Archive Liste Typographie
Message : Re: [typo] De l'écrit inclusif

(Jacques Melot) - Mardi 09 Mars 2021
Navigation par date [ Précédent    Index    Suivant ]
Navigation par sujet [ Précédent    Index    Suivant ]

Subject:    Re: [typo] De l'écrit inclusif
Date:    Tue, 9 Mar 2021 16:58:21 +0100
From:    Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx>

Title: Re: [typo] De l'écrit inclusif
 Le 9/03/21, à 15:45 +0100, nous recevions de Amalric Oriet :

Le 9 mars 2021 à 13:01, Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx> a écrit :

[J. M.]   Il n'y eut là que des tentatives pour imposer ce qui en fait coulait de source, mais qui n'avait pas été perçu comme tel. Ceux qui se sont livrés à cette masculinisation se sont efforcés de faire partager leur état d'esprit et d'imposer leur idéologie, croyant trouver dans la langue un bon support pour y parvenir. Ce faisant, il n'ont fait qu'enfoncer des portes ouvertes, illustrant par là-même leur ignorance de certains aspects du fonctionnement de la langue française et, plus généralement, d'une langue humaine, quelle qu'elle soit.


[J. M.]   Je ne parlais que des personnes accusées d'avoir tenté de « masculiniser » la langue à tout prix -- il y en aurait à lire Thomas Linard et d'autres --, non des grammairiens compétents et consciencieux dont il est question dans votre réponse, ci-dessous.

   J. M.


Le mouvement (aux XVIe-XVIIe siècles) n¹a nullement été celui d¹une masculinisation, mais celui d¹une « grammatisation », comme le relève André Chervel. Il s¹agit donc uniquement d¹une formalisation, d¹une régularisation et d¹une structuration, c¹est-à-dire d¹une mise en système. Ce besoin était largement partagé dans la société lettrée de l¹époque, c¹est-à-dire les 2 à 3 % de la population qui écrivaient (parfois) en français, hommes ET femmes (qui ont également beaucoup participé à ce mouvement). Lorsqu¹il s¹est agi de faire des choix, le masculin, forme non marquée et donc apte à représenter les deux (ou aucun) genres, occupait déjà une place complètement centrale dans le système (non systématisé) de l¹ancien et du moyen français : l¹infinitif du verbe est masculin, toute la partie « adjectivale » des formes verbales qui font appel au participe est masculine (j¹ai fait, j¹ai vu), toutes les parties du discours sont masculines (le pour, le haut, le moi, le qu¹en-dira-t-on, etc.), le pronom impersonnel est masculin (il faut, il pleut, il y a), ainsi que plein d¹autres pronoms (c¹est beau, tout est terminé, qui est venu ?, etc.). Il n¹y a donc absolument rien de surprenant (ni d¹idéologiquement marqué) à ce que les « proto »-grammairiens de l¹époque aient choisi, en cas de solutions diverses et également acceptables, celle qui faisait la part belle au genre de base, au genre central que le masculin était dans la langue.

Quant au « genre le plus noble », il s¹agit également d¹une relecture a postériori. En effet, cette « distinction » ne se cantonnait pas au couple masculin-féminin et l¹on parlait également d¹une plus grande noblesse du substantif par rapport à l¹adjectif ou d¹une plus grande noblesse de la 1re personne sur la 2e et de la 2e sur la 3e, détails que les tenants de la relecture idéologique de l¹histoire de notre langue omettent soigneusement de mentionner.

Cordialement,

Amalric




La liste Typo ? discussions typographiques
Les archives : https://sympa.inria.fr/sympa/arc/typographie
Désabonnement : <mailto:sympa_inria@xxxxxxxx?subject=unsubscribe%20typographie>