Re: Police

[Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>]

>Bonjour,
>
>Je m'appelle Bernard Pratz (alias Guyzmo)
>et je suis inscrit depuis quelques temps dÈjý
>ý cette liste. Je ne suis pas du tout un ´proª
>de la typo, mais simplement un jeune qui dÈcouvre
>la typographie ý travers Experluette et cette liste.

Bienvenue parmi nous. Et l'heureux créateur d'Experluette (qui n'a aucun
lien direct avec cette liste, je précise) te remercie.

>J'aimerais avoir quelques infos ý propos des polices :
>1- Quel est le bon terme dÈsignant une police ? (police, caractËre,
>fonte, etc... ?)

La question a déjà été évoquée maintes fois, et pas totalement tranchée. Tu
peux consulter les archives pour retrouver l'ensemble de la discussion.
Un point sur lequel nous sommes tous tombés d'accord, je crois : police est
impropre dans son usage actuel. La police d'un caractère, au temps du
plomb, c'était son bordereau de commande, indiquant les caractères
souhaités et leur quantité. De nos jours, cela correspondrait plutôt au
codage.
Si on parle d'un Adobe Garamond, par exemple, il s'agit d'un caractère,
terme ambigu puisqu'il désigne aussi un signe (l'anglais a _typeface_, qui
n'a pas d'équivalent en français). On préfère donc souvent fonte, quoique
sans doute impropre aussi.
Si on parle de l'Adobe Garamond gras italique, c'est une graisse, encore un
terme ambigu (l'italique n'est pas une graisse). Le monde informatique
emploie souvent style, guère meilleur.
Si on parle du Adobe Garamond italique, corps 12, c'était une frappe, terme
oublié, et sans grand usage aujourd'hui, puisqu'un même dessin sert pour
toutes les tailles, en général (hélas). Mais en Multiple Masters, ce terme
peut encore revêtir une utilité.
J'avais proposé la hiérarchie suivante :
Fonte (l'Adobe Garamond) ;
Graisse (l'Adobe Garamond gras italique), faute de mieux ;
Frappe (l'Adobe Garamond gras italique, corps 12).
Mais sans rencontrer aucune unanimité.

>2- Quelles sont les "règles" de création d'une police ?

Heu... T'as deux ou trois ans, là ? ;-)
Sérieusement, si tu n'as pas idée de ce que peuvent être ces règles, oublie.
Mais bon, si vraiment ça t'intéresse, il y a quelques ouvrages de
référence, comme _la Civilisation de l'écriture_ de Druet et Grégoire
(Fayard -- Dessain et Tolra), qui retracent l'histoire des différents
styles et en présente les points saillants, mais il n'y a pratiquement pas
d'ouvrage expliquant réellement comment on conçoit une police. On trouve
quelques rares ouvrages récents plus précis sur le travail de fondeur sous
Fontographer, mais je pense que ce sont plus des recueils de trucs et
astuces liés au logiciel que de véritables traités de la conception
typographique. Il y a aussi _la Lettre peinte décorative_ de Philippe
Dacosta, qui peut être utile, mais c'est un manuel destiné aux calicotiers.
Personnellement, j'ai appris les bases en cours de dessin de lettre, en
arts appliqués, et le reste en disséquant inlassablement le travail de nos
grands anciens.
On peut en discuter plus avant si tu veux, mais c'est assez délicat sans
rien sous les yeux, et on risque de lasser assez vite...

>3- Avec quels outils/Comment crée-t-on une police ?

a) Avec un établi, un siège confortable, une échoppe, un brunissoir, un
calibre, une grosse loupe, de bons yeux et une main sûre. ;-)
<hors charte>
Aujourd'hui, avec un éditeur _had hoc_. Le plus connu est Fontographer,
dispo sur Mac et PC, mais il a beaucoup vieilli (interface à chier).
FontLab (Mac et PC), plus récent et beaucoup plus intéressant, n'est pas
encore sec, mais prometteur. Personnellement, j'utilise Fontstudio (Mac) et
j'en suis encore très content, bien qu'il date de 92, mais Adobe, qui a
racheté Ares, en a arrêté le développement et le support (tu peux aller les
engueuler, ça me fera plaisir). Il doit y en avoir encore un ou deux moins
connus sur PC, comme Ikarus. CorelDraw propose une option pour faire une
police à partir de tracés, mais c'est un jouet pour les pingouins. Je peux
te donner des références plus précises, si tu veux.
</hors charte>
De bons yeux restent nécessaires...

b) Avec beaucoup de temps et de patience. Autrefois, une seule fonte
pouvait être le travail d'une vie. Basiquement, le travail consiste à
tracer des contours, comme dans Illustrator, par exemple, qu'on place dans
une boîte dont on fixe la chasse, puis à arranger les paires d'approche.
Dans la pratique, ça demande des connaissances très approfondies
(typographie, calligraphie, histoire de la lettre, compréhension des
conditions de lisibilité, etc.), la vocation d'un bénédictin et un zeste de
névrose obsessionnelle. Pour du titrage, on peut être moins exigeant, mais
y a pléthore, maintenant. Sans vouloir te décourager, je déconseille
vivement à l'amateur de se lancer dans une entreprise aussi fastidieuse que
peu rémunératrice. Le Moretus, dont je vous rebat les oreilles, je l'ai
commencé en octobre, je n'ai pas encore fini les dessins du seul romain et
pas commencé les métriques, sans parler de la table d'approche.

P.S. -- Tu devrais configurer ton logiciel de messagerie pour qu'il poste
en ISO-latin.

Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
	http://technopole.le-village.com/Experluette/index.html
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse
(projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie
illustrative).