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Message : Re: Accent sur les capitales et espaces

(Thierry Bouche) - Vendredi 06 Octobre 2000
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Subject:    Re: Accent sur les capitales et espaces
Date:    Fri, 6 Oct 2000 14:12:16 +0200 (MET DST)
From:    Thierry Bouche <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>

Concernant « Accent sur les capitales et espaces », Oudin-Shannon écrit : «
» Thibaudeau met deux pages pour expliquer ce qu¹est le corps de la lettre. Il
» me semble que l¹on peut faire plus cour pour expliquer un « concept » simple
» : le corps 10 c¹est une lettre qui rentre entièrement dans un interlignage
» 10 avec en plus un talus en tête et en pied.
» Donc si vous voulez un À en français, l¹accent doit rentrer dans
» l¹interlignage avec le talus de tête en plus.

ça n'est pas tout à fait exact. Les accents étaient souvent crénés au
plomb, donc un À dépassait du corps comme aujourd'hui. En fait, il est
vrai que le corps des polices numériques est souvent simplement
calculé comme la hauteur minimale pour faire entrer tous les oeils,
« tous » ayant une définition variée d'un fondeur à l'autre. Une
information qualitative du genre « interligne recommandé » manque dans
les métriques actuelles, mais elle est prévue en
OpenType. Accessoirement, si les accents des capitales sont bien
dessinés, il n'est pas gênant qu'ils dépassent de l'interligne, tant
que l'on s'assure qu'ils ne rencontrent pas de jambage de la ligne
supérieure : une fonction qui semble manquer dans les programmes de
PAO actuels...

» Je me vois mal expliquer au directeur d¹un quotidien qu¹il faut « blanchir »
» ces titres et articles en les surinterligniants ou bien qu¹il faut
» considérablement réduire les corps s¹il ne veut pas être dans l¹obligation
» de sabrer pas mal de signes sur chaque page.

Je pense que ce sont de faux problèmes (je veux dire : au fond ; il y
a un vrai problème de rapports de travail...). Libération est composé
en Minion. Ils pourraient sans difficulté utiliser Minion Condensed et
réintroduire un peu plus de blanc. Minion, comme Le Monde, utilise
cet axe oblique qui permet de condenser le dessin sans trop altérer la
lisibilité. D'un autre côté, on ôterait trois lignes par page à ce
quotidien, je ne crois pas que le contenu des articles en serait
bouleversifié... (si ce n'est que le rapport signal/bruit serait
dégradé, car je les imagine mal renoncer au bruit...)


» logiciel comme InDesign permet aujourd¹hui des césures d¹une qualité que
» l¹on ne trouve pas dans le plomb. 

C'est faux.

» Il suffit de comparer un quotidien des
» années 30 et d¹aujourd¹hui.

Les quotidiens sont passés à InDesign ? Vous comparez au petit
bonheur, mais ça semble être votre méthode de raisonnement...

On imagine aisément que la composition au plomb des quotidiens ne
devait pas laisser le temps d'appliquer tous les raffinements
disponibles, qui sont pourtant présentés comme des impératifs dans les
manuels genre Lefevre ou Leclerc. De plus, la typographie chaude pour
les imprimés courants et froide pour les travaux soignés ont longtemps
cohabité. On a un peu le même paradigme de nos jours avec les trucs
vite faits dans XPress ou autre, et les sytèmes complexes mais
puissants genre 3B2.

» En plus InDesign permet une légère déformation du glyphe imperceptible à
» l¹¦il mais permettant une compositions plus régulière au niveau du gris
» typographique. Ceux qui vont hurler à l¹hérésie typographique devrait bien
» lire Lefevre : il parle de l¹élasticité de la ligne de plomb qui permet de
» rentrer par serrage une ligne qui déborde légèrement.

On a souvent discuté de HZ sur cette liste. En fait, la référence est
plutôt du côté des travaux de Gutenberg, qui justifiait ses lignes à
espace intermot constant en utilisant des variantes de glyphes,
abréviations, etc. Mais c'est là où InDesign sombre dans le mauvais
goût : au lieu d'utiliser des glyphes différents, il étroitise ou
élargit les caractères à la hussarde, même quand il s'agit d'une
multi-master avec axe « chasse ». Le seul domaine où InDesign rompt
vraiment avec les limites du plomb, c'est son module de crénage
« optique » à la volée : si les typos prenaient parfois leur lime pour
corriger un défaut d'espacement, ils ne le faisaient certainement pas
pour chaque paire de caractères !

Thierry Bouche
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  « Ils vivent pour vivre, et nous, hélas ! nous vivons pour savoir. »
				Charles Baudelaire, Paris.