Re: L'apostrophe droite/courbe et ses environs

["Francois H. Villebrod" <fhv@xxxxxxxxx>]

Jean-Pierre Lacroux wrote:
> 
> Francois H. Villebrod écrit:
> > En dehors des us et coutumes typographiques locaux, y a t-il vraiment, à
> > ce point, une typographie dite française, qui édicte de tels impératifs
> > concernant la forme ou la taille relative d'une virgule?
> ----
> J'ai dû m'exprimer mal. Si elle s'inscrit dans la tradition française,
> l'identité (absolue !) de forme entre l'apostrophe et la virgule n'est
> évidemment pas une spécificité. De Baskerville à Gill, d'autres l'ont
> respectée...

Si je saisis bien votre phrase, la réponse est donc que, oui, pour
rester dans la tradition, tant à Londres qu'à Paris d'ailleurs, une
apostrophe doit être égale à la virgule.

Bien! Mais pourquoi ne pas faire mieux lorsque celà peut améliorer le
résultat?


> Mais... qu'entendez-vous par « us et coutumes locaux » ?

L'usage des caractères en typographie ou mieux, la façon convenue ou
standardisée par laquelle les caractères sont assemblés de manière à
produire un texte que le lecteur local (français ou francophone donc)
pourra lire sans difficultés. Je veux donc parler de la typographie
française de composition. D'une culture latine ou anglo-saxone à l'autre
il y a inévitablement des petites différences, au cas par cas, dans les
conventions typographiques de composition (c'est d'ailleurs ce que
j'essaye de saisir en suivant cette liste fort riche). 

Au niveau de la typographie de conception maintenant, là où les
caractères sont dessinés, y a-t-il effectivement intervention de la
coutume ou de la tradition typographique française sur le dessin même du
caractère, du glyphe je devrais dire. Telle est ma vraie question. Comme
je le constate certains sembleraient opiner que l'apostrophe/virgule est
courbe en typographie française, mais comme vous le constatez, Frutiger
lui-même l'a faite rectiligne et inclinée dans Univers (même si le
contour est trapézoïdal, le squelette est rectiligne).

Si le poids de chaque tradition imposait des règles trop strictes sur la
forme du glyphe, on en arriverait à devoir dessiner des fontes spéciales
adaptées à chaque pays, ou corollairement chaque pays s'autolimiterait
dans son choix des fontes (c'est d'ailleurs peut-être un peu ce qui
arrive, non?). On en arriverait aussi à une restriction de la recherche
créative et à la difficulté pour le créateur de mettre en valeur ses
idées.
 
> À part ça, oui, il y a une tradition typographique française... mais
> elle est mal en point, et ses chances de survie sont assez faibles...
> S'il convient de regretter cet affaiblissement ou de redouter cette
> disparition, ce n'est pas à cause d'un chauvinisme ou d'un corporatisme
> dérisoires, mais en raison d'une caractéristique intéressante : cette
> tradition était loin d'être la plus bête... Pour parler franc, c'était
> même la plus subtile (ce qui aujourd'hui équivaut à un arrêt de
> mort...).

C'est vrai, mais chaque tradition ne revit et ne s'en sort qu'en se
renouvellant. Je n'ai aucun doute sur la subtilité dont vous parlez,
mais on pourrait peut-être sauver cet héritage en lui ouvrant une porte
sur le présent et en agrandissant son horizon. Et pour commencer, en
acceptant qu'une virgule peut faire joli dans certaines créations quand
elle est rectiligne, ou qu'une virgule ou une apostrophe peut rendre
mieux dans le texte quand elle a une forme un peu plus personnelle. Le
progrès est un processus qui va du plus grossier au plus subtil. Greffer
de nouvelles subtilités sur une tradition qui s'est elle-même formée
selon ce processus ne peut pas faire de mal.

Cordialement, 

Francois H. Villebrod
type designer

http://www.typiko.com
fhv@xxxxxxxxx
fhv@xxxxxxxxxx

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