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Message : Re: Reflexion sur la notion de grammaire typographique

(Fekete Jean Daniel 0251858208) - Jeudi 27 Février 1997
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Subject:    Re: Reflexion sur la notion de grammaire typographique
Date:    Thu, 27 Feb 1997 10:30:55 +0100
From:    Fekete Jean Daniel 0251858208 <Jean-Daniel.Fekete@xxxxxx>

> At 11:32 +0100 25/02/97, Paul Terray wrote:
> >Mon propos (un peu trop alarmiste, j'en conviens) est plutôt de dire que le
> >drame des standards numériques aujourd'hui, c'est qu'ils sont fermés. C'est
> >vrai, on peut bricoler ses polices.
> >
> Oui, c'est pourquoi je ne comprend pas comment Olivier peut parler d'un
> Unicode "ouvert". Qui décidera de l'introduction d'un nouveau signe ? Les
> gens de l'ISO. Ça ne se fera pas, surtout si les lecteurs de ce signe sont
> destinés à rester rares...

Je n'ai pas le standard sous la main, mais il me semble me rappeler
qu'Unicode a laissé une plage de codes libre pour les codages
spécifiques.

Je voudrai préciser les choses ici, avant que le débat ne tombe dans
une suite d'erreurs de terminologie.

Unicode est une norme qui associe à un code un "nom de caractère"
(tout ça est très bien décrit dans le numéro spécial de GUtenberg).

Unicode permet l'échange de textes multilingues, c'est-à-dire de suite
de caractères.  Si on veut aller au-delà de la suite des caractères,
il faut utiliser un format de description de page.

C'est dans ce format qu'il doit être possible de dire quelle(s)
police(s) on utilise, avec quel(s) codage(s) et avec quel(s) système(s)
d'écriture.

Un système d'écriture permet de passer d'une suite de caractère à une
suite de glyphs positionnés.  C'est ce que propose QuickDraw GX, qui
fait bien l'association (suite de caractères)->(suite de glyphs
positionnés).

PDF/PostScript utilisent un système d'écriture très stéréotypé (naïf),
ils dessinent une suite de glyphs positionnés de façon absolue ou
relative.  C'est donc à l'application qui produit PDF/PostScript de
gérer le système d'écriture.

Une police définit trois choses :
1) une association entre un "nom de glyph" une forme
   géométrique (le glyph),
2) la métrique des glyphs isolés,
3) les corrections de métriques pour des systèmes d'écritures
   particuliers (les AFM d'Adobe par exemple).

Si on veut faire de la typo de qualité et très riche, il faut utiliser
un format de description de page adéquat.  Si on veut utiliser des
glyphs particuliers déduits du contexte, on doit le gérer au niveau du
système d'écriture.  C'est ce que fait QuickDraw GX pour les ligatures
et les enrichissements typographiques.  Unicode n'empêche rien.

S'il s'agit d'utiliser des caractères nouveaux, par exemple des signes
mathématiques particuliers, alors il faut utiliser une table de codage
spécifique où pouvoir référencer un caractère par son nom dans le
format de description de page.  Unicode permet l'utilisation des
plages libres pour ça.  Une chaîne Unicode contenant de tels
caractères n'est plus interprétable indépendamment de son contexte,
mais personne ne prête à Unicode des vertues divinatoires.

De mon point de vue, le principal problème actuel est le manque de
gestionnaire de système d'écriture standards.  Il n'existe que
QuickDraw GX qui essaie d'être général (à ma connaissance).  Je
militerai donc pour le portage de GX sur les autres plateformes que le
Mac.  Il y a un projet qui veut faire ça si je ne me trompe.

Un autre problème vient du fait que les logiciels de dessin/retouche
de polices de caractères cachent la table d'association (nom de
glyph)->(glyph).  C'est une source de confusion pour les utilisateurs
de ces logiciels.  Par exemple, l'an dernier, à l'école Estienne, une
étudiante (Agnès Brézéphin) a dessiné un caractère très ligaturé pour
composer du créole (Le Coolie).  Elle a numérisé un joli glyph pour la
ligature "an", qui a pour nom "aacute" dans sa police.  Ce nom lui a
été attribué gratuitement par Ikarus et ne contribue pas à rendre sa
police très utilisable.  Si on regarde comment nommer ce caractère
"anlig" dans Ikarus (ou d'autres logiciels), on renonce tout de suite.

Pour résumer, il ne faut pas se tromper de combat.  La norme Unicode
est une étape de standardisation importante et ne limite pas
fondamentalement la qualité typographique.  Il semblerait qu'elle
limite plus la qualité linguistique dans les langues orientales, mais
c'est un autre débat.  Pour améliorer la qualité typographique, il
vaut mieux travailler sur la définition d'une norme de gestion de
système d'écriture, de description de pages reposant sur Unicode, et
demander l'amélioration des logiciels de numérisation/retouche de
caractères qui existent actuellement.


  Jean-Daniel Fekete
  Ecole des Mines de Nantes
  La Chantrerie, 4 rue Alfred Kastler, 44070 Nantes Cedex 03, France
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