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Message : Re: Ponctuation, lit. comp. (était : 2 petites questions)

(Jef Tombeur) - Lundi 16 Octobre 2000
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Subject:    Re: Ponctuation, lit. comp. (était : 2 petites questions)
Date:    Mon, 16 Oct 2000 13:05:56 +0200
From:    "Jef Tombeur" <jtombeur@xxxxxxxxxxxxx>

----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche" <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>
To: <typographie@xxxxxxxx>

| C'est la responsabilité (& l'honneur) de l'architecte (resp. du
| typo) d'organiser une cohérence invisible, confortable parce
| qu'invisible !
|

Je ne vais pas chipoter pour le plaisir: je comprends ton emploi de
cet "invisible".
Mais seuls sont invisibles au lecteur les signes imprimables ou non,
de calage, recouvrement, hirondelles et autres, ou de marques de fin
de ligne (retours forcés ou non). Et bien sûr des balises, des codes
formatage.
Même "imperceptible" ne convient pas vraiment.  Encore que, selon la
police, la force de corps, la qualité du papier, il est vrai que
certains blancs deviennent imperceptibles. C'est d'ailleurs pourquoi
le passage d'une compo Viking en édition Penguin (c'est le même groupe
d'édition) est parfois bien peu satisfaisant. Le trop peu perçu
devient parfois trop fort perçu.
Mais il est question de confort de lecture. De lisibilité. Évoquons
donc aussi la lisibilité architecturale.
La coquille peut (ou non) créer une situation d'inconfort maximal. Ce
"ou non" tient à divers facteurs dont la situation de lecture. Par
exemple, lisant vite (parfois, souvent trop vite), il m'arrive de
devoir relire les "perles" du Canard Enchaîné. Ce n'est pas que
j'ignorerais la différence entre prodige et prodigue : je rectifie de
moi-même ce genre de coquille qui me sera ou non perceptible. Mais qui
n'est évidemment pas "imperceptible".
Il me semble bon de rappeler que cette nouvelle discussion sur la
ponctuation a rebondi lorsqu'un colistier a estimé que le système de
ponctuation de Libération (proche du système anglo-américain, pour
résumer) lui semblait convenable. Donc, ce qu'il n'a pas dit, mais que
je présume, "invisible", au sens que tu emploies.
Et c'est à ce propos que je trouve ta métaphore architecturale fort
bienvenue. Et pédagogique.
On ne construit pas une chambre à coucher comme une salle de bains,
une mairie comme une gare... Ce qui peut à la rigueur convenir pour un
style d'écriture de presse d'une partie d'un journal ne conviendra pas
vraiment pour les tribunes libres, et ce qui convient pour les pages
"étranger" de Libération ne conviendrait sans doute pas à un traité de
géopolitique. Je sais que je n'apprends rien à personne (en tout cas
ici) sur ce point, et d'autres.
Mais puisqu'il est aussi question d'harmonisation des conventions
typographiques, il me semble qu'un des enjeux est bel et bien de faire
admettre qu'un système minimal, partagé, entre producteurs (auteurs,
composeurs.) et consommateurs (lecteurs), ne peut être que minimal.
Il n'est pas tout à fait exact d'énoncer :
"(...) la typographie rend des services au lecteur en organisant sa
lecture, ce dont il bénéficie sans avoir à y rien comprendre ?"
J'ai bien compris l'intention, justement parce que nous avons des
référents communs, qu'il s'agit d'un mél, que j'ai lu les autres
messages, etc.
Mais il me semble bien évident, comme à toi d'ailleurs, que le lecteur
a justement "à y comprendre".
Les erreurs de ponctuation sont des coquilles, parfois fort gênantes,
obligeant à l'occasion de relire pour comprendre.
Redites : un mauvais système est d'autant plus apparent, visible. Un
système peu approprié sera même parfois "criard". Parce que le lecteur
comprend ou ne comprend pas la typo. Ce sur quoi nous sommes en
parfait accord, c'est sur le fait que l'adhésion du lecteur au système
est d'autant plus grande qu'il le comprend mieux et que la
manifestation du système doit être suffisamment discrète pour ne pas
gêner la lecture.
Ce qui n'empêchera aucunement que, comme en architecture, certaines
entraves à la circulation peuvent avoir un effet décoratif plaisant.
On a guère envie de contourner sans cesse des obstacles dans un hall
de gare, alors que dans certains jardins, où l'on se plait à flaner,
il n'en sera pas forcément de même. Visiteurs, voyageurs, badauds,
comprennent, partagent, l'intention architecturale est pressentie ou
non, il est ou non approprié qu'elle soit ou non manifeste, évidente.
Les particularismes culturels (nationaux, ou régionaux, notamment)
font que de nombreux européens apprécient des villes telles que la
Nouvelle Orléans, San Francisco, Québec, etc., ressentent un subtil
soulagement à s'y trouver après avoir visité de nombreuses villes très
"américaines" (trop "napoléoniennes", hasarderais-je ?). En typo, il
en est un peu de même...
J'affirme aussi qu'une vulgarisation intelligente de la typo est la
condition nécessaire de l'adhésion du lecteur, qu'il n'est pas inutile
de rendre "visible" ce qui est appelé à devenir pratiquement
"imperceptible" (mais évidemment perçu quand même).
Je vous laisse le soin d'apprécier ce qui est suffisant ou insuffisant
en la matière (d'apprécier donc la "suffisance", toujours
contreproductive lorsqu'il s'agit de transmettre des savoirs).
J'estime aussi que, à l'instar de ce qui s'est produit dans le domaine
de la vulgarisation scientifique et technique (il est apparu qu'un
certain volontarisme s'imposait, en raison justement du fait que l'on
favorisait parallèlement une culture du "presse-bouton", que stylisme
et ergonomie formaient un couple mieux assorti), une sensibilisation à
la typographie n'est nullement superflue.
C'est bien d'ailleurs je crois, l'un des objectifs, non exclusif
d'autres, de cette liste...