonction de la collection et des textes qu'elle va accueillir, les éléments
typographiques sont bien choisis ; reste aussi à savoir s'il faut faire
évoluer ces éléments, au cas où la collection changerait de nature au fil
du temps (ça arrive).

>Il serait intolérable de
>changer de typo à chaque article d'une revue. Ce qui n'interdit pas
>mais encourage le hors-norme, hors-collection, ou le texte précisément
>souligné par une typo spécifique.
>
Et c'est là qu'idéalement les différents « sens » doivent si possible
s'accorder, selon moi.

Finalement, le problème peut se poser ainsi (on me pardonnera le
glissement) : dans un monde merveilleux où ces saloperies de
clients/patrons/emmerdeurs nous laisseraient travailler comme il faut, on
devrait étudier le gris d'un ouvrage ou d'une collection (gris déterminé
par l'empagement, la force de corps, l'interlignage, les paramétrage de
césure, et _tutti quanti_) en fonction non seulement de la police choisie,
mais aussi de la nature du ou des textes.

On ne le fait presque jamais, parce que ça demande des réglages lents et
minutieux (donc coûteux), mais on devrait le faire.

Quels sont les éléments dont on se sert ?

Pour la police, c'est évident : un Times 10/11 sur une col de 18 cm de
large n'a pas le même gris qu'un Helvética du même poil.

Pour le texte, ça ne l'est pas moins : la longueur moyenne des mots, la
fréquence des espaces, la présence éventuelles de blancs (cas des formules
mathématiques), l'existence ou non de dialogues, bref tout ce genre de
trucs font que le gris typo, à réglages égaux, ne seront pas les même dans
une édition de Barbara Clartland et une édition de Hegal (surtout en
allemand !)

Tout le monde est d'accord là-dessus, je pense : le type de texte composé
(indépendamment de son contenu individuel) affecte sa couleur typo. La
couleur typo, en retour, affecte la lecture, les conditions de lecture et
donc de réception du texte. Or cette couleur (pris au sens le plus global)
est _aussi_ (et même en premier lieu) donnée par la police employée, par ce
qu'elle évoque, parce ce qu'elle donne à voir, par le rythme de lecture
qu'elle impose, par... Elle sur-code, en somme, et on n'y peut pas grand
chose.

Pourquoi alors ne pas prendre ce problème-là à bras le corps (ce n'est pas
si long, ni si difficile, de surcroît) ?

>Il est vrai que dans l'état actuel, le nécessaire
>aller-retour entre l'auteur et le typo semble assez difficile si ce
>dialogue a pour seule place les marges de épreuves.
>
Mon expérience (douloureuse) est qu'il vaut souvent mieux que ce dialogue
impossible se limite à ces marges ;-).

Alain Hurtig                                         mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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N'est-il pas curieux qu'un être aussi vaste que la baleine voie le monde à
travers un oeil si petit et qu'elle entende le tonnerre avec une oreille
plus menue que celle d'un lièvre ?
   Herman Melville, _Moby Dick_.