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Message : Re: [typo] édition bilingue

(Pierre Roesch) - Dimanche 05 Juin 2005
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Subject:    Re: [typo] édition bilingue
Date:    Sun, 5 Jun 2005 00:15:53 +0200
From:    Pierre Roesch <pierreroesch@xxxxxxxxxx>


Le 4 juin 05, à 12:25, brocro@xxxxxxxxxxxxxxxx a écrit :

J'ai plusieurs recueils de poésie en édition bilingue dans la collection Verdier qui ne différencie pas les deux versions en regard. Cette présentation m'a un peu déconcertée au début, puis je m'y suis habituée. Toutefois, je pense que la solution classique qui consiste à avoir le texte original à gauche en italique reste préférable.

L'italique est apparu comme caractère de texte chez Alde Manuce (avec des capitales en romain, ce qu'on retrouve dans le Novarese d'Aldo Novarese). Il a vers la fin du XVIe siècle acquis le statut de companion du romain que nous connaissons. (Hector Obalk a développé une théorie intéressante sur ce basculement.) Un certain nombre d'italiques gardent la marque de cet héritage en étant nettement plus étroits et peu penchés (par exemple le Joanna d'Eric Gill). ` Par conséquent, la lisibilité au long cours de l'italique est souvent discutable. C'est, bien sûr, principalement parce que nous en lisons peu (théorie — valable seulement en partie — affirmant que la lisibilité est affaire de « pratique », de fréquentation). Les italiques dessinées pour la Linotype ont une chasse égale au romain pour permettre le duplexage et s'éloignent du modèle ancien. De même la plupart des « italiques » (en fait des romains penchés) des antiques du milieu du XXe siècle qui visent une régularité maximale (Univers, par ex.).

Malgré tout les italiques gagnent, à mon avis, à avoir un dessin bien différencié de celui romain, surtout dans un emploi de contrepoint visuel. Les italiques les plus « typées » sont ainsi sensiblement plus difficiles à lire. Parmi les créations ou recréation du XXe siècle, on peu le constater avec l'Albertina, le Dante, l'Erhardt, le Lexicon.

Si l'on tient absolument à composer la totalité d'un texte en italique, il faudra choisir soigneusement le caractère et trouver un couple romain/italique pas trop contrasté. Le Minion, le Swift, par exemple, répondent peut-être à cette exigence.

La disposition en face à face (qui permet d'heureuse et stimulantes confrontations — qui voudrait y renoncer !) me semble suffire largement. Et la solution des éditions Verdier me semble être le meilleur service à rendre au lecteur, même si elle peut surprendre au premier contact. Cet éditeur est d'ailleurs un de ceux qui en France soignent la typographie de leurs ouvrages.

Pour les problèmes de textes bilingues avec du grec, on peut se reportyer aux remarques de Robert Bringhurst dans The Elements of Typographic Style, et aussi (toujours en anglais)
http://www.daidala.com/02nov2002.html