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Message : Re: FAQ, section caps accentuees (Olivier RANDIER) - Mardi 29 Juin 1999 |
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Subject: | Re: FAQ, section caps accentuees |
Date: | Tue, 29 Jun 1999 02:59:24 +0200 |
From: | Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx> |
>> >>sondage annexe : quand vous écrivez avec un stylo, utilisez vous ces >>majuscules accentuées ??? >> >Oui. Ne serait-ce que par provocation. Si l'argument est qu'en >Français l'accent a pleine valeur orthographique, je ne vois pas >pourquoi je ferais des fautes d'orthographes quand j'utilise un >bic. Cela étant, il faut quand même remarquer que l'écriture _cursive_ >manuscrite n'emploie en général les caps que comme initiales. > >Pour le reste --- en gros : _est-ce que Mme de Sévigné accentuait >les capitales ?_ --- je ne sais pas. Bon, je constate que la question est loin d'être épuisée et que la FAQ, si l'on veut qu'elle soit inattaquable, doit la replacer dans son contexte historique. Je vais essayer de résumer. Au commencement était le Verbe et le VERBE s'écrivait tout en majuscules, pour la bonne raison qu'il n'existait que des majuscules (ou des capitales, comme vous voulez). Les modèles d'écriture des latins, la Rustica et la Quadrata, ne comportent que des majuscules -- sans accents, puisque ceux-ci n'ont pas encore été inventés. De Rome au Moyen Âge apparaissent la majuscule onciale, la minuscule latine, puis la minuscule caroline. Mais, là encore, ce sont des modèles à "casse" unique. Il n'existe pas réellement de majuscule latine ou caroline, simplement les modèles majuscule et minuscule cohabitent, dans des usages distincts. Le copiste fait ses textes en minuscules (caroline), et ses titres en majuscules (onciale). Petit à petit, l'habitude se prend de faire les premières lettres des phrases en majuscules (et en couleurs), d'autant que l'alinéa n'existe pas encore. C'est réellement avec la gothique que se formalise l'usage simultané des majuscules et des minuscules. Le modèle gothique comprend des majuscules qui ne peuvent être utilisés comme capitales. Celles-ci ne peuvent donc être utilisées qu'en initiales. Tous les modèles ultérieurs, excepté l'humanistique, auront la même restriction. Avec la gothique apparaissent également les diacritiques, mais ils ont alors valeur abréviative plus qu'orthographique. Par exemple, le copiste écrivait "bone", avec une longue sur le o, pour "bonne", parce que cela lui permettait de gagner un signe pour rentrer dans sa justif'. De même, forêt remplace avantageusement forest. Avec l'imprimerie, la mécanisation de l'écriture impose la normalisation de l'écriture, l'orthographe des nouvelles langues véhiculaires, comme le français, se fixe, les abréviations par diacritiques disparaissent ou sont systématisées, et les accents phonétiques apparaissent (je simplifie volontairement). Tous ces diacritiques sont d'abord portés sur les minuscules. C'est alors que l'évolution de l'écriture et celle de la typographie commencent à diverger. L'écriture évolue à partir de la cancellaresca vers les scriptes "modernes" (ronde, bâtarde, puis copperplate). La typographie évolue à partir de l'humanistique (la gothique est abandonnée) vers les types "modernes" (garaldes, réales, etc.). S'il est logique pour le typographe d'intégrer les nouveaux diacritiques sur les capitales (grandes et petites), cela n'a guère de sens pour le calligraphe, qui n'a pas de capitales, mais uniquement des majuscules, de plus en plus chargées d'arabesques dans lesquelles les accents sont difficiles à intégrer. Donc, à partir de l'âge d'or de l'imprimerie, deux pratiques ont coexisté : d'une part, l'écriture, qui ne porte quasiment jamais les accents sur les majuscules, et d'autre part, la typographie, qui tend à les porter sur les capitales autant que les moyens le permettent (polices incomplètes, casses peu pratiques, puis machines limitées). La période moderne, enfin, voit apparaître deux phénomènes qui vont encore influer sur ces usages. La dactylographie, avec son clavier sans accent sur les capitales, impose l'idée fausse qu'elles sont inutiles. Au contraire, la pratique croissante de l'écriture "en lettres d'imprimerie" tend à les retrouver. Enfin, l'informatisation, avec la photocomposition, puis la P.A.O., permettant enfin l'accentuation des capitales sans surcoût, devraient enfin permettre de l'imposer, si l'on veut bien combattre les habitudes acquises (clavier dactylo). L'expérience de Jean Fontaine est significative : confronté à une graphie à majuscules, il n'accentuait pas, conformément à l'usage, converti à une graphie à capitales, il accentue, ce qui me paraît frappé du bon sens. Significatif aussi, le fait qu'il apprend d'abord les caractères "bâton", puis la cursive, pour revenir aux "lettres d'imprimerie". Quelle incohérence dans l'apprentissage ! L'Éducation nationale a donc bien raison de vouloir revoir les modèles. De toute évidence, l'anglaise ou la ronde de nos cahiers d'écolier est totalement inadaptée aux pratiques actuelles de l'écriture (prises de notes, utilisation de dispositifs de reconnaissance de l'écriture, etc.). Un modèle d'écriture moderne doit reposer sur une écriture jetée et non posée, et devrait comporter des capitales (comment noter un sigle en anglaise ?). L'inadaptation du modèle actuel mène à un laxisme dévastateur (combien d'entre nous peuvent-ils se vanter d'avoir une écriture lisible par autrui ? Pas moi, en tous cas). Mais est-il raisonnable d'envisager de faire ça en trois mois ?! Je pense que je développerais la question séparément dans la FAQ, l'historique de l'évolution majuscules/minuscules dans Paléotypo et la question plus spécifique de l'accentuation des caps dans Orthotypo. Bref, l'usage des capitales accentuées ne repose pas sur la tradition, mais sur le bon sens et le respect de la langue. Olivier RANDIER -- Experluette mailto:orandier@xxxxxxxxxxx http://technopole.le-village.com/Experluette/index.html Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse (projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie illustrative).
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