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Message : Re: Nom d'auteur en petites caps

(Jacques Melot) - Dimanche 21 Janvier 2001
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Subject:    Re: Nom d'auteur en petites caps
Date:    Sun, 21 Jan 2001 17:24:05 +0000
From:    Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx>

 Le 21/01/01, à 16:56 +0100, nous recevions de Paul Pichaureau :

Jacques Melot a écrit :

>     Je suis d'accord avec tout ce qui précède : dans le monde
> occidental au moins, le prénom est le nom des gens, le vrai.

 Bien que je comprenne parfaitement ce que tu veux dire, je ne
pense pas que ce soit complètement exact. D'un point de vue
historique et social, le "vrai" nom d'une personne serait son nom de
famille, son patronyme, qui précise son appartenance à un groupe
défini.



Je comprends, mais cela est d'une part une affirmation, je pense, arbitraire, d'autre part c'est contraire à notre fort sentiment individuel, et même à notre forte caractérisation individuelle, laquelle est indiscociable de notre forme de société, à tel point qu'on en revient à une position qui est la notre commune, dans nos deux messages : considérer le groupe formé par le prénom et le nom de famille comme un tout indissociable et qui donc prend la petite cap d'un bout à l'autre... ou pas du tout.



Dans notre vieille société patriarcale, c'est le nom du père
qui prime.



   Nous avons depuis longtemps tué le père, nous Français en particulier.



Le fait de  porter le nom de son père rappelle notre
appartenance au clan paternel,



Peut-être, mais quelle importance cela a-t-il ? Cela m'est personnellement tout à fait étranger.



et, par négation, notre inexistence en dehors de ce clan.



   Je ne peux suivre cela.



 C'est pourquoi ne pas porter de nom de famille (ou ne pas avoir de
parents, ce qui est presque pareil) est une tragédie sociale : on
vient de nulle part : provenance inconnue donc origine douteuse.



L'exemple islandais est la plus éclatante preuve du contraire ! Là-bas, c'est-à-dire ici, tout le monde est animé d'un sentiment profond d'appartenance au groupe. Il est bien connu que la première chose que font deux Islandais qui ne se connaissent pas et qui se rencontrent est de se situer l'un par rapport à l'autre en se demandant l'un l'autre de qui ils sont l'enfant. On répond en donnant le nom de son père donc (lorsqu'on le connaît), éventuellement aussi celui de son grand-père, ou de sa mère, etc. si cela ne suffit pas. Il est rare qu'il faille aller au-delà du second niveau, du moins si l'on a pris le soin d'indiquer la région d'origine ou la profession. En France, même avec les noms de famille, ce serait la plupart du temps peine perdue, aussi ne le faisons nous pas.

Les noms-prénoms islandais sont au nombre approximatif de 4000 par sexe, donc 8000 au total (j'ai donné une fois le nombre exact, mais je n'arrive pas à le retrouver pour le moment). Il n'empêche qu'il y a beaucoup de Sigurðr et de Sigrún, car la manière de nommer les enfants suit des règles assez strictes (l'aîné des garçons, par exemple, prend généralement le nom du père, d'où pas mal de Sigurðr Sigurðsson, Guðmundr Guðmundsson, Örn Arnarson, etc.), mais le fait que les Islandais sont particulièrement prolifiques a pour conséquence que les autre noms sont largement utilisés (sinon tout le monde finirait pas s'appeler pareil !). Et puis le système du double prénom et même triple permet en pratique de toujours s'en sortir, de sorte que le système est parfaitement viable.



 Jacques a raison dans ce sens que notre prénom est notre véritable
identité puisque c'est le seul nom que nous portons en propre, qui
est attaché à notre personne.

 Or, justement, la société occidentale contemporaine est devenu
hyper-individualiste. Désormais la valeur intrinsèque d'une
personne prime sur sa valeur sociale. Être "fils de" est mal vu,
"s'être faire un nom" une marque de réussite sociale.

 Pour en revenir à la typographie, c'est donc logiquement que
la tradition privilégie le patronyme au dépend du prénom, comme
la société le fait d'ailleurs. Jacques signale
la tendance à commencer par donner le patronyme avant le prénom, ce
que je trouve affreux : c'est certainement dû au conditionnement
scolaire, car dans les listes d'appels le nom vient toujours avant
le prénom !



J'avais précisément cela en tête. Ça continue ensuite au service militaire, etc.



L'école comme vecteur de contrainte sociale, ça n'est
pas une nouveauté !

 Même si aujourd'hui on conçoit surtout le patronyme comme un
moyen d'éviter les homonymies (effaçant donc son sens social),
il reste des traces de son sens profond...


>     En France, cette discrétion dans l'usage du titre est, je pense,
> louable, car, dans le cas contraire, il y a formation d'une sorte
> d'analogue de la noblesse qui, à mon avis, n'a rien de souhaitable à
> une époque où nous avons appris, du moins comme idéal, à vivre et
> être respectés pour ce que nous faisons et valons réellement et non
> pour les étiquettes qui sont censées nous caractériser.

 Si tu cherches un raison pour laquelle on ne met pratiquement plus
de titre devant les noms, ne va pas plus loin. Bonne vieille France
bourgeoise et républicaine...

 Cela dit, les Français aiment quand même les "vrais" titre, mais
pas quand c'est du toc : princesse, altesse, sainteté, etc. Le peuple
aime toujours le roi, mais pas ses nobles !

 Pour en revenir à ma petite théorie sociale, je ferais remarquer
qu'on garde encore le titre dans les professions à forte connotation
sociale : médecin, avocat, etc.


   Une partie de mon message aurait-elle disparu en cours de route ?



>    Jacques Melot

			Paul