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Message : Re: ON A TEMPETE (air connu)

(Olivier RANDIER) - Dimanche 24 Septembre 2000
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Subject:    Re: ON A TEMPETE (air connu)
Date:    Sun, 24 Sep 2000 21:21:53 +0200
From:    Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>

> Bonjour,
>
> La liste tempête régulierement sur cette histoire
> de capitales non accentuées. N'y reluquant qu'en
> amateur, je reste souvent un peu perplexe. Voici
> pourquoi.
>
> Quand j'ai appris à lire et à écrire, personne ne
> m'a jamais parlé d'accents sur les majuscules.
> Et même pour former des titres en capitales. D'où
> une première question : si l'absence d'accents sur
> les capitales est une "horreur typographique", est-elle
> aussi une horreur calligraphique ? Si oui, pourquoi ?
> Si non, de quel côté y-a-t-il un dogme ?

La pratique typographique et la pratique scripturale ne se recouvre pas, loin de là. Sur le problème des capitales accentuées, il faut bien comprendre que la notion de capitales est spécifique à la typographie. Quand on écrit, on utilise des majuscules au début des mots uniquement. On peut, bien sûr, quand on écrit "en lettres d'imprimerie", écrire tout en capitales. Mais je pense que, comme moi, vous n'avez pas appris l'écriture "en lettres d'imprimerie" à l'école, mais tout seul, pour aller plus vite.
Donc, le modèle d'écriture moderne (sic) est l'anglaise. Or, cette écriture n'a pas de capitales, mais uniquement des majuscules, sur lesquelles l'absence d'accents prête rarement à conséquence. De plus, cette écriture riche en volutes se prête mal à l'inclusion d'accents, d'où le fait qu'on ne les y marque généralement pas. Enfin, nos instits étaient de la génération de la machine à écrire (sur laquelle les capitales accentuées sont absentes). Donc, à l'école, on apprend, à tort, que les capitales ne s'accentuent pas. On espère que l'ère de l'informatique changera un peu ça (avec Windows, c'est pas gagné).

> Je me demande aussi comment on faisait au bon
> vieux temps de la Remington. [...] C'était
> l'horreur dactylographique, ce temps-là ?

Exactement. La dactylographie a fait des ravages. Une machine à écrire n'est en aucun cas un outil de composition, n'en déplaise à Méron, c'est un ersatz calamiteux dont l'abandon est une bénédiction pour tous. Par contre, Méron a raison de dire que la machine à écrire n'est pas seule en cause ; la casse parisienne, par exemple, ne comportait pas tous les accents.

> Quand un lecteur voit "ON A TEMPETE", je crois
> qu'il lit en réalité "on a tempêté" plutôt que "on a
> tempete". L'absence d'accents sur les capitales
> du titre ne l'empêche pas de lire correctement.

On a signalé récemment le titre d'une pièce de théâtre vu sur une affiche :

JE ME SUIS TUE

L'absence d'accent fait faire ici un grave contresens : il ne s'agit pas d'une femme qui se serait abstenue de parler, mais de quelqu'un qui s'est TUÉ. On pourrait multiplier les exemples. L'accent a valeur orthographique et sa présence manifeste le respect de la langue. L'accentuation des capitales n'est pas un dogme, elle a longtemps suscité des pratiques variées, en fonction du matériel, de la paresse des compositeurs, du prix de la ligne composée, etc. La position moderne est purement rationnelle : puisque les accents évitent des erreurs d'interprétation, plutôt que d'échafauder un tas de règles compliquées sur les cas où on pourrait s'abstenir de les mettre, le plus simple, le plus logique et, surtout, le plus respectueux de la langue, est d'accentuer systématiquement. Les outils modernes (sauf les PC sous Windows -- pas taper !) le permettent aisément.

Demandez d'ailleurs à Jacques ANDRE et Alain LABONTE ce qu'ils pensent des caps non accentuées... ;-)

Pour vous en convaincre, voici un petit extrait d'un article de la FAQ en cours de rédaction :

[...] On peut donc se demander pourquoi cette question revient si souvent. Historiquement, l'accentuation des capitales n'a en effet pas été systématique dans les débuts de l'imprimerie, mais depuis deux siècles environ, elle est devenue la norme, même si elle était parfois incomplète (remarquez l'absence d'un certain nombre de capitales accentuées dans la casse parisienne, qui impliquait le recours fastidieux à un casseau séparé). Pourtant, on remarque que beaucoup de gens ont appris qu'« on ne doit pas accentuer les majuscules » (alors même que dans les livres qu'ils lisent, elles le sont). Cette légende persistante tient aux décennies d'hégémonie de la dactylographie. En effet, la machine à écrire française ne comporte pas de capitales accentuées, il est, par conséquent, impossible, avec ce matériel, de composer tout accentué. Toutes les secrétaires de France ont donc appris, pendant des années, à ne pas accentuer les majuscules. Les choses ne se sont guère arrangées avec l'arrivée de la micro-informatique, le système d'exploitation dominant (Windows) obligeant encore, il y a peu, à une incroyable gymnastique pour obtenir les accents. Même si cela a été partiellement corrigé, il est toujours difficile de lutter contre les habitudes. Certains arguent même du fait que c'est plus pratique. Or, c'est faux : l'accentuation des capitales permet de conserver la cohérence du texte lors de changements de casse successifs. Quel maquettiste ou exécutant P.A.O. n'a pas été confronté un jour au problème de devoir passer en bas-de-casse une longue liste de noms propres ou d'adresses, pour des raisons d'encombrement ? Comment, alors, rétablir l'accentuation, si elle est absente ? Il faut donc combattre cette tendance et inciter à l'accentuation systématique dès l'étape de saisie. Voici un petit exercice qui, j'espère, convaincra le lecteur de la nécessité d'accentuer systématiquement. Prenons le joli pangramme panaccentué français suivant (© GEF) :
Dès Noël, où un zéphyr haï me vêt
de glaçons würmiens, je dîne
d'exquis rôtis de boeuf au kir,
à l'aÿ d'âge mûr, & cætera.
Si l'on capitalise la sentence avec un logiciel mal réglé ou mal foutu, ou si on la saisit tout en capitales sans accentuer, on obtient ceci :
DES NOEL, OU UN ZEPHYR HAI
ME VET DE GLACONS WURMIENS, JE DINE
D'EXQUIS ROTIS DE BOEUF AU KIR,
A L'AY D'AGE MUR, & CÆTERA.
Certes, si l'on considère que les capitales ne doivent pas être accentuées, la phrase n'est pas fautive. Mais si on la repasse en bas de casse, on obtient ceci, qui l'est assurément :
Des noel, ou un zephyr hai me vet
de glacons wurmiens, je dine
d'exquis rotis de boeuf au kir,
a l'ay d'age mur, & cætera.
L'exception initiale
Même parmi les typographes et correcteurs chevronnés, il subsiste une réticence à l'accentuation des capitales initiales dans les textes en bas-de-casse. L'argumentation porte sur le fait que « ce n'est pas esthétique » ou que « ça fait maniéré ». Si l'absence d'accent sur les capitales initiales pose effectivement rarement des problèmes de compréhension, il semble plus pratique de faire admettre par les profanes une règle simple, sans exception. Il n'y a aucune raison logique, et surtout pas l'orthographe, à prôner cette exception.
Si le lecteur persiste à trouver inutile l'accentuation sur les capitales initiales, qu'il considère alors l'exemple suivant, où le compositeur, après avoir traité cette phrase comme un poème, change d'avis...
Dès Noël, où un zéphyr haï
Me vêt de glaçons würmiens,
Je dîne d'exquis rôtis de boeuf au kir,
A l'aÿ d'âge mûr, & cætera.
... Et se laisse tromper par les automatismes de changement de casse :
Dès Noël, où un zéphyr haï me vêt de glaçons würmiens, je dîne d'exquis rôtis de boeuf au kir, a l'aÿ d'âge mûr, & cætera.
Avec une accentuation complète, il aurait évité la faute de français sur « à »...
[...]
Olivier RANDIER -- Experluette mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
http://technopole.le-village.com/Experluette/index.html
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse (projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie illustrative).