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Message : Paput et Grinevald à la soirée mensuelle de Lure

(Foucauld Perotin) - Lundi 03 Mars 2003
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Subject:    Paput et Grinevald à la soirée mensuelle de Lure
Date:    Mon, 3 Mar 2003 11:01:49 +0100
From:    "Foucauld Perotin" <fp.listes@xxxxxxxxxxx>

Préambule. Le bref compte rendu que je vais faire des exposés de
Paul-Marie Grinevald et Christian Paput ne sera pas très détaillé
(la demande de Jef fut faite après coup, alors que je n'avais aucune
note...) et contiendra pas mal d'éléments imprécis, parce qu'il semble
y avoir bien des incertitudes sur l'avenir des projets envisagés.
J'ajoute avoir compris que la présentation des mêmes circonstances
pourrait être différente selon l'auteur du récit, et que les propos
qui ont été tenus librement ne m'ont pas semblé destinés à être
intégralement rapportés, aucun document de synthèse n'ayant d'ailleurs
été distribué aux participants de cette soirée...

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Voici d'abord comment le programme de la soirée a été présenté sur le
site des Rencontres de Lure :

 <http://www.rencontresdelure.org/rdv/rdv.html>

La longue histoire de l'Imprimerie nationale, distinguée par des
productions prestigieuses pendant presque 400 ans, a marqué le monde
du livre et des Arts graphiques. Les Imprimeries Royale, puis
Impériale et nationale ont concentré des connaissances et des
techniques rares jusqu'à la fin des Trente Glorieuses. L'imprimerie
nationale, devenue société anonyme en 1994, se cherche aujourd'hui, à
travers sa nouvelle identité, son personnel clairsemé et ses commandes
disputées.

Paul Marie Grinevald, conservateur de la bibliothèque du comité
historique, économique et financier de la France (CHEFF), ancien
conservateur à la bibliothèque de l'Imprimerie nationale, tracera un
historique des différents projets de Musée et de préservation des
savoir-faire.

Christian Paput, graveur au Cabinet des poinçons de l'Imprimerie
nationale parlera de l'avenir du Cabinet des poinçons, de la gravure
des poinçons, de la fonderie des caractères, des possibilités de
préservation des métiers, ainsi que du projet de déménagement et de
l'« usine-musée ». Il a rédigé l'introduction de l'ouvrage _Des
caractères_ de Muriel Paris.

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Paul-Marie Grinevald a fait un exposé historique remontant à 1805.
À l'occasion de la visite du pape pour le sacre de Napoléon, le mot
de « musée » est déjà écrit, au sujet des richesses de l'Imprimerie
royale, devenue impériale, et de l'importance qu'il y aurait à les
préserver. Pourtant, si le trésor que représentent les poinçons de
l'I. N. a été bien conservé -- ils sont classés monument historique
depuis 1946 -- il n'en est pas de même pour les presses. Le nombre de
presses du XVIIIe conservées en Europe est par exemple très faible...

C'est le terme de « conservatoire » qui conviendrait le mieux pour
nommer le projet visant à préserver, non seulement un patrimoine,
mais aussi des savoir-faire. Où en sont les projets ? Quelles sont
les perspectives ? L'emploi de conditionnels et de litotes parait
inévitable...

L'Imprimerie nationale a un statut de SA depuis 1994, l'État étant
l'actionnaire et le ministère des Finances le ministère de tutelle.
L'I. N. est donc soumise aux lois du marché, mais assume cependant
dans le même temps une fonction patrimoniale, avec, semble-t-il, une
prise en compte spécifique du coût annuel, calculé par la direction,
et qui constitue un des éléments des échanges concernant l'avenir de
l'institution.

Deux événements de ces dernières années vont nécessairement conduire à
poser la question du devenir du patrimoine et des activités de l'I. N.
autour des techniques traditionnelles. Le projet de déménagement du
site historique du XVe arrondissement de Paris d'abord ; le terme
normal de la carrière de salariés de l'I. N. compétents dans les
différentes techniques traditionnelles, dont la relève et les
formations spécifiques associées, n'ont pas été prévues, par ailleurs.

Le déménagement du site du XVe est-il certain ? Aucune réponse ne
semble pouvoir être donnée. C'est cependant le plus probable.
Rappelons que certains contestent le caractère impératif de ce
déménagement. Quoi qu'il en soit, la vente du site du XVe n'est pas
faite, et elle ne semble pas sur le point d'avoir lieu. Par ailleurs,
le projet de Choisy-le-Roi ne semble pas au mieux pour diverses
raisons. Voir par exemple :

 <http://www.graphiline.com/index.php?page=article&idnewsarticle=3977>

Christian Paput nous a présenté plusieurs croquis d'architecte issus
du projet de Choisy. Une partie du site devrait être consacrée au
patrimoine, par une usine-musée avec, en plus du Cabinet des poinçons,
un bâtiment réservé aux activités traditionnelles. (Ces croquis
produisent une curieuse impression. Il y aurait bien là des
« activités » traditionnelles, et notamment des ouvriers typographes
au travail, mais le « concept » prévoit aussi que ces activités soient
vues par les visiteurs depuis un observatoire vitré jouissant d'une
position privilégiée, en hauteur. Effet zoo garanti...)

Qu'en est-il des compétences à l'I. N. dans le domaine de la
typographie traditionnelle ? Ce secteur patrimonial concerne
actuellement une dizaine de salariés, dont quatre compositeurs (parmi
eux, deux orientalistes). Beaucoup sont proches de la retraite, mais
-- enfin des bonnes nouvelles ! -- la question de la transmission de
ces compétences commence à être prise en compte.

Il y a un an, le dernier fondeur de l'entreprise est parti à la
retraite. La mémoire de ce savoir-faire essentiel semblait ainsi
appelée à disparaître définitivement de l'Imprimerie nationale. Un
budget du ministère de la Culture a pu être attribué pour veiller à
la formation de salariés plus jeunes dans ce domaine. Un retraité a
été rappelé pour cette mission, et la formation a pu commencer.

Le départ vers un nouveau site étant sur les rails, il convient de
préparer le déménagement du Cabinet des poinçons. Or les collections
du Cabinet des poinçons ne sont pas toutes facilement transportables
(500 000 poinçons, les cuivres, les bois, etc.) et pas même toujours
bien connues... Ce qui a commencé pour Christian Paput, c'est donc
un gros travail de conditionnement et d'inventaire. Il a pu obtenir
un poste à temps plein supplémentaire pour cette tâche. Et la bonne
nouvelle, c'est que son jeune adjoint sera ensuite son apprenti,
qu'il sera formé par Paput à la technique de gravure des poinçons.

Ce sont donc des éléments positifs concrets, au niveau du capital
humain, mais sur un fond de grande incertitude quand à l'avenir de ce
que l'on aimerait voir devenir un conservatoire national. Bien sûr,
rien ne menace le patrimoine que représente les poinçons, monument
national classé depuis 60 ans, mais le risque d'une mise « au placard »
de ces trésors demeure.

Les décisions susceptibles d'intervenir prochainement dépendent de la
direction de l'Imprimerie nationale, du ministère des Finances, du
ministère de la Culture, d'élus locaux impliqués dans le déménagement
du site historique aussi... Paput et Grinevald continuent de se
mobiliser dans ce dossier, par exemple en rassemblant les soutiens de
personnalités éminentes, notamment dans les milieux académiques. Ils
suggèrent de ne pas hésiter à soumettre des demandes de consultation
ou d'étude des richesses du Cabinet des poinçons, signifiant
incidemment l'importance de l'accès à ce patrimoine pour tous.

--
FP