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Message : Re: [typo] Chiffres romains (Patrick Bideault) - Samedi 27 Mars 2021 |
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Subject: | Re: [typo] Chiffres romains |
Date: | Sat, 27 Mar 2021 22:51:28 +0100 |
From: | Patrick Bideault <pb-latex@xxxxxx> |
Re-bonsoir. Pour entretenir le débat, ci-dessous un article de Rémi Mathis paru dans Libération hier (et publié quelques jours auparavant sur liberation.fr). Henri 4 ou «Star Wars, épisode IX» ? ════════════════════════════════════ Snobs les chiffres romains, qui ont disparu de certains cartels du Louvre ou du musée Carnavalet ? Peut-être, mais ces lettres capitales pour désigner les siècles et les rois sont pittoresques ; et l’insolite, le différent, l’étrange sont des fenêtres qui nous tirent hors du quotidien, estime l’historien Rémi Mathis. Le petit monde des musées a nourri ces derniers jours une polémique sur l’emploi des chiffres romains pour désigner les siècles et les rois. Le Louvre a décidé d’écrire «17e siècle» plutôt que «xvii» et, ce qui a mis le feu aux poudres, le musée Carnavalet a même écrit «Henri 4» sur un cartel… avant que l’on n’apprenne que cette pratique était limitée à quelques affichages «d’accessibilité universelle», selon des recommandations européennes. Mais il n’en fallait pas plus pour que les commentateurs rejouent la querelle des Anciens et des Modernes et que le type de numérotation utilisée devienne un symbole, ce qui n’est jamais bon signe. Alors, conserver les chiffres romains est-il un ignoble snobisme qui rend la culture inaccessible à la plupart, ou les abandonner une capitulation de la part d’une société qui préfère abdiquer face à l’effort ? On se permettra d’être circonspect. Bibliographe et bibliophile, je mets moi-même un point d’honneur, dans la revue dont je suis rédacteur en chef, à composer les siècles non seulement en chiffres romains, mais en petites capitales. Il en va de l’élégance du résultat, dans la pure tradition de l’Imprimerie nationale. Mais en tant qu’historien, je sais aussi que, il y a quelques siècles, l’usage des chiffres arabes pour numéroter les rois n’était pas rare, surtout dans les textes manuscrits et gravés. Un contemporain de Louis XIV n’était nullement choqué de voir écrit «Louis 14». Et comme professionnel de la culture, je transforme régulièrement des notations en chiffres romains par d’autres en chiffres arabes. Tout simplement car, dans un catalogue de bibliothèque, voir écrit «LXXIX» est moins lisible, moins compréhensible, source de plus d’erreurs, que de voir écrit «79». Alors, faut-il supprimer les chiffres romains dans les musées ? Je crois que la question n’est pas seulement là car, à se focaliser sur le monde de la culture, on oublie de regarder quel est l’usage des chiffres romains dans le monde contemporain. On en oublie le public réel de nos institutions, et ses attentes. Décalage ──────── Snobisme ? Peut-être, mais la distance entre snobisme et élégance, entre snobisme et poésie, n’est pas si grande – les trois reposent sur la volonté d’un pas de côté par rapport aux habitudes les plus triviales. Or, qu’on le veuille ou non, l’usage des chiffres romains relève de ce décalage par rapport aux pratiques de numérotation quotidiennes. Les chiffres romains sont pittoresques ; et l’insolite, le différent, l’étrange sont des fenêtres sur l’altérité ; ils nous tirent hors du quotidien. Les industries culturelles l’ont bien compris. Quand on crée d’autres mondes – fantastiques, fabuleux, oniriques – on mélange des repères familiers et de légers décalages qui donnent du goût à cette création. Les chiffres romains sont des marqueurs de ce décalage. On parle donc bien de Star Wars, épisode IX (l’Ascension de Skywalker), ou du jeu vidéo Final Fantasy XVI : bien loin d’être l’apanage des élites culturelles, les chiffres romains font les délices de la culture populaire. Car ils nous situent dans une réalité parallèle, dans des sagas prestigieuses pleines de panache – pas dans les résultats du tiercé ou les comptes de Mme Michu. C’est peut-être cela que nous rappelle cette polémique : à vouloir être proche des gens, on peut passer à côté de ce pourquoi ils s’intéressent aux musées. Pour apprendre des choses, bien sûr, mais aussi, soyons honnêtes, pour rêver, pour ce dépaysement, cette rencontre avec l’altérité, pour se frotter avec des civilisations qui ne sont pas la nôtre ou nous sont devenues étranges. Et comme certains font des cosplays de Star Wars et de Final Fantasy, les visiteurs s’imaginent en Robespierre, en Louis XIV, ou en ouvrier de Notre-Dame. Le bovarysme est non seulement autorisé, mais est une raison d’être du musée. Ne pas le comprendre, c’est laisser un champ entier au monde des industries culturelles. Et le refus de ce décalage que constituent les chiffres romains vient tuer un peu de ce rêve. par Rémi Mathis, historien, wikipédien et conservateur à la BNF Libération, le 26 mars 2021
- Re: [typo] : Chiffres romains et écriture inclusive, (continued)
- Re: [typo] : Chiffres romains et écriture inclusive, Laurence Michel (21/03/2021)
- Re: [typo] Chiffres romains, Amalric Oriet (21/03/2021)
- Re: [typo] Chiffres romains, salix9506 (22/03/2021)
- Re: [typo] Chiffres romains, Patrick Bideault <=
Re: [typo] Chiffres romains, Amalric Oriet (17/03/2021) [typo] Chiffres romains et grecs, M.X. (30/03/2021)
- Re: [typo] Chiffres romains et grecs, CLS (30/03/2021)
[typo] Fwd: Chiffres romains, CLS (17/03/2021)