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Message : Re: Ponctuation, lit. comp. (était : 2 petites questions)

(Thierry Bouche) - Lundi 16 Octobre 2000
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Subject:    Re: Ponctuation, lit. comp. (était : 2 petites questions)
Date:    Mon, 16 Oct 2000 13:50:35 +0200 (MET DST)
From:    Thierry Bouche <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>

» J'affirme aussi qu'une vulgarisation intelligente de la typo est la
» condition nécessaire de l'adhésion du lecteur, qu'il n'est pas inutile
» de rendre "visible" ce qui est appelé à devenir pratiquement
» "imperceptible" (mais évidemment perçu quand même).

Tout est dans « intelligente »...

Le système de capitalisation des titres cités peut être considéré par
un non professionnel comme une monstruosité. Mais on ne demande pas à
un lecteur de _vérifier_ que le typo l'a appliqué à la lettre. On
demande au typo de l'appliquer avec suffisamment de science pour que le
lecteur s'y retrouve sans avoir à le connaître. Ne composer que ce que
le lecteur lambda peut « décrypter », c'est le populisme version
typo. On compose pour le pire des correcteurs (on écrit pour un
lecteur absolu, terrible) ; on ne souhaite pourtant pas qu'un tel
lecteur existe, surtout s'il ne vous sert que de l'eau plate le jour
où il vous invite !

Ce qui est incroyable, c'est la grande naïveté d'auteurs-compositeurs,
souvent des lecteurs rompus, qui pensent pouvoir composer avec des
outils de lecteur : ils produisent des pages qu'eux-mêmes auront du
mal à déchiffrer.

Oui, je suis assez content de ma métaphore architecturale, d'autant
que je vis depuis trois ans dans un appartement où je me sens comme un
poisson dans l'eau : je ne sais pas pourquoi, mais je suis
reconnaissant à l'architecte d'avoir si bien conçu l'espace dans
lequel j'évolue. De même, j'ai feuilleté avec avidité plusieurs
éditions de Maldoror : quel désespoir, à chaque fois, de ne pas y
trouver la noirceur de Fenice, l'attitude de grue sardonique de son f,
et les rigoles habitées par le souffle du Malin !  Quand nous
suffoquons à la lecture de Libé (et encore, ils sont cohérents ! je
lisais ce matin PC expert : maquette pas ridicule [encore Minion !],
belles pages ; en s'approchant, on découvre des guillemets ouvrants
parfois suivis d'une fine, parfois non, mieux encore : des citations
avec fine au départ et pas à l'arrivée) _nous_ savons pourquoi, le
lecteur moyen ne le sait pas, il n'a aucune raison de le savoir !
pourtant il ressent un malaise. La maquette délirante de l'Événement
du Jeudi (qui était en Minion aussi, trop gros corps, interligne
tellement réduit que probablement négatif) est une agression pour le
lecteur, le lecteur la ressent comme s'il entrait dans une cuisine des
années 60 : ça n'est pas son boulot de modifier la maquette ! ni même
de savoir ce qui cloche : il lui suffit de cesser de lire les pavés
indigeste qu'on met entre ses mains.


Thierry Bouche
__
  « Ils vivent pour vivre, et nous, hélas ! nous vivons pour savoir. »
				Charles Baudelaire, Paris.