Re: ligatures (etait : Pangramme)

[Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>]

>»  faut-il faire une ligature au-delà des syllabes?
>
>la typographie se soucie de la langue comme d'une guigne. Je me
>demande d'ailleurs jusque à quel point les allemands font tous ce que
>Jörg dit. On crène pour qu'une paire ait de la gueule et ne rompe pas
>le rythme de la lecture, ça n'a rien à voir avec l'étymologie, la
>prononciation, etc. Les ligatures résolvent les problèmes qui sont
>hors de portée du crénage, mais elles répondent à la même
>préoccupation, purement typographique, pas du tout linguistique.
>Thierry Bouche, Grenoble.

Tout à fait d'accord. Encore une fois, les ligatures du f sont techniques,
elles sont nécessaires parce que, comme le dit JiPé, « c'est un
sale con, invivable, mauvais coucheur ». Ça n'a rien à voir avec le oe ou
le ß, par exemple, qui, eux, sont une nécessité linguistique. Si la fonte
comporte un f qui nécessite la ligature, il faut la faire, quel que soit le
contexte. Son seul but est d'éviter la rencontre disgracieuse de deux
lettres. Normalement, la ligature, dans un corps de lecture, n'est pas vue.
Elle est un élément de l'invisibilité de la typographie. C'est pour ça que
l'usage de ligatures oubliées, comme ct, st, et même &, est à considérer
avec circonspection.
La seule question à se poser, dans le cas des fff allemands est donc :
est-ce que la rencontre des f est choquante ?

Ceci dit, j'avoue que les ligatures en ff sont généralement bien moins
cruciales que le fi. La plupart des fontes linéales ne nécessitent pas la
ligature, principalement parce qu'elles ne comportent pas de goutte au f
susceptible de "cogner" le point du i. Pour les fontes à empattements, il y
a des solutions. Par exemple, Alessandrini, dans _Typomanie_, présente une
égyptienne, la Gyptis, qu'il a redessinée, et signale « les curieuses
ondulations bouclées du f et du j [...] », évidemment destinées à éviter ce
surplomb qui pose tant de problèmes.
Si vous avez du mal à visualiser cette « ondulation », imaginez que la
boucle du f part légèrement vers la gauche avant de revenir vers la droite,
un peu comme la boucle d'un point d'interrogation à l'envers.

Reste que la plupart des fontes qui ne nécessitent pas de ligature du f (en
dehors des linéales) sont peu adaptées au labeur, parce que de tros gros
oeil. Resserrer la courbe pour éliminer totalement le surplomb n'est
possible que pour des fontes de gros oeil, comme le Fenice du _Maldoror_
d'Alain. Il y a une relation assez directe entre la hauteur d'x et le
besoin de ligature du f : plus la boucle du f a d'espace pour se
développer, plus elle s'étend en surplomb. J'ai pu le constater en
revisitant le Plantin : en diminuant la hauteur d'x, la courbe du f s'est
développée de façon plus agréable, mais moins pratique.

Malheureusement, je ne crois pas beaucoup non plus à la solution de
l'ondulation pour une fonte de ce type, je crains que la boucle du f ne
devienne trop exotique et n'attire l'oeil de façon rédhibitoire. Mais je
vais quand même faire un essai, pour faire plaisir à JiPé.

Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
	http://technopole.le-village.com/Experluette/index.html
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse
(projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie
illustrative).