Archive Liste Typographie
Message : Re: [typo] Le maître de Garamond

(Thierry Bouche) - Jeudi 27 Mars 2003
Navigation par date [ Précédent    Index    Suivant ]
Navigation par sujet [ Précédent    Index    Suivant ]

Subject:    Re: [typo] Le maître de Garamond
Date:    Thu, 27 Mar 2003 14:38:58 +0100
From:    Thierry Bouche <thierry.bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>

Le lundi 24 mars 2003 à 17:07:29, Alain Joly écrivit :


>>
>>http://www.unostiposduros.com/paginas/histo9.html

AJ> Je n'entends hélas pas l'espagnol...

de toute façon, on me dit que la traduction est médiocre, et que
l'intégralité du texte n'a pas été respectée...

>>Les types de Jannon, dessinés un siècle après ceux de Garamond, sont
>>certes une référence claire qui a le mérite d'être identifiée. Mais,
>>datant d'une autre époque, leur dessin que l'on retrouve plus ou moins
>>distordu dans Monotype garamond (la meilleure interprétation
>>contemporaine, à mon avis, malgré la graisse déficiente et les habituels
>>problèmes de crénage), garamond 3, ITC garamond..., n'a que très peu de
>>points communs avec les poinçons effectivement gravés par M. Garamond.
>>
>>C'est un peu comme si on disait que les enregistrements de Glenn Gould
>>peuvent désormais servir de référence à tout travail sur l'oeuvre pour
>>clavecin de Bach, du fait qu'ils sont plus facile à se procurer et ne
>>posent pas de problème d'identification...

AJ> Je ne vois pas ce qu'il y a de commun avec cet exemple-là : les 
AJ> poinçons (ou plutôt les matrices, corps 18, 24 et 36 pour être 
AJ> précis) achetées par l'IR sont des éléments métalliques à peu près 
AJ> inusables, il n'y a aucune interprétation possible. Quelles que 
AJ> soient les dons de Glenn Gould, il n'était pas dans la peau de Bach.

Jannon n'était pas dans celle de Garamond, les romains de l'université
sont déjà un « revival » de fontes de Garamond. Le fait que leur source
soit plus clairement identifiée que pour les quelques spécimens attribués
à Garamond qui se trouvent à Anvers ou Francfort n'augmente guère leur
authenticité.

L'analyse de Beatrice Warde est morphologique. Elle compare les types
imprimés à Paris à l'époque où Garamond était en activité, une source de
comparaison fiable pour les capitales romaines étant les capitales
grecques communes avec le romain. Le M, p. ex., correspond parfaitement
à celui utilisé dans des livres imprimés par Estienne ou Gagny à une
époque donnée. Il diffère des premiers romains (humanes) copiés des
vénitiens, ainsi que de l'évolution postérieure qui aboutit au dessin de
Jannon, que Bringhurst classe carrément dans une autre catégorie que les
garaldes (baroque).

J'ai regardé ce matin un livre imprimé en garamont-IN, dont le dessin me
semble nettement inférieur aux polices que l'on attribue aujourd'hui à
garamond. Le g est balourd (la boucle du haut est presque de la taille
du o -- warde présente comme une invention de garamond le dessin
beaucoup plus équilibré avec une boucle réduite de moitié et ne reposant
pas sur la ligne de base : on assisterait donc là à un retour en
arrière), l'apostrophe trop grasse, une inconsistance des graisses assez
générale. À la rigueur, si on pense que garamond avait 85 ans environ
quand ces poinçons furent gravés, on peut mettre ces quelques évolutions
stylistiques sur le compte de la sénescence...?


>>Et la petite barre du l, c'est Garamond, sorti de sa tombe
>>pour l'occasion, qui l'aurait ajoutée ?

AJ> Perdu ! C'est le seul dessin de lettre de l'IN qui ne comporte 
AJ> justement pas cet appendice ;-)))))

Ah ! je suis pris la main dans le sac ! Mais ça ne change rien au fond :
il est de notoriété publique que le romain de l'université n'est pas de
la main de garamond. Le livre dont je parle plus haut (les caractères de
l'IN, par Florian Le Roy, 1955) contient une sorte de paraphrase de
l'article de warde, tournée vers l'honneur national et la défense de
l'IN, qui se termine par la conclusion assez cocasse que, si  ce
« Garamont » n'en est probablement pas un, il y a tout de même
probablement quelques lettres de sa main, les autres ayant été
retouchées par Jannon. Accessoirement, ce livre présente le défaut
absolu d'avoir un interligne insuffisant et quelques hampes qui frôlent
certains jambages...


AJ> Pour conclure, disons que je ne fais pas partie de l'obédience 
AJ> anti-Jannon,

on l'aura compris -)

AJ>  que le sujet aura eu le mérite de quelques échanges... à 

oui !

AJ> propos d'un gif reproduisant ce qui semble être le dessin 
AJ> particulièrement raté d'une garalde et sur ce point, si j'ai bien 
AJ> compris vos premiers messages, nous sommes d'accord :-)

pas entièrement non plus, je parlais plutôt de l'usage inadapté d'une
garalde assez brillante. Ce caractère, Augereau, est superbe quand on
l'examine dans les détails. Il est brillant, avec un niveau de détail et
de soin dans le dessin assez stupéfiant. Il a été créé par un américain
qui ne connaît pas forcément le maniement des accents et autres
subtilités françaises. C'est une police qui ne rend des services qu'en
grand corps, où elle captera probablement beaucoup l'attention. C'est
très certainement une erreur de vouloir l'utiliser comme fonte de
labeur, et c'est sur ce point que nous sommes d'accord.


 Thierry Bouche