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Message : Bacchus, Chomsky et ortho-typo [long!]

(Jacques Andre) - Lundi 24 Janvier 2000
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Subject:    Bacchus, Chomsky et ortho-typo [long!]
Date:    Mon, 24 Jan 2000 15:54:00 +0100
From:    Jacques Andre <Jacques.Andre@xxxxxxxx>


Depuis qq jours, la liste typo a été très active en matière de « code
typo » avec diverses sensibilités.
- Olivier Randier a posé une question à propos de l'emploi des capitales
dans les titres d'oeuvres. Plusieurs personnes y ont répondu avec,
disons, des visions différentes, en gros : 
- moi-même qui me basais plutôt sur les marches ou codes typographiques,
- Lacroux qui lui fait de l'orthotypographie à un niveau plus haut
(notamment avec une connotation grammairienne/sémantique),
-Rondinet qui, correcteur typo pro, confirmait plus ou moins que Lacroux
avait raison,
- Brigitte Lebioda qui voit plutôt « ça » de l'oeil du bibliothécaire,
- Patrick Cazeau qui, utilisateur,  suggère d'en faire un article de la
FAQ,
- Olivier Randier qui essaye d'en faire une (faq),
- Lacroux qui répond que ben non, ce n'est pas possible de réduire tout
ça à qq lignes

Bon, laissez moi le plaisir de jouer aux ancienns combattants, non pas
de la typo mais de l'informatique.

-dans les années 1965-1975 j'ai connu des choses comme Cobol et Fortran
(merci le bogue de l'an 2000),
- puis deux réactions à ça :
1)  PL1 d'IBM =  un pneu couvert de rustines : nouveau besoin => nouveau
patch, nouvel ajout, etc.
2) à l'opposé, les choses très pensées comme LISP de Bacchus  (et plus
tard PROLOG) et comme ALGOL avec son point d'orgue Algol-68 : tous les
concepts y étaient, très orthogonaux (c"est le mot clé d'Algol68 et
c'est pour ça que le mot orthotypo ne m'a jamais fait sortir de mes
gonds). Mais l'histoire a montré que la théorie ne suffit pas, qu'il
faut aussi être convivial. Là où Algol68 a échoué, Pascal et autres C++
ont réussi.

- mon premier job, dans les années 1965)  a été de jouer les
informaticiens de service dans un centre de recherche linguistique
(ancienne) et Chomsky, je connais! Je connais surtout les réactions
épidermiques du type « Vous vous rendez compte, Chomsky autorise des
phrases comme << La chat aboie les violon >> et ne permet pas de savoir
comment << le pilote ferme la porte >>. » 

Bon, tout ça, c'était l'opposition sémantique/syntaxe +
"context-{free/dependent}" et si il reste quand même encore  pas mal de
problèmes à résoudre, au moins Chomsky a sérieusement fait avancer le
schmillblick. Chomsky & Co bien sûr, sans oublier l'IA !

Quel rapport avec la typo ?

- Tout le monde il est d'accord pour dire qu'il faut rénover, ou
expliquer, le code typo (comme s'il n'y en avait qu'un d'ailleurs) ,

- d'aucuns pensent qu'il suffit de rajouter, supprimer ou préciser des
règles : c'est ce que j'appelle l'esprit PL/1, c'est-à-dire rustines. On
aura ainsi un catalogues de cas particuliers complètement ingérables. Un
peu comme les « dictionnaires d'exceptions » de certains algorithmes de
division des mots qui ne sont, en fait, que des règles mal perçues. J'ai
encore été invité à participer à une réunion sur une réforme du code
typo (avec Méron d'ailleurs ;=}) et n'y suis pas allé car je ne crois
pas à ce genre de groupes !


- à l'opposé, il y a des gens comme Lacroux (que je met sur un pied
d'estalle (oups, où me planté-je?)  qui comme van Wijngaarden -- ça
c'est une référence à Algol68 --- disent : il faut trouver un principe
de base qui permette d'expliquer le reste. Mais ça n'avance pas vraiment
très vite alors que Patrick Cazaux, Oliviers Randier & Co,  ils
attendent ça.

Bon alors, quelle solution ?

- dire non à toute proposition qui ne ferait qu'aggraver le code
typographique même sous prétexte de simplification (de diminution de
règles) ;
- dire oui à tout effort de normalisation par le haut et notamment à
l'orthotypographie généralisée de Lacroux ;
- *en attendant*, essayer de redéfinir un «  code typographique » basé
non pas sur 500 ans d'expérience de cas particuliers, mais sur la façon
de les définir, à la Chomsky.
 À l'Inria, nous avons essayé d'écrire un correcteur typographique qui
tienne compte du contexte structural (du type « pas de point final dans
un titre » ou « les éléments d'une liste se terminent pas un « ; » sauf
le dernier qui se termine par un point », mais hélas nous avons été très
vite blocqués par l'absence de telles règles ou surtout par l'absence «
d'orthogonalité » dans ces règles (voir par exemple l'emploi respectif
du point de fin de phrase et du guillemet fermant dans une citation). Ce
que je propose donc c'est un code typographique minimal (de bon sens) et
implémentable. Oui, je sais c'est aberrant de miniser par la base ce
qu'on sait faire en informatique ! Mais en inforamtique, ou du moins en
théorie des grammaires, on sait être cohérent et simple dans des choses
comme l'emploi du point-virgule à la fin des éléments de liste et ce de
façon récursive. Ça choque sûrement les méroniens, moi je pense qu'il
vaut quand-même mieux une approche "bottom-up" qu'un blocage en-haut du
baobab. Je suis persuadé que 95% des règles du code typo pourraient
s'écrire de façon purement syntaxique (au sens de Chomsky), les 5%
restant nécessitant des concepts (ortho-)sémntiques qu'on pourra
toujours redéfinir plus tard. Et si non, il faudra revoir le premier
modèle ! CHioc, plein de boulot en vue !

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Jacques André
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