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Message : Re: [typo] Le maÓtre de Garamond

(Alain Joly) - Vendredi 21 Mars 2003
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Subject:    Re: [typo] Le maÓtre de Garamond
Date:    Fri, 21 Mar 2003 16:53:51 +0100
From:    Alain Joly <alain.joly3@xxxxxxxxxx>

Le vendredi 21 mars 2003 à 15:15:52, Alain Joly écrivit :


AJ> 1. L'erreur qui consiste à utiliser "la" police de caractères de
AJ> l'époque du sujet est commune

je pense qu'on s'achemine vers de bien pires erreurs, par défaut de
culture typographique : choisir une police par son nom. (Quoi de mieux
pour un roman sur Augereau qu'une police nommée Augereau ?) Et si dans
l'annuaire, je tombe sur monsieur Sabon, hop, je le compose en Sabon,
etc. ?

Entièrement d'accord, c'est hélas le prix à payer de la banalisation
typographique générée par la vague PAO...


AJ> Ce n'est bien
AJ> sûr pas un critère de choix objectif, sauf à vouloir reproduire une
AJ> ambiance, auquel cas il faut respecter les us et coutumes
AJ> typographiques de l'époque concernant le format, les blancs
AJ> d'empagement, les règles de disposition des titres, l'usage des
AJ> vignettes, etc.

oui, on peut même faire un « à la manière de »  en utilisant une police
carrément non datée comme Today Sans. L'espacement, l'empagement, le
format, surtout les défauts comme l'absence de crénage et l'espacement
inégal des lettres peuvent donner vraiment le sentiment de lire un
livre d'époque, avec un caractère très XXIe.

C'est vrai aussi, cela requiert seulement beaucoup de savoir faire
pour obtenir un bon résultat...


AJ> 2. Le "vrai" Garamont commandé par François Ier est un type italique
AJ> grec inspiré par ceux d'Alde Manuce et sa version romaine est, en
AJ> principe, communément admise comme étant celle du "Romain de
AJ> l'Université" gravé par Jean Janon et dont les poinçons sont à
AJ> l'Imprimerie nationale. Pour ma part, c'est cette version que je
AJ> considère comme originale.

Ah ! C'est original !

:-) mais je persiste et signe...


AJ> Ses ascendantes et descendantes sont bien
AJ> plus courtes que sur ton exemple et il chasse plus...

dialogue de sourds : il faudrait préciser de quels corps on cause. Ici il
s'agit d'une police conçue pour la titraille et le panache, à ne surtout
pas comparer avec les corps de texte du pseudo-garamond de l'IN.

(voir plus bas) Je reste dans ce cas attaché à ce qu'était une fonte
plomb : l'ensemble oeil-interlignage "de base comme on dit
maintenant" ne faisait qu'un.

Je ne juge ici que l'exemple adressé en fichier gif par Jacques, à
défaut de mieux.

J'aimerai savoir pourquoi l'IN posséderait un pseudo-Garamont.
Serait-ce que M. Cramoisy s'est fait avoir lorsqu'il a acheté les
poinçons à Jean Jannon en 1641 ? Des infos, vite !!!


AJ> J'en ai profité
AJ> pour jeter un oeil sur mes différents spécimens de caractères et n'ai
AJ> pas trouvé de type semblable à ton exemple. As-tu des infos sur ce M.
AJ> William-Ross Mills ?

On en a parlé il y a assez longtemps sur la liste. Voir le site de Luc
Devroye, qui contient une ode à _ce_ garamond par apostrophe. Quelques
images, fournies par apostrophe, avaient alors circulé, il en reste les
commentaires dans les archives, je pense (déc. 2000).

Je vais aller voir.


AJ> L'emploi d'un Garamont(d) plus conventionnel (genre Garamond 3
AJ> d'Adobe) aurait sans doute évité ce défaut d'aspect...

Ah ! Génération JiDé repérée ! Faut vraiment n'avoir eu que des
linotypes entre les mains pour donner du « plus conventionnel » à un
garamond 3 !!

J'ai eu aussi du fondeur (du vrai) celui de Deberny et Peignot qui
n'était ma foi pas si mal que ça :-)

Plus conventionnel, a mes yeux, signifie plus proche de celui de l'IN
qui est pour moi la référence, à défaut de mieux.



AJ> Je crois tout simplement que le caractère de M. William-Ross Mills
AJ> est mal dessiné, trop étriqué et avec un mauvais rapport entre la
AJ> hauteur d'oeil des lettres courtes et de celles qui ont des hampes ou
AJ> jambages. Sur la dernière ligne, la hampe du "d" touche le jambage du
AJ> "q" situé au-dessus.

il n'est, je le répète, pas un caractère de texte. Imaginons que
j'écrive un roman intitulé _Poetica_ sur la vie rose & de palais que
j'ai ici. Vous visez les ravages si ça tombe entre les mains d'un
partisan de l'autotyponymie ?

Je déconnecte ici. J'ai été en partie "élevé" comme ça mais mon âge
(génération JiDé) me conduit à préférer maintenant l'irrationnel
instinctif à une quelconque justification intellectualisée d'un
choix. Pardon à tous ceux que cela offense.


AJ> 3. Je préfères, j'ai toujours préféré le dessin du Garamont italique
AJ> à celui du romain.

S'agit-il toujours du Jannon, ou sommes-nous revenus à du vrai
garamond ? parce que le jannon est marrant, mais très excentrique et
torturé (nombreuses pentes pour les hampes, chasse énorme su x et
minuscule du i ou du o, etc.) Je crois que le Berthold Garamond ital.
est inspiré de types de garamond, tandis que, comme tout le monde le
sait, celui d'adobe garamond est un granjon (et le Sabon ? où Porchez
a-t-il pris son italique, puisque celui de Tsch. était entièrement à
reprendre ?)

Une fois encore, "vrai Garamont" ne veut absolument rien dire. Les
poinçons de Jannon ont l'immense avantage d'être parvenus jusqu'à
nous, d'avoir été achetés officiellement puis utilisés
industriellement par l'IR puis l'IN depuis 1641 (80 ans après la
disparition de Garamont, c'est vrai, mais le temps "technologique"
était alors compté différemment d'aujourd'hui). L'usage leur a donné
cette appelation de Garamont depuis 350 ans. Est-ce insuffisant ? À
ma connaissance, nous n'avons pas autant de certitude quant aux
poinçons récupérés par l'imprimerie Plantin à la dispariton de
Garamont.



AJ> en Bembo italique. J'avais dû alors batailler ferme pour imposer ce
AJ> choix car on me reprochait le manque de "lisibilité" de l'italique et
AJ> m'en était sorti par un argument limite mauvaise foi : "lisez
AJ> quelques pages, vous constaterez que vous habituerez rapidement...".

bizarre, en effet ; parce que lire plus de deux pages en bembo italique,
à part si c'est une lettre de demande en mariage (et encore, je ne finis
jamais les demandes en mariage qui durent plus de deux pages, ça augure
plutôt mal de la vie commune, crois-je).

Il y a longtemps que je ne préoccupe plus de ce que pourrait-être une
demande en mariage, fut-elle composée en Garamont italique :-))) et,
détrompez-vous, l'ensemble était harmonieux et ne présentait aucune
difficulté pour être lu.


AJ> 4. Pour conclure, Garamont était graveur de caractères. Je ne sais
AJ> pas combien de types différents il a gravé.

c'est une bonne remarque. Qui s'illustre mieux avec les bodonis, je
trouve : il existe des poinçons de Bodoni qui s'étalent quasiment de
Fournier ou Baskerville (je veux dire : qui sont moins « modernes » que
le baskerville que l'on connaît de nos jours) aux purs et exigeants
Bauer Bodoni. Granjon a aussi inventé les lettres de civilité ou inspiré
le Gaillard de Carter. Identifier un type et une fonte, c'est un peu
cavalier.

C'est tout la problématique de l'inspiration qui est posée là...





 Thierry Bouche


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