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Message : La petite histoire de la ligature OE dans les normes de la série ISO/CEI 8859

(Alain LaBonté ) - Mercredi 20 Mai 1998
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Subject:    La petite histoire de la ligature OE dans les normes de la série ISO/CEI 8859
Date:    Wed, 20 May 1998 14:13:48 -0400
From:    Alain LaBonté  <alb@xxxxxxxxxxxxxx>

A 15:44 98-05-20 +0200, Jacques Andre a écrit :
> Thierry Bouche wrote:
> > 
> > Concernant « Re: Latin 1&9 », Jacques Andre écrit : «»
> > 
> > est-ce que la propriété de latin1 (cap=bdc+32) a été respectée ?

[Jacques] : 
> en fait c'est le contraire : bdc=cap+32
> et c'est pas toujours vrai : ÿ-32=ß
> 
> Ben non, BE-BD meme en hexa ça fait 1, pas 32(base 10) !
> Mais c'est rigoureusement pareil en Unicode : cette belle équation est
> perdue !

   [Alain] :
   D'un point de vue international, cette équation est hideuse, et
totalement déconseillée dans tous les manuels élémentaires qui traitent de
la manipulation des caractères dans les programmes destinés à être adaptés
aux diverses langues du monde.

[Thierry] : 
> >pourquoi oe n'occupe pas la place de ÷ (tout aussi inutile que ¼) :

[Jacques] :
> Je laisse Alain LAbonté répondre (je crois que c'est parce que c'est un
> symbole cher aux Allemands ou qq chose comme ça !)

   [Alain] :
   Bon, encore de la petite histoire :

   Dans les premières ébauches de l'alphabet latin n° 1, les ligatures OE
étaient bien présentes, la majuscule à la place du « × » actuel et la
minuscule à la place du « ÷ ». Cela a été proposé par un Allemand, Wilhelm
Friedrich Bohn, le père du « latin 1 ». Or l'ECMA (dont le secrétaire
général et président du groupe qui a normalisé le « latin 1 » était
pourtant un Suisse francophone) a décrété que toutes les ligatures latines
étaient cosmétiques, et pouvaient être obtenues par composition, en
utilisant ue autre norme compliquée, l'ISO/CEI 6429 (proposée par l'ECMA),
comme toutes les autres ligatures typographiques dont l'usage est optionnel
et indéterminé.

   Et une petite équipe de Bull, qui représentait pour l'occasion la France
sans avoir consulté personne, en a remis en disant que ces ligatures
n'étaient pas essentielles en français (un des membres de l'équipe m'a
affirmé honnêtement en 1990 que c'était parce qu'aucune des imprimantes de
Bull ne pouvait produire cette ligature, une considération bassement
mercantile à caractère très temporaire -- la véritable cause de cette
traîtrise)... Le Canada a été le seul pays à protester (c'était en 1987, 6
mois avant que j'arrive au SC2 -- j'ai alors fait la démonstration que
c'était une erreur, mais il était trop tard). 

   M. Bohn a donc (toujours en 1987) proposé les symboles « × » et « ÷ »
dans l'espoir que ces symboles remplaceraient les signes « * » et « / »
pour la multiplication et la division, dans les langages de programmation
(ce qui était naïf).

   Certaines imprimantes fabriquées par DEC ont produit pendant un certain
temps les ligatures OE à la place de ces symboles arithmétiques. La
publication finale de « latin 1 » a sonné le coup de grâce de cette
pratique et l'on vit avec ce boulet depuis ce temps...

   Lors de la proposition du « latin 9 », la France, à l'initiative de
Bernard Chauvois, inspecteur général de l'Éducation nationale, a insisté
pour que l'on conserve « × » et « ÷ », qui complètent les deux autres
signes arithmétiques « + » et « - », et constituent une aide pédagogique,
puisque l'on enseigne l'usage de ces signes aux jeunes enfants (*). Ce
besoin est tout à fait légitime, bien sûr.

   Les caractères « remplacés » ont été soigneusement choisis, et pas du
tout au hasard. Le pour et le contre a été pesé pour en arriver au code
« latin 9 » actuel. Il s'agit d'un jeu à somme nulle... si l'on ajoute un
caractère, il faut en enlever un, il n'y a pas d'autre choix... je crois
sincèrement que l'on a choisi l'optimal.

Alain LaBonté
Toronto

(*) : Point intéressant : au Danemark, le symbole « ÷ » représente non pas 
      l'opération arithmétique de division, mais plutôt celui de la 
      soustraction. J'ai découvert il y a deux jours que cela était le cas 
      aussi au « Grand Hótel Reikjavík », où j'ai séjourné 9 nuits. Lors du 
      paiement, j'ai utilisé en partie une somme en argent comptant, et en 
      partie ma carte de crédit, et l'on utilise le symbole « ÷ » sur ma note 
      pour indiquer les soustractions. Je ne conclus pas immédiatement qu'il 
      s'agit d'un usage islandais, car c'est mon seul échantillon. Il est 
      toujours *possible* que le logiciel utilisé ait été produit au 
      Danemark...