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Message : Chiffres et chasse (etait : chiffres anglais)

(Alain Hurtig) - Samedi 03 Février 2001
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Subject:    Chiffres et chasse (etait : chiffres anglais)
Date:    Sat, 3 Feb 2001 10:37:19 +0100
From:    Alain Hurtig <alain@xxxxxxxxxxxxxxxxxx>

At 13:04 +0100 2/02/01, Foucauld Perotin wrote:
Je retiendrai le résumé d'Olivier Randier :

Les chiffres bas de casse sont à utiliser chaque fois que possible et,
notamment, dans le texte.

Pas si simple, j¹y reviens plus bas.

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Il me semble qu¹il y a une confusion (y compris dans nos métiers ? en plus, les opérateurs ne savent pas toujours qu¹il existe des chiffres à chasse fixe et d¹autres à chasse variable ! et les DA ne le savent presque jamais ;-). Tout le monde n¹est pas abonné à la liste Typo, évidemment.)

La chasse, fixe ou variable, n¹est pas dépendante de la casse. En général, les chiffres capitales sont à chasse fixe, mais rien ne l¹oblige. Le plus souvent, les chiffres bas-de-casse (« elzéviriens ») ont une chasse variable, mais ce n¹est pas forcé qu¹on fasse comme ça.

Les chiffres à chasse fixe, c¹est utile pour les tableaux, puisque c¹est la seule manière plausible d¹obtenir des colonnes avec un alignement parfait (même si le prix à payer est qu¹on obtient alors des approches par paire assez dégueulasses, mais là on n¹y peut rien). Ce n¹est utile que pour ça, on ne devrait jamais les utiliser ailleurs.

D¹autre part, on peut difficilement employer les elzéviriens dans les tableaux, parce que les lignes obtenues sont pleines de trous (oeils très différents d¹un chiffre à l¹autre) et que l¹effet obtenu est disgracieux et surtout difficile à suivre pour le lecteur. Et voilà l¹origine toute trouvée des capitales à chasse fixe !

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Le choix de composition entre elzéviriens et capitales dépend en effet du contexte, comme le dit Olivier Randier. Mais le contexte est ici surtout psychologique, culturel, esthétique. Ce n¹est pas un problème de « texte » ou « pas texte ». Bref et pour le dire simplement, c¹est une affaire d¹habitude. On a tellement vu de chiffres capitales, partout et depuis très longtemps, que les elzéviriens donnent un effet précieux, ampoulé (et pour tout dire peu lisible, simplement par manque d¹habitude).

C¹est pourquoi beaucoup préfèrent et de loin les chiffres capitales y compris dans du texte courant et en bas-de-casse, qu¹il s¹agisse de livres, de revues ou de tracts publicitaires.

Mon avis est qu¹on devrait utiliser les elzéviriens lorsque c¹est possible et nécessaire, et réserver les capitales à l¹effet d¹annonce, aux temps forts d¹une page, aux endroits où la lecture du chiffre (et du chiffre seul) est absolument crucial (un descriptif technique, par exemple). C¹est mon avis, je le partage, mais ce n¹est que mon avis? Je constate que les clients, en général, ne sont pas d¹accord ¡

Pour illustrer cet avis, je mentionnerai simplement des publications mathématiques où l¹appareil mathématique était composé en chiffres capitales, et tout le reste (dates de publication, numéros de formules, références d¹ouvrages, etc.) était en elzéviriens. Ça marchait à mon avis fort bien, même l¹éditeur ne l¹avait pas vu avant que je ne le lui signale ;-).

À l¹inverse, j¹ai composé l'été dernier une petite plaquette publicitaire pour Unilever, où la demande était de composer tous les chiffres en capitales. Et finalement, ce n¹était pas tellement idiot : les elzéviriens faisaient _bizarre_ dans cet environnement de promotion pour le dentifrice et le savon.

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Cela étant, l¹utilisation des chiffres capitales est souvent délicate dès qu¹il ne s¹agit pas de tableaux, justement parce que l¹usage s¹est répandu de leur donner des chasses fixes. D¹où un résultat catastrophique dès que les chiffres sont un peu gros (sur une affiche, dans un prix de catalogue).

L¹idéal, ce serait de disposer de trois jeux de polices : elzéviriens, capitales à chasse variable et capitales à chasse fixe. On en est loin !

Et c¹est ainsi que je me suis retrouvé en train de refondre de l¹Helvetica et du Frutiger, bricolant les talus d¹approche et les approches par paire, précisément pour automatiser un travail d¹approche qui se faisait, chez l¹annonceur concerné, à la main?

Travail assez facile et rapide pour l¹Helvetica (cela dit, ceux qui s¹imaginent qu¹il suffit de mettre des talus équivalents à droite et à gauche se trompent : il faut partout compenser un bloc noir ou un contre-poinçon?). Travail beaucoup plus difficile pour le Frutiger, qui a manifestement été dessiné en fonction de la chasse fixe : son dessin semble être le meilleur compromis possible ! Donc, aller bricoler ce subtil équilibre a été très compliqué, et je ne suis pas encore certain que le résultat sera bon.

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2. Les linéales peuvent-elles avoir des chiffres « elzéviriens », ou
serait-ce une monstruosité ? En pratique, ça existe ?

Je voulais en venir là. Bien sûr, que ça existe. Des gens font un travail formidable de réhabilitation des elzéviriens, précisément avec les linéales.

Le Malcom d¹Éric de Béranger, l¹Octone de Franck Jalleau, en sont de magnifiques et récents exemples. À noter que dans le premier, les elzéviriens sont placés dans la police courante et les capitales dans une police Expert, et que dans le second, c¹est l¹inverse? Drôlement pratique, merci les gars ;-).

Mais surtout, le courant typographique autour d¹Emigre, de FontFont, milite pour les elzéviriens. On en trouve dans Meta, dans TheSans, dans Matrix (qui n¹est pas une linéale, mais qui est à la mode).

Est-ce que ça suffira à renverser les usages ? J¹en doute assez? Et pourtant, la PAO a permis le retour de la petite capitale pour les lettres. Alors, pourquoi pas ?
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Alain Hurtig mailto:alain@xxxxxxxxxxxxxxxxxx
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Or ça, salopins, serre-argent, palotins, hommes de finances, larbins
chimiques, approchez ici. Qu'avez-vous à m'apprendre ?
   Alfred Jarry, _Ubu cocu_