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Message : Re: Appel de note et ponctuation

(Jef Tombeur) - Dimanche 10 Janvier 1999
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Subject:    Re: Appel de note et ponctuation
Date:    Sun, 10 Jan 1999 03:57:29 +0100
From:    "Jef Tombeur" <jtombeur@xxxxxxxxxxxxxx>

-----Message d'origine-----
De : Jean Fontaine <jfontain@xxxxxxxxxxx>
À : <typographie@xxxxxxxx>
Date : dimanche 10 janvier 1999 00:35
Objet : Appel de note et ponctuation


>On lit à la page 125 récemment ajoutée au corpus méronite :
>    Ça fait un bien fou de sentir encouragé...².
>Soit : points de suspension suivis d'un appel de note (chiffre 2 en
>supérieure) suivi d'un point, suivi d'un retour à la ligne. Le petit
2
>semble flotter seul au-dessus d'une mer de points. Et ce point final
>semble superfétatoire.
>Bref : réglo, tout ça?


Je n'en sais rien. En tout cas, il fallait l'oser. Ce que je sais, de
mes conversations avec J. Méron, c'est que, bizarrement, il ne
considère pas ses écrits comme des modèles de composition. Moi non
plus d'ailleurs.
Par exemple, même si c'est impératif pour les uns, je m'accommode mal
des trois points suivis d'un point interrogatif ou d'un sclam. Je
préfère confondre (fusionner).
Comme dans :
- Elle est bien bonne...!
versus
- Elle est bien bonne..!
Méron suit la première proposition, j'ai tendance à opter pour la
seconde. Mais ça dépend des polices, du contexte, de tas de choses
subjectives (cet exemple est très impromptu, jamais je n'écrirais
autre chose que : Elle est bien bonne ! ; dans ce genre d'expression,
je ne vois pas ce qu'apportent les points de suspension ; mais toute
tentative de rendre perceptible à la lecture des nuances de
l'expression orale est presque toujours casse-gueule).
Et c'est là qu'intervient quelque chose d'assez flou, ardu à cerner.
D. Siegel me disait qu'il avait, pour l'édition originale de ses
livres, réécrit les textes en drapeau (fer à gauche) pour que cela
soit plaisant à l'?il. La traduction fançaise a supprimé les drapeaux
et tout justifié. Je fais de même pour les chapeaux en drapeau. J'ai
cette possibilité de livrer des textes mis en pages. J'avais, en tant
que sécrétaire de rédaction, la latitude de remanier une phrase d'un
confrère pour, en prévisualisant ce que pourrait être le rendu coté
(le sec. de rédac. cotait aussi la copie qu'il traitait), parvenir à
conserver le sens, le style, en conciliation avec une sorte d'harmonie
typographique. Comment Jean Méron, ou tout un chacun, parvient-il à
s'exprimer  par écrit et à faire en sorte que la transcription soit
agréable à consulter ? Vaste sujet...
Pour élargir le panorama :
J'imagine que la typo, au sens large, soit une sorte d'exercice
diplomatique entre trois puissances : l'intention de l'auteur, la
perception du lecteur, la culture (typographique, et plus largement,
acculturation) de l'intermédiaire. Dans le cas où l'auteur et
l'intermédiaire ne font qu'un, il serait tentant de considérer que
l'exercice est largement facilité. Or, le lecteur, c'est des lecteurs
(destinataires multiples, groupe hétérogène), et certains sont plus
égaux de d'autres (par exemple, si l'un des lecteurs est l'éditeur,
qui a sa perception du lectorat pouvant différer de celle de
l'auteur). Dans certains cas cela revient à un jeu de marelle pour
funambulistes, avec des câbles de divers alliages plus ou mons bien
tendus, avec pour objectif,  la Lune : utopique poursuite. Il faut
pourtant prendre pied. Opter. C'est un acte de communication. De
composition.
Comment composer ? Selon quels impératifs, en fonction de quelles
priorités ?
Lorsque nous lisons : "Ça fait un bien fou de sentir encouragé...².",
quel est l'effet produit sur nous, lecteurs, peu ou prou sensibilisés
aux usages de transcription écrite d'un discours ?
Sur quoi "focalisons"-nous (ou faudrait-il transcrire : sur quoi
"focalisons-nous" ?) ?
Sur le fait qu'un appel de note nous semble insolite en fonction de la
construction  de la phrase ? Sur celui que produit, visuellement,
l'effet décrit par Jean Fontaine ("points de suspension suivis d'un
appel de note (chiffre 2 en supérieure) suivi d'un point, suivi d'un
retour à la ligne"), et lui seul ? Point difficile à trancher. Idem
pour la suite : ?) ? ; faut-il un point après "?) ?" ? ? non,
évidemment. En faut-il un après : ...exposant ? Convenait-il, pour la
phrase précédente, de faire usage de l'italisation, d'une graisse ? ?
ce qui, faute de pouvoir rédiger ce mél en HTML avec l'assurance qu'il
soit reçu sous ce format par tous, aurait semblé plus satisfaisant.
Cette dernière considération introduit un autre facteur : les
conditions de production, au sens industriel, de la typographie. Quel
support ? Quels moyens ? (A quelle heure et quel étage j'erre ? -
actuellement, premier étage, à  03 h).
Bon courage à ceux qui voudraient mettre en page ce message, qui n'en
vaut certes pas la peine.
Ce long préambule m'a semblé nécessaire pour répondre à Jean Fontaine.
Oui, le point final me parait superflu. Pire, inflammatoire
(super-grippant).
Non, cela ne me parait pas "réglo" d'assortir d'un appel de note une
telle phrase ? d'autant que, pour ceux qui ont lu la note, du point de
vue la cohérence du discours (j'en parle à mon aise, ce message est
particulièrement confus), elle vient "comme un cheveu sur la soupe" :
elle n'explicite guère le propos, sauf dans l'esprit de l'auteur.
Eh oui, une telle considération n'est pas "typo-typographique", comme
on dit "franco-français", mais me parait primordiale (allez,
primo-primordiale, osons...).
Et non, je ne saurais pas plus encourager un appel de note après
"encouragé" qu'après "encouragé...", je préfère donc me défiler.
Courage... fuyons.
Et pour conclure : la typo ne se réduit pas à la typographie
opératoire (au sens, aussi, maçonnique, d'opératoire).

Jef Tombeur