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Message : Re: [typo] contribution et codage (Pierre Schweitzer) - Lundi 17 Mai 2004 |
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Subject: | Re: [typo] contribution et codage |
Date: | Mon, 17 May 2004 21:52:08 +0200 |
From: | "Pierre Schweitzer" <pierre.schweitzer@xxxxxxxxxxx> |
D'accord. Rendons à Bi Sheng et Wang Zhen ce qui
leur appartient et que je n'ai jamais contesté, donc. Et à nous notre
pataphysique...
Deux mots encore.
J'avais été frappé également par la
coïncidence de dates entre l'apparition de la typographie en Corée et la
réforme du système d'écriture coréen qui instaura "scientifiquement"
l'alphabet, dans la première moitié du XVeme siècle. Mais pour l'heure, ça
reste encore pour moi une question à élucider...
Ensuite, concernant la robustesse de la forme
imprimante et la stabilité des caractères... C'est l'hypothèse, tout juste
suggérée par Bechtel que l'apport décisif de Gutenberg serait en réalité un
trivial "effet de bande". Est-ce que la stabilité de sa forme n'est
pas un simple sous-produit du mode de production de ses types
?
Les moules des caractères fondus et en
particulier, les parois latérales récupérables, ne produisent-elles pas de fait
des éléments préfabriqués homogènes et parfaitement juxtaposables ? Bien mieux
en tout cas que ne le feraient des types non fondus, en bois, en
terre-cuite ou en porcelaine...
La stabilité de la forme n'est peut-être pas
ça qui a motivé Gutenberg au départ. Je dirais même "sûrement pas" : il
recherchait l'efficacité et la robustesse d'une production en masse, comme il
l'avait fait déjà pour les "miroirs" d'Aix-la-Chapelle, avec les matériaux
qu'il maîtrisait, acier pour les poinçons,
cuivre pour les formes estampées, plomb et étain pour le métal
fondu.
Et puis voilà : les formes des types produisent
de fait des gabarits constants et parfaitement juxtaposables... C'est une
trouvaille qui lui tombe du ciel en réalité ;-)
Pierre Schweitzer
----- Message d'origine -----
Envoyé : lundi 17 mai 2004 03:24
Objet : Re: [typo] contribution et codage J'ai sans doute réagi un peu trop rapidement à votre remarque que les essais de Bi Sheng et Wang Zhen (et confrères) étaient "de pures hypothèses dont j'ai du mal à croire qu'elles tiennent la route en phase de production (cf supra dans le fil). Le système de Wang Zhen est une expérimentation intéressante et honorable dont le seul à nous laisser un témoignage est Wang Zhen lui- même." Dont acte qu'il ne fallait pas interpréter ça comme une récusation de l'existence même de ces essais - et de l'existence effective d'une production (fût-elle restreinte) par ces moyens.. Pour la question de l'avantage de la forme gutenbergienne : simplement, c'était un obstacle supplémentaire que de devoir recaler les caractères dans la forme au bout d'une vingtaine d'exemplaires tirés... Le fond de la question (qui demeure avec la forme gutenbergienne) est bien celui que vous pointez. Mais c'est en définitive un problème presque plus économique que technique (au sens restreint du terme : puisqu'on ne saurait bien disjoindre une réalisation technique de son contexte économique). Qu'il s'agisse du temps (et des qualifications requises) pour repêcher chaque caractère parmi 30 000 (ou plus), ou pour redistribuer les caractères dans la casse ; ou de l'investissement en poinçons et/ou en moules (suivant la technique)... Le calcul économique qui a favorisé, en Europe, la typographie face aux copistes, mais aussi face à la xylographie, n'était plus le même pour le chinois, c'est sûr. D'où la permanence de la xylographie. Ce n'est sans doute pas un hasard si le premier essor de la typographie (à caractères métalliques) a eu lieu au XVe siècle en Corée - après la réforme instituant les caractères hangul... Ajoutons encore ceci : de même que les humanistes de la Renaissance européenne, qui faisaient la fine bouche, initialement, devant les résultats grossiers de l'imprimerie gutenbergienne, comparée au magnifiques manuscrit d'alors - rappelons que la circulation de livres *manuscrits*, souvent (mais pas toujours) richement historiés, s'est poursuivie, en Europe, jusqu'au début du XIXe siècle ! - de même que nos humanistes, donc, les lettrés chinois considéraient les possibilités de la typographie comme nettement insuffisante pour leurss besoins. En effet, on sait qu'un imprimeur (même travaillant au plomb) n'aura jamais "une police" - à ce compte, il n'aurait guère de commandes. Sans même parler de la question des corps (au minimum deux ou trois corps de texte, un de titraille et un de placard [affiche]), ni du besoin d'avoir deux ou trois styles différents (au minimum une police avec empattements, une sans), on sait que chaque police se déclinera en général en quatre variantes : romain maigre, italique maigre, rom. gras, ital. gras. Ajoutons, pour faire bonne mesure (vrai pour l'aire germanique) le style Fraktur, en maigre et en gras (pas d'ital. !). Les typographes allemands y auraient adjoint, d'ailleurs, au moins une Schwabacher... (Et puis du Rundgotisch pour les affiches, par exemple... enfin, passons.) Ces catégories ne sont, bien sûr, pas applicables telles quelles aux police chinoises (sauf, dans certain cas, la distinction maigre-gras). Néanmoins, tout calligraphe doit maîtriser six *styles* bien distincts (et même plus, en pratique)... D'où la nécessité, en principe, de pouvoir disposer de six polices correspondantes... Le calcul devient vite éprouvant, en termes de gestion de stocks... Les six styles "essentiels" sont : dà zhuàn (grand sceau), xiào zhàn (petit sceau), li shù (caractères des fonctionnaires), câo shù (cursif), kai shù (ordinaire, ou régulière) et xing shù ("moderne", ou "courante"). Pour ces styles (et d'autres), voir, par exemple, le site du Proel (en espagnol !) : http://www.proel.org/alfabetos/chino.html Ou : http://www.wavedancing.net/history/scripts.htm http://www.schriften-lernen.de/Schrift/China/Kallig/Jensen167.htm (en allemand) Un site intéressant pour affiner vos connaissances : celui de "Dylan" (un Chinois !) : http://www.sungwh.freeserve.co.uk/qwikgyde.htm Pour ce concerne spécifiquement le chinois : http://www.sungwh.freeserve.co.uk/chinese/index.html De quoi se perdre quelques heures - mais ça en vaut la peine ! Sinon, des sites pour apprendre le chinois (ou l'écriture chinoise) : http://www.mandarintools.com/cintro.html http://www.zhongwen.com/ http://philo.ucdavis.edu/zope/home/txie//azi/azi.htm http://www.chinapage.com/callig1.html (calligraphie) http://www.sinophilia.org/ Enfin, une dernière considération - d'ordre plutôt économique, elle aussi. On sait que la Chine (mais aussi la Corée et le Japon) ont très vite apprécié les ouvrages monumentaux, pour ne pas dire colossaux : 80 000 planches pour le classique coréen du XIIIe siècle évoqué par la planche que vous avez reproduite (moine coréen tenant quelques planches), 130 000 mille planches pour la grande édition des classiques du canon bouddhique, au Xe siècle... Un "monstre" : une encyclopédie commandée par l'empereur, au XVIIIe siècle, qui nécessita la construction d'un *pavillon* particulier pour l'abriter. (Une version CD-ROM a été publiée il y a quelques années, mais je n'en retrouve pas la trace.) On imagine la masse de caractères qui auraient été nécessaires.
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