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Message : Re: anglais dans francais

(Thierry Bouche) - Vendredi 11 Décembre 1998
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Subject:    Re: anglais dans francais
Date:    Fri, 11 Dec 1998 11:06:47 +0100 (MET)
From:    Thierry Bouche <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>

» En règle générale, l'usage d'une terminologie où subsistent beaucoup de
» mots non traduits (le plus souvent anglais) est signe d'un usage
» valorisant, narcissique (vanité, gloriole, compensation d'un complexe
» d'infériorité, etc.). Les gens qui ont vraiment quelque chose à dire n'ont
» pas besoin de cela. Ce sont eux aussi, le plus souvent, qui forgent la
» terminologie française digne de ce nom. Les personnes qui maîtrisent
» plusieurs langues n'éprouvent pas le besoin de recourir sans cesse à cette
» « béquille linguistique » que constitue le recours récurrent aux
» anglicismes ou à des mots anglais non traduits. Elles s'expriment
» simplement en français, lorsqu'il s'agit de s'exprimer en français, et dans
» une autre langue dans les autres cas, sans s'aventurer à les mélanger, car
» cela ne fait qu'affaiblir la pensée en augmentant sa viscosité.


Je suis d'accord avec ça, mais ça ne correspond pas vraiment à ce que
j'observe tous les jours... Les « mathématiciens français de premier
plan » ont abandonné le français dans les années quatre-vingt [je
parle des derniers mohicans, sachant que le français était lma
dernière langue internationale survivante, les allemands ayant rendu
les armes au cours de la décenni précédente]. Des tas de théories, de
concepts, de lieux communs n'ont pas d'équivalent en français,
simplement parce qu'ils n'auraient aucune utilité dans cette langue
(morte dans ce contexte). Il est d'ailleurs assez risible d'observer
les tournures qui apparaissent au petit bonheur dans les ouvrages
didactiques destinés à un public d'apprentis-chercheurs francophones
(cours de DEA, articles de survol, de synthèse ou de
vulgarisation). Mais, ce qui est plus grave, il est de moins en moins
rare de lire des phrases écrites en français par des français selon
une construction anglo-saxonne (certains qui sétaient émus des
expressions comme « plus grand commun diviseur » doivent à cette heure
avoir dépassé grandement le stade apoplectique...) ou des faux-amis à
contre-sens... 

  Un exemple pour m'enfoncer dans le hors-charte : je m'étais amusé
(pure provocation) à intituler un exposé sur les _multiplier ideal
sheaves_ introduits par Kohn, Siu et Nadel : « idéaux de faisceaux
multiplicateurs ». En fait, _multiplier_ a en anglais le sens de
« facteur intégrant », ce ne sont donc pas les idéaux qu'on multiplie,
ni même leurs éléments, mais les éléments de ces idéaux sont de
machins faits pour être multipliés avec autre chose (de façon à rendre
des inégalités a priori valides, donc à résoudre une équation
différentielle -- je sais que je me suis trompé de liste, mais au
point où j'en suis...). Bref, l'école française (essentiellement
grenobloise) qui étudie ces problèmes (et dont je ne suis que la plus
misérable crotte) a immédiatement repris à son compte cette
expression absurde. Pour dire à quel point l'implication des
« ténors » et la validation du vocabulaire sont un voeu pieux.

     Thierry Bouche