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Message : Re: Banalisation des smileys (Jacques Melot) - Jeudi 11 Mars 1999 |
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Subject: | Re: Banalisation des smileys |
Date: | Thu, 11 Mar 1999 11:50:52 GMT |
From: | Jacques Melot <melot@xxxxxx> |
Le 10/03/99, à 14:29 -0000, nous recevions de Jacques Andre : >> Smiley, email... Comment se fait-il que vous ne vous empressiez pas, >>en France, >de vous débarrasser de ces anglicismes envahissants? > > > > >Je ne répond sûrement pas au nom de tous les Français. En ce qui me >concerne, quand je vois les listes de traductions proposées (dont la >votre, une de plus) >dont aucune ne me plait (entre trombinette, souriard, émoticon, etc. >comment choisir qq chose ?) et quand on découvre que les organismes >officiels se tirent dans les pattes chacun pour proposer, imposer?, sa >propre traduction, finalement, je me laisse aller, du moins dans le >courrier électronique, à utiliser non pas un "mot" anglais mais un >concept d'abord dénommé en anglais. On tombe dans la définition exacte de l'anglicisme. > En revanche, quand il y a un équivalent français (par exemple pour >encoding, indenting, resolution, etc.), alors là je me bat pour le faire >utiliser. Je vous prie donc, cher André, de m'excuser de vous interrompre pendant quelques secondes, alors que vous, tout échevelé, suant sang et eau, menez votre combat nycthéméral pour faire utiliser télécopie, lampe-éclair, cari,[téléphone, ordinateur] portatif, garde-enfant, surmenage, etc. (ad nauseam eternam...) et bientôt Pékin, Lapon et Esquimau (en réalité déjà de l'autre côté de la barrière, comme je le constate dans le Petit Robert des noms propres). « quand il y a », comme ça, de manière intangible ? Je ne trouve pas cela satisfaisant en ce qui me concerne : il faut bien qu'il y ait quelqu'un, un jour, qui propose un équivalent français : ce peut être vous, ce peut être moi... Nous sommes tous des citoyens, des acteurs de notre civilisation, que Dieu ! Vous pouvez, par exemple, reprendre un peu tous les termes proposés en français au hasard (rigolard, souriant, etc.), jusqu'au jour ou vous fixerez votre choix sur l'un deux... Pas satisfaisant ? Voire ! La logique et la rigidité qui lui est associée sont bien fatiguantes et leur usages systématique est stérilisant : il n'y a pas plus irrationnel qu'un mathématicien, qu'un bon mathématicien. Pour moi, ces fameux rigolards et autres pousse-à-rire, du point de vue du concept, ne diffèrent guère ou pas du tout de celui de point d'ironie, lequel a été manifestement dessiné à partir du point d'interrogation et redécouvert, par la suite, dans le contexte que nous savons. Dans ce dernier, il est logique qu'il se présente sous une suite polymorphe de signes qui ne forment pas un mot intelligible en tant que tel. Quand au concept de souriard ou de point d'ironie lui-même, c'est un moyen de cacher une faiblesse de conceptualisation, c'est se laisser aller à communiquer une pensée vague ou insuffisamment exprimée ou même, carrément, que l'on a la flemme d'exprimer. Dans tous les cas, c'est dire à celui à qui l'on s'adresse : « débrouille toi avec ça ! », ce qui n'exclue pas une certaine gentillesse. Cette remarque s'étend d'ailleurs à pas mal d'artifices typographiques, si ce n'est à tous (voir les usages superlativement abusifs de /). Le recours ou non au point d'ironie et à ses avatars n'est, je pense, nullement indispensable et dans aucun contexte. C'est une question de politique personnelle. Je ne les utilise jamais, pas plus que je n'emploie de mots anglais ou d'anglicismes lorsque je m'exprime (sauf lorsque je ne suis pas conscient qu'il s'agit d'anglicisme - la plupart sont insidieux ! « Adopter un profil bas », qui pourtant sonne bien français, en est un bel exemple - ou s'il s'agit d'anglicismes passés dans l'usage depuis longtemps ; le mot « officiellement » est un anglicisme que j'emploie ; je n'irais pas jusqu'à dire que je n'aime pas le football, rien que pour ne pas avoir à en parler...). Je me suis une fois pour toutes verrouillé sur cette dynamique et je n'ai jamais à faire d'effort conscient dans mon comportement langagier, en tout cas pas en ce qui concerne ces choses là. Par exemple, vous ne m'entendrez jamais dire « week-end », même si je l'ai sans doute fait régulièrement lorsque j'étais adolescent : je tourne instinctivement ma phrase autrement et le résultat n'est ni artificiel ni forcé, et, il va sans dire, parfaitement compréhensible. Ma pensée est simplement française, ce qui ne m'empêche d'ailleurs pas de parler un certain nombre d'autres langues. Il est même certain que les deux choses ne sont pas indépendantes. Une dernière parenthèse : cette politique linguistique personnelle a pour conséquence une absence complète d'ambivalence en ce qui concerne la langue anglaise, les Anglo-Saxons et leur forme de civilisation (je vis d'ailleurs parmi eux). Je n'ai pas de réactions viscérales contre l'anglais, et si les Anglo-Saxons sont mes adversaires, je ne les attaque jamais pour ce qu'ils sont, mais pour ce qu'ils font et je suis très satisfait d'avoir trouvé en moi les moyens de vivre comme un serein*. Bien amicalement, Jacques Melot, Reykjavík P.-S. Les pictogrammes remplaçant les injures et les jurons dans les bandes dessinées, conceptuellement relèvent aussi du point d'ironie et autres satyricons. Dans le contexte où ils apparaissent, ils ne me semblent pas être une mauvaise chose, mais il faut remarquer qu'ils sont un moyen - astucieux et amusant - trouvé pour tourner une impossibilité réelle (liée à la censure des journeaux destinés à la jeunesse), pas pour exprimer une pensée amorphe ou inachevée. * ... >-- >Jacques André >Irisa/Inria-Rennes, Campus de Beaulieu, F-35042 Rennes Cedex, >France >Tél. : +33 2 99 84 73 50, fax : +33 2 99 84 71 71, email : >jandre@xxxxxxxx
- Re: Banalisation des smileys, Jef Tombeur (10/03/1999)
- <Possible follow-ups>
- Re: Banalisation des smileys, Patrick Blart (10/03/1999)
- Re: Banalisation des smileys, Jacques Andre (10/03/1999)
- Re: Banalisation des smileys, Jacques Melot <=
- Re: Banalisation des smileys, Thierry Bouche (11/03/1999)
- Re: Banalisation des smileys, Jacques Melot (11/03/1999)
- Re: Banalisation des smileys, Thierry Bouche (12/03/1999)
- Mathematiciens (fut Banalisation des smileys), Francois Bougnet (11/03/1999)
Re: Banalisation des smileys, Jacques Andre (10/03/1999) Re: Banalisation des smileys, Leraillez Benoit (10/03/1999)
- icônes (émotless), Thierry Bouche (10/03/1999)