Archive Liste Typographie
Message : RE: [typo] La veuve et l'orpheline

(Jean-Denis) - Mercredi 19 Février 2003
Navigation par date [ Précédent    Index    Suivant ]
Navigation par sujet [ Précédent    Index    Suivant ]

Subject:    RE: [typo] La veuve et l'orpheline
Date:    Tue, 18 Feb 2003 23:55:26 +0100
From:    Jean-Denis <rondinet@xxxxxxx>

> Je vous ai retrouvé ça :

From: Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>
To: <typographie@xxxxxxxx>
Date: jeudi 25 mars 1999 6:07
Subject: Re: veuve-orphelin, re'sume' ?

>>> Si ces typos faisaient bien leur boulot, on
>>> n'aurait même pas besoin d'en parler, de ces satanées veuves et
>>> orphelines!  :-)
>
>   C'est parce que les typos font bien leur boulot qu'on dispute là-dessus,
>car c'est un phénomène ***tellement rare*** qu'on hésite sur les
>définitions ! ! !

Bon, je reviens là-dessus, bien que j'ai déjà donné mon opinion, pour
préciser certains points.

Sur la question de l'anglicisme :

Personnellement, j'ai été très surpris d'apprendre que c'était un
anglicisme, pour deux raisons :
-- le terme « colle » tellement bien à ce qu'il désigne qu'on est étonné
d'apprendre que c'est une invention étrangère.
-- il nous « interpelle » par rapport à une expression très française, «
défendre la veuve et l'orphelin ».
Je trouve ce terme très utile et d'autant plus acceptable qu'il correspond
à un « référent culturel » bien français.

Sur son utilité :

L'expression « ligne creuse » ne désigne que le statut d'une ligne. Veuve
et orpheline parle de sa position dans la page. On parle d'un problème très
spécifique qui ne peut être désigné que par une périphrase très alambiquée
:
veuve = première ligne (creuse) d'un alinéa isolée en fin de page ou de
colonne ;
orphelin(e) = dernière ligne (creuse) d'un alinéa isolée en début de page
ou de colonne.
Pour peu que l'on se mette d'accord sur ce terme, ce raccourci est très
pratique.
D'autre part, la veuve n'est généralement creuse que du renfoncement
d'alinéa, voire pas du tout (cas E). Et l'orpheline peut être pleine (cas
F) -- ce qui plaide pour le féminin, d'ailleurs ;-).

Sur l'ordre :

Faisons simple. L'ordre donné par JiDé me paraît le plus évident, pour
plusieurs raisons. L'expression populaire dit « la veuve et l'orphelin(e)
», il paraît donc logique de mettre la veuve au début du paragraphe et
l'orphelin(e) à la fin. D'autre part, il est beaucoup plus « grave » de
faire un orphelin qu'une veuve (qui peut être joyeuse, comme chacun sait).
De même, la ligne orpheline est à éviter absolument, alors que la veuve
peut être tolérée.

Donc :

   CAS "A" :
.........................  ) Ex. de ligne creuse en pied :
blablablabla blablablabla  ) si ce  texte est en bas
blablablabla.              ) de page, la dernière de ces
   Blabla blabla blablabl  ) lignes est-elle une « veuve » ?

Oui, la veuve, c'est, strictement, celà. Il faut essayer de l'éviter, mais,
si on ne peut pas, on peut atténuer les dégats en "repatinant" en amont
afin d'avoir une ligne moins creuse au-dessus. Si la ligne précédente est
vraiment très creuse (faux blanc), on pourra généralement la gagner, et
donc éviter la veuve.

   CAS "B" :

blabla.                    ) Ex. de ligne creuse en tête :
   Blablablablablab blabl  ) Si une colonne commence comme ce
blablablabla blablablabla  ) texte, la première de ces lignes
blablablabla blablablabla  ) est-elle une « orpheline » ?

Oui, l'orpheline, c'est, strictement, cela. Elle est à éviter absolument. À
la limite, en cas d'impossibilité, on peut la tolérer si elle est pleine
(cas F). Tschichold dit tolérer « des lignes creuses sous le filet qui
tient toute la justification au dessous d'un titre courant ».

   CAS "C" :

   Blabla blabla blablabl  ) Ligne creuse en tête, mais
blablablabla blablablabla  ) c´est la première
blablablabla blablablabla  ) d´un
.........................  ) paragraphe

Ceci n'est ni une veuve, ni une orpheline, c'est une ligne creuse en tête,
qui ne me cause aucun problème philosophique. C'est un cas forcément très
fréquent, et qui jure d'autant moins qu'il correspond à la logique générale
d'une page, et qu'il n'est jamais creux que d'un renfoncement d'alinéa.
S'il s'agit du début d'un texte (et s'il ne commence pas par une lettrine),
toutefois, Tschichold recommande d'enlever le renfoncement.

   CAS "D" :
.........................
blablablabla blablablabla  ) Ligne creuse en pied, mais
blablablabla blablablabla  ) c´est la dernière
blablablabla blablablabla  ) d´un
blabla.                    ) paragraphe

Ni une veuve, ni une orpheline, c'est une ligne creuse en pied, qu'on
s'efforcera de rendre la moins creuse possible. Plus embêtante que la
précédente, parce qu'elle peut produire un faux blanc final.

   CAS "E" : Composition sans renfoncement d'alinéa

.........................  ) Ex. de début de paragraphe en
blablablabla blablablabla  ) pied ; si ce texte est en bas
blablabla blabla blabla b  ) de page, la dernière de ces
blablablabla.              ) lignes est-elle une « veuve »,
Blabla blabla blablablaba  ) la ligne n'étant pas « creuse » ?
                           ) Est-ce interdit ?

Si l'on compose sans renfoncement d'alinéa, il y aura souvent un espace
avant les paragraphes, et cette veuve (pour moi, c'en est une) posera le
même problème qu'une veuve dans une composition avec alinéa. Sinon, mêmes
remarques que pour la veuve « légitime ».

   CAS "F" (encore un oubli) :

bla bla blabla blablabla.  ) Ex. de ligne pleine en tête :
   Blablablablablab blabl  ) Si une colonne commence comme ce
blablablabla blablablabla  ) texte, la première de ces lignes
blablablabla blablablabla  ) est-elle une « orpheline » ?

Cette orpheline pleine (dite « fille-mère » ;-) peut être tolérée, en cas
de nécessité incontournable.

En fait, le problème des veuves et orphelines n'est pas tellement qu'elles
soient creuses. On peut très bien avoir des lignes un peu creuses en début
et fin de page ou de colonne. L'oeil tend à combler les vides pour remplir
le rectangle d'empagement. Ce qui gêne, c'est la combinaison de deux lignes
creuses en opposition, qui donne une page ou une colonne qui démarre ou
finit de travers. C'est d'autant plus flagrant (et intolérable) si la veuve
est précédée, ou l'orpheline suivie, d'un sous-titre.

   CAS "A2" :
.........................
blablablabla blablablabla
blablablabla.
       SOUS-TITRE
   Blabla blabla blablabl

   CAS "B2" :

blabla.
       SOUS-TITRE
   Blablablablablab blabl
blablablabla blablablabla
blablablabla blablablabla

Ces deux cas pose problème et sont à proscrire, même si l'orpheline et la
veuve sont pleines.

D'une façon générale, veuves et orphelines sont plus faciles à zigouiller
si on a d'abord fait la peau des lignes à voleurs.
Olivier RANDIER -- Experluette mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
    http://technopole.le-village.com/Experluette/index.html
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse
(projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie
illustrative).