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Message : Re: La petite histoire de la ligature OE dans les normes de la sÈrie ISO/CEI 8859

(Jacques Melot) - Lundi 25 Mai 1998
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Subject:    Re: La petite histoire de la ligature OE dans les normes de la sÈrie ISO/CEI 8859
Date:    Sun, 24 May 1998 22:57:34 +0000
From:    Jacques Melot <melot@xxxxxx>

 Le 20/05/98, à 18:13 +0000, nous recevions de Alain LaBonté :

>A 15:44 98-05-20 +0200, Jacques Andre a écrit :
[...]
>   Bon, encore de la petite histoire :
>
>   Dans les premières ébauches de l'alphabet latin n° 1, les ligatures OE
>étaient bien présentes, la majuscule à la place du « × » actuel et la
>minuscule à la place du « ÷ ». Cela a été proposé par un Allemand, Wilhelm
>Friedrich Bohn, le père du « latin 1 ».

[...]

>
>   Lors de la proposition du « latin 9 », la France, à l'initiative de
>Bernard Chauvois, inspecteur général de l'Éducation nationale, a insisté
>pour que l'on conserve « × » et « ÷ », qui complètent les deux autres
>signes arithmétiques « + » et « - », et constituent une aide pédagogique,
>puisque l'on enseigne l'usage de ces signes aux jeunes enfants (*). Ce
>besoin est tout à fait légitime, bien sûr.


   L'argumentation de M. Chauvois me semble critiquable : de mon temps on
n'utilisait ni × ni ÷. Cette introduction est donc récente. Comme ces
signes n'appartiennent pas non plus à la notation mathématique
contemporaine de base (notez les précautions oratoires !), celle utilisée
par les mathématiciens professionnels, j'aurais tendance à dire : tant pis,
fallait y réfléchir avant. De plus, comme il s'agit de signes apparemment à
usage interne à l'enseignement, on peut en changer aisément. Après tout, à
l'époque de l'introduction des soi-disant mathématiques modernes dans
l'enseignement français, on ne s'est pas laissé arrêté par l'obstacle
constitué par l'introduction massive de signes nouveaux.


>   Les caractères « remplacés » ont été soigneusement choisis, et pas du
>tout au hasard. Le pour et le contre a été pesé pour en arriver au code
>« latin 9 » actuel. Il s'agit d'un jeu à somme nulle... si l'on ajoute un
>caractère, il faut en enlever un, il n'y a pas d'autre choix... je crois
>sincèrement que l'on a choisi l'optimal.
>
>Alain LaBonté
>Toronto
>
>(*) : Point intéressant : au Danemark, le symbole « ÷ » représente non pas
>      l'opération arithmétique de division, mais plutôt celui de la
>      soustraction. J'ai découvert il y a deux jours que cela était le cas
>      aussi au « Grand Hótel Reikjavík », où j'ai séjourné 9 nuits. Lors du
>      paiement, j'ai utilisé en partie une somme en argent comptant, et en
>      partie ma carte de crédit, et l'on utilise le symbole « ÷ » sur ma note
>      pour indiquer les soustractions. Je ne conclus pas immédiatement qu'il
>      s'agit d'un usage islandais, car c'est mon seul échantillon. Il est
>      toujours *possible* que le logiciel utilisé ait été produit au
>      Danemark...

   Il faut partir de la constatation, consternante à mon avis, que
l'Islandais a une horreur sainte de l'originalité. En Islande on fait tout
« à l'exemple de l'étranger » et l'on s'en vante (à la télévision, dans les
discours présidentiels, etc.) : cela constitue l'estampille suprême de
qualité, une garantie sans faille... Les Islandais ouvrent de grands yeux
lorsqu'on leur explique qu'en France on encourage occasionnellement les
enfants à « avoir de la personnalité » ou, plus tard, à faire preuve
d'esprit critique.

   Bref, si c'est en usage au Danemark, vous pouvez être sûr que ce l'est
aussi en Islande et c'est bien le cas.

   Le signe de soustraction ÷ est non seulement en usage au Danemark (et,
il va sans dire, en toute vraisemblance aux Féroé), mais aussi en Norvège
(ancienne possession danoise ; la principale langue utilisée en Norvège, le
bokmål est d'ailleurs pratiquement du danois, du moins par écrit, car la
prononciation est extrêmement différente). Quel est son origine ? Je me
demande s'il ne faut pas y voir... l'obèle, cette dernière, initialement se
présentant sous forme d'une ligne avec un point de part et d'autre. Le
signe plus (+) pourrait d'ailleurs avoir la même origine, le signe de
multiplication étant issu, lui, de l'astérisque (initialement une croix en
x avec un point dans chacun des angles ménagés par les branches).

   Amicalement,

Jacques Melot, Reykjavík
melot@xxxxxx

P. S.    La démarche de W. F. Bohn semble particulièrement peu heureuse,
puisque son choix de ÷ est vraisemblablement motivé par une idée toute
différente : dans ÷ on trouve le trait de fraction avec en haut et en bas
un point pour indiquer la place du numérateur et du dénominateur. Si tel
est le cas, il s'agit d'un acte « barbare » (dégénérescence consécutive à
une rupture avec le passé). Si je trouve le temps, je vais essayer de faire
une petite enquête du côté des Danois...