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Message : Re: [typo] De l'écrit inclusif

(Bernard Lombart) - Mardi 09 Mars 2021
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Subject:    Re: [typo] De l'écrit inclusif
Date:    Tue, 09 Mar 2021 16:40:30 +0100
From:    Bernard Lombart <lombart@xxxxxxxxxxxx>

Très bien dit.
À propos de genre. Spinoza est l'auteur d'un "abrégé de grammaire hébraïque", souvent absent des éditions soi-disant complètes de ses œuvres. J'adore cette phrase, que l'on trouve à la page 113 de la traduction de cet ouvrage par Joël Askénazy, chez Vrin. Il s'agit des pronoms et des verbes, qui se distinguent par genre pour les deuxièmes et troisièmes personnes, mais pas pour la première. « Cette première personne est commune pour les deux genres. Car la personne qui parle indique suffisamment elle-même à quel sexe elle appartient. »
Cela laisse rêveur, par les temps qui courent, non ?

B. L.

 

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Le 2021-03-09 15:45, Amalric Oriet a écrit :



Le 9 mars 2021 à 13:01, Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx> a écrit :

[J. M.]   Il n'y eut là que des tentatives pour imposer ce qui en fait coulait de source, mais qui n'avait pas été perçu comme tel. Ceux qui se sont livrés à cette masculinisation se sont efforcés de faire partager leur état d'esprit et d'imposer leur idéologie, croyant trouver dans la langue un bon support pour y parvenir. Ce faisant, il n'ont fait qu'enfoncer des portes ouvertes, illustrant par là-même leur ignorance de certains aspects du fonctionnement de la langue française et, plus généralement, d'une langue humaine, quelle qu'elle soit.

 
Le mouvement (aux XVIe-XVIIe siècles) n'a nullement été celui d'une masculinisation, mais celui d'une « grammatisation », comme le relève André Chervel. Il s'agit donc uniquement d'une formalisation, d'une régularisation et d'une structuration, c'est-à-dire d'une mise en système. Ce besoin était largement partagé dans la société lettrée de l'époque, c'est-à-dire les 2 à 3 % de la population qui écrivaient (parfois) en français, hommes ET femmes (qui ont également beaucoup participé à ce mouvement). Lorsqu'il s'est agi de faire des choix, le masculin, forme non marquée et donc apte à représenter les deux (ou aucun) genres, occupait déjà une place complètement centrale dans le système (non systématisé) de l'ancien et du moyen français : l'infinitif du verbe est masculin, toute la partie « adjectivale » des formes verbales qui font appel au participe est masculine (j'ai fait, j'ai vu), toutes les parties du discours sont masculines (le pour, le haut, le moi, le qu'en-dira-t-on, etc.), le pronom impersonnel est masculin (il faut, il pleut, il y a), ainsi que plein d'autres pronoms (c'est beau, tout est terminé, qui est venu ?, etc.). Il n'y a donc absolument rien de surprenant (ni d'idéologiquement marqué) à ce que les « proto »-grammairiens de l'époque aient choisi, en cas de solutions diverses et également acceptables, celle qui faisait la part belle au genre de base, au genre central que le masculin était dans la langue.
 
Quant au « genre le plus noble », il s'agit également d'une relecture a postériori. En effet, cette « distinction » ne se cantonnait pas au couple masculin-féminin et l'on parlait également d'une plus grande noblesse du substantif par rapport à l'adjectif ou d'une plus grande noblesse de la 1re personne sur la 2e et de la 2e sur la 3e, détails que les tenants de la relecture idéologique de l'histoire de notre langue omettent soigneusement de mentionner.
 
Cordialement,
 
Amalric
 
 


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