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Message : Modification inconsciente des usages typographiques

(Jacques Melot) - Dimanche 11 Octobre 1998
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Subject:    Modification inconsciente des usages typographiques
Date:    Sat, 10 Oct 1998 22:58:56 +0100
From:    Jacques Melot <melot@xxxxxx>

   Ce qui suit est une participation au thème « Typo au Quebec (anecdote +
question) »

   On peut voir les choses de manière un peu différente. En fait, l'écrit
qui nous entoure vient dérégler nos habitudes typographiques, mêmes les
plus élémentaires, et ce d'autant plus qu'il est plus séduisant. Il le
fait, parce qu'il participe de plusieurs usages plus ou moins
incompatibles, ce à quoi s'ajoute une masse toujours plus grande de texte
composé sans règle précise ou avec des règles incohérentes.
   Le mécanisme est le même que celui qui rend efficace la réclame. Le
monde anglo-saxon, omniprésent, a évidemment beaucoup d'influence et la
majusculite que nous connaissons maintenant y a sans doute son origine.
J'ai cependant des exemples d'influence semblable sur les habitudes
typographiques qui ont une origine tout autre, bien française. Il suffit,
par exemple, qu'un auteur de publications scientifiques réputé ou apprécié
adopte quelques pratiques typographiques aberrantes pour voir ces pratiques
adoptées. Parfois même, un seul ouvrage, s'il fait référence, peut être à
l'origine de pratiques contraires à l'usage.
   En botanique, comme vous le savez sans doute, on fait suivre les noms
scientifiques (latins) du nom de leurs auteurs ou d'une combinaison plus ou
moins complexe de noms d'auteurs, la présence de parenthèses indiquant un
transfert (changement de rang ou de genre ; les auteurs du transfert
apparaissent à l'extérieur et à droite de la parenthèse) ; Collybia
maculata (Alb. & Schw. : Fr.) Kumm. est un tel nom.

   Dans les revues scientifiques françaises (et les livres), on trouve de
plus en plus souvent écrit ces noms sous la forme suivante (à quelques
petites variantes près) :

Collybia maculata (Alb.& Schw. :Fr.)Kumm.

   Il n'y a là aucune influence anglo-saxonne reconnaissable. Simplement,
quelqu'un a commencé, par erreur, à écrire une telle horreur dans un
travail d'une certaine importance, et tout le monde - dans l'immense
majorité des cas inconsciemment ! - a suivi. C'est ainsi que peut
s'installer un usage nouveau et, en l'occurrence, aberrant.

   Mais, bien sûr et encore une fois, le monde anglo-saxon à une grande
influence et des altérations, maintenant extrêmement fréquentes, comme :

- J.A.R. Dupont au lieu de J. A. R. Dupont
- Dr. au lieu de Dr
- "ploups", voire «ploups», au lieu de « ploups »
- la capitalisation à outrance
- pas d'espace avant points d'interrogation, d'exclamation, deux-points,
point virgule
- premier paragraphe sans retrait à la première ligne lorsqu'il n'y a pas
usage d'une lettrine, etc.

   sont des formes d'aliénation des usages typographiques français au
profit des usages anglo-saxons.

   Jacques Melot, Reykjavík



 Le 10/10/98, à 20:16 +0100, nous recevions de Jean-Michel Paris :
>Philippe Jallon disait [9 Oct 1998 20:15:10 +0100]
>>...
>>
>>Question : les Québécois francophones utilisent-ils normalement une
>>typographie franco-française, une typographie « franco-québécoise », ou
>>bien carrément une typographie angloaméricaine ?
>
>Les Québécois francophones utilisent en effet encore souvent, hélas, une
>typographie à l'américaine. Cela est à mon avis en grande partie
>attribuable au fait qu'une vaste proportion des imprimés est de nos jours
>produite par des personnes n'ayant reçu pour toute formation
>professionnelle qu'une initiation sommaire à l'usage d'un logiciel de
>traitement de texte et d'un logiciel de mise en page ; c.-à-d. par une
>main-d'oeuvre bon marché. Quant aux éditeurs de ces imprimés, ils se
>soucient peu de la qualité typographique car le lecteur demeure à cet égard
>peu exigeant. Submergés dans une mer d'imprimés en langue anglaise, peu de
>lecteurs québécois sauraient faire la différence entre la typographie
>française et la typographie anglo-américaine. Le nombre de lecteurs se
>donnant la peine de signaler cette lacune aux éditeurs est donc infime.
>
>Je note néanmoins un net progrès depuis une dizaine d'années. Un nombre
>croissant de publications québécoises ont adopté des chartes typographiques
>conformes à la tradition française. La rigueur avec laquelle les règles
>sont appliquées va généralement de pair avec la qualité des textes. La
>disponibilité d'outils informatiques permettant l'application systématique
>des règles devrait favoriser la rectitude typographique.
>
>Jean-Michel Paris
>
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