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Message : Re: Qualité & typographie

(Philippe JALLON) - Lundi 08 Février 1999
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Subject:    Re: Qualité & typographie
Date:    Mon, 8 Feb 1999 23:01:18 +0100 (CET)
From:    Philippe JALLON <panafmed@xxxxxxxxxxx>

Thierry Bouche écrivit :

>coquilles, désservis

On n'est jamais si bien desservi que par une coquille... ;-)

>Pas de noms aujourd'hui ! Mais je réagis aux extraits de journaux
>reproduits dans la dernière livraison de J. Méron, à des fichiers vus
>chez un imprimeur, à quelques revues ou magazines qui ont visiblement
>échappé aux contrôles minimums qui font qu'un imprimé n'est pas
>exactement la même chose qu'une _copie_ d'auteur.

Le problème, c'est que de nombreux éditeurs ne contrôlent de leur flux
éditorial que le tiroir-caisse. Mise en page, corrections, typographie,
relecture ? Pfuitt, on n'a pas le temps, les auteurs n'ont qu'à faire leur
boulot ; ils sont bien contents de se faire éditer, on ne va quand même pas
leur mâcher le travail !

Ce discours, s'il n'est pas encore la norme, sera bientôt de rigueur. Par
esprit mercantile, certes. Mais pas seulement à cause de ça. Les nouvelles
technologies -- PAO en tête -- ont ceci d'extraordinaire qu'elles
permettront bientôt à n'importe quel amateur, éclairé ou obtus, de
s'improviser « pro ». Moi-même, qui vous parle... ;-)))

Les Monsieur Jourdain de l'édition -- dans son sens noble et entier -- ont
alors à deux options radicalement opposées : la rédemption ou
l'avachissement. Les uns, massacreurs mais de bonne foi, n'auront de cesse
qu'ils ne corrigent leurs travers. Les autres... ben les autres, on aura du
mal à les reformater. Pour ceux-ci, c'est l'éternel question du libraire :
« Je les mets dans les invendables ou dans les défectueux ? »...

>Méron (que j'aurai tendance à ne plus trop évoquer, car il a dépassé
>les limites de ma tolérance vers la fin de la zone « croisons le
>fer ») parle d'« obligation de résultat », laisse même entendre qu'il
>ne va pas en rester là pour le journal incriminé (une action en
>justice serait possible ?).

Ai-je bien compris ? Un auteur qui intenterait un procès à un éditeur dont
il estime qu'il a dénaturé son OEUVRE (je mets toutes les lettres en
majuscules, non pas parce que je crie, mais parce qu'elle sont si
importantes pour son AUTEUR) ? De trois choses l'une : soit il est
névrotiquement narcissique, soit il est niais, soit il est fou.

>D'un autre côté, les auteurs sont de plus en plus souvent leurs
>propres typos, puisque aucun contrôle n'est assuré en aval. Mais il
>est impossible de se corriger soi-même. On est tout de même surpris de
>vois des guillemets ouvrants en fin de ligne ou des points
>d'interrogation en début de ligne sous des « plumes » autorisées en
>typo.

Bien d'accord sur les dangers de l'autocorrection. JiPé nous en a, sur
cette même liste, déjà dit les ravages.

Beaucoup moins d'accord en ce qui concerne les aberrations que tu
stigmatises. Car bien des « auteurs-typos » sont dépassés par leur outil de
travail : au lieu de nager dans l'informatique, ils s'y noient. Combien de
gens connais-tu autour de toi, plus ou moins « auteurs-typos », qui soient
capables de te dire comment on tape une espace insécable sur le clavier ?
Quant aux corrections du tapuscrit par l'auteur, elles présentent les pires
dangers (je suis bien placé pour en parler)... sans compter les tout aussi
grands dangers du report de ces corrections par l'auteur lui-même (là
aussi, une thèse ne suffirait pas à énumérer toutes les conneries que j'ai
accumulées dans le grand journal dont je suis l'AUTEUR ;-) !

>Aucun des personnages ci-dessus n'a voulu cette situation, aucun n'en
>est responsable. Par dessus tout, il n'y a pas de coupables : ils ont
>tous une bonne excuse ! N'y a-t-il pas quelque chose de pourri dans
>notre galaxie ?

Vieille antienne ! Depuis la nuit des temps, c'est le même discours : « Bon
sang, les jeunes ne sont plus ce qu'ils étaient... de mon temps, le
professionnalisme c'était quand même autre chose... et patati et patata. »

Les mutations technologiques s'accélèrent, ce même discours s'emballe... et
la vie continue ! Oui, certes, l'amateurisme fait des ravages dans tous les
domaines, y compris celui de la typographie. Et bien plus que jadis ou même
naguère. Bien sûr, c'est évident. Mais cela vient tout bonnement de ce
qu'aujourd'hui, les gens peuvent « toucher à tout » beaucoup plus
facilement qu'il y a vingt ou quarante ans. Tu touchais à l'informatique,
quand t'étais gosse ? J'en doute. Tu pratiquais combien de sports
différents ? Un ou deux, tout au plus -- et pas les plus chers. T'en as
fait beaucoup, des « voyages scolaires » ? Moi non plus. Les gosses, ils
font maintenant plus de trucs, plus jeunes. Nous, nous faisons plus de
trucs que n'en faisaient nos parents à notre âge. Mais faire plus de
choses, c'est multiplier les occasions de se planter. Normal. On ne peut
pas être de vrais pros dans tous les domaines.

Alors, il y a ceux qui continuent d'aboyer, même quand la caravane est déjà
loin. Ceux qui ne changent jamais leur fusil d'épaule, qui pestent, qui
fulminent, qui grinchent, qui rouspètent. C'est une façon de voir la vie.
Il y a quinze ans, j'étais comme ça. Je ne supportais pas qu'un prof
oubliât de respecter la concordance des temps, qu'un condisciple se
désintéressât de ce qu'on lui apprenait à l'école, qu'un parent d'élève
démissionnât face à l'impolitesse de sa progéniture. Maintenant, je
continue d'être comme ça... mais seulement vis-à-vis de moi-même. Je
brocardais le premier venu pour la moindre faute d'orthographe... et
depuis, j'en ai commis dans mon canard dont même un gamin de 10 ans
n'oserait pas endosser la paternité. Certains prétendent que les autres
sont plus nuls qu'eux ; j'affirme que n'importe qui peut toujours être plus
nul que soi-même -- ne te sens pas visé, Thierry, c'est juste un aphorisme
! ;-)

Mais dans un sens, tu as raison. Moi aussi, j'ai du mal à admettre qu'on
puisse accorder le baccalauréat à quelqu'un qui massacre l'orthographe à la
tronçonneuse de son ignorance (désolé, je ne suis pas fortiche sur les
métaphores ;-) ; un de mes amis est prof certifié de philo et il ne commet
jamais moins d'une faute par ligne... même quand il écrit sur le tableau
noir. Mon meilleur ami est journaliste, il travaille pour plein de
journaux, il a même été correspondant de la BBC, et il écrit à peu près...
phonétiquement ! Certains patrons de presse n'hésitent pas à dire ou
écrire, à l'antenne ou dans leurs propres colonnes, les pires énormités --
chassez le naturel, l'ignorance revient au galop !

Tout cela me désole, oui. Et alors ?

Ph. J.