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Message : Re : Netiquette

(Oudin-Shannon) - Lundi 07 Mai 2001
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Subject:    Re : Netiquette
Date:    Mon, 07 May 2001 06:31:08 +0200
From:    "Oudin-Shannon" <liberman@xxxxxxxxxxxxx>

>Non... l'impératif est de donner l'illusion de la densité en faisant entrer un
>maximum de signes dans un espace DONNÉ, donc de fournir les signes nécessaires
>à l'illusion.
>Vieille ficelle : donnez l'impression que vous êtes à l'étroit, et  nul ne
>s'imaginera que vous allongez la sauce, que vous écrivez en grande partie pour
>ne rien dire... ou si peu.

Pour essayer de clarifier les choses au départ, je vais citer le philosophe
Daniel Bensaïd :
« Le temps journalistique, au contraire, est sans lendemain. Fabricant en
série de l'actualité et du fait divers, la production médiatique confond la
nouveauté éphémère avec celle qui fera date. Son présent toujours recommencé
ne s'inscrit pas dans une durée qui en révélerait le sens. A grand renforts
de manchettes, de scoops et de révélations, elle offre à bas prix du
simulacre événementiel. ³Une fois de plus, l'instrument nous a dépassés²,
constatait Karl Kraus. L'époque ³prend si aisément l'édition spéciale pour
l'événement même² que, malgré leur vacarme, les trompettes de la renommée
médiatique n'ébranlent plus aucune muraille. »
Je partage cette opinion mais, comme il aime lui-même le dire, les choses
sont peut-être un peut plus compliquée que ça. Daniel Bensaïd lit
quotidiennement Le Monde et je ne crois pas que cela soit par masochisme. Il
envoie des tribunes au même journal qui loin d'allonger la sauce pratique
plutôt des coupes qui peuvent parfois dénaturer son propos. Enfin je ne vais
pas me casser la tête pour défendre une profession que je n'aime pas
beaucoup. Je trouve cependant votre propos un peut facile et simplificateur.


>Tenez, puisque vous aimez les débats sérieux et exempts de dogmatisme,
>dites-moi ce qui justifie AUJOURD'HUI le maintien de justifications très
>étroites dans la presse ?

Je vais me limiter au cas de la nouvelle formule du Monde que je connais un
peut.
Le Monde est dans un format « berlinois ». C'est un choix stratégique qui a
été fait à l'époque ou le journal a eu sa nouvelle imprimerie. A l'époque le
responsable de ce choix expliquait que ce format allait devenir majoritaire
dans la presse quotidienne. En fait aucun quotidien ne l'a adopté. Le
Parisien c'est très brièvement fait imprimer sur les presses du Monde,
il-y-a eu Info matin à mi-format et aujourd'hui le Journal du dimanche. De
nombreuses raisons ont certainement fait que les rotatives du Monde ont du
mal à trouver des clients. Le format berlinois n'est pas le moindre des
problèmes.
Comparez la construction du Monde par rapport à un tabloïde comme
Libération.
Libération a une construction plutôt simple identique aux tabloïdes
populaires et bas de gamme anglo-saxons. Pour Le Monde la comparaison est
plutôt avec les quotidiens « de référence » comme Le Times, le New York
Times etc. Le Monde a une construction plus complexe avec beaucoup plus de
papiers sur une même pages, disons pour employer une image une construction
en mosaïque. Là ou il-y-a un hic c'est que les quotidiens anglo-saxons ont
un format beaucoup plus large leur permettant d'avoir 8 colonnes, alors que
Le Monde est sur 6 colonnes comme Libération.
Il ne vous a certainement pas échappé que plus le nombre de colonnes est
important plus le nombre de combinaisons est grand. Il se trouve qu'avec 6
colonnes les combinaisons sont réduites pour un quotidien « mosaïque ».
Introduire des photos devient plutôt difficile : une col c'est petit, 3 cols
c'est déjà la moitié de la largeur, il vous reste pour l'essentiel le 2
cols.
Le Journal du dimanche était au format quotidien classique (le double du
tabloïde comme Le Figaro). Aujourd'hui ce journal passe sur les rotos du
Monde, donc au format berlinois.
Ils le font sur 7 colonnes parce que c'est pour eux le seul moyen de
conserver leur type de mise en page qui est en mosaïque mais avec une large
utilisation de la photo.
Peut être que vous vous souvenez de la calamiteuse nouvelle formule dite de
Libération 3 ?
On avait un tabloïde allongé avec 7 colonnes... Le modèle était le Guardian
avec un systhème de cases préétablies, l'actualité venant se couler dans le
« concept » du journal. Ce n'est certainement pas la seule raison à l'échec
de cette formule, mais il-y-avait certainement une erreur complète sur le
format.
La pub impose un plus grand nombre de colonnes ? Peut être, mais les choses
ne sont pas aussi simple. Si vous avez moins de colonnes elles sont plus
larges et vous les vendez plus cher.
J'ai discuté avec un responsable d'un quotidien belge qui avait les mêmes
rotatives que Le Monde.
Le format de son journal était quotidien classique et il m'a affirmé que Le
Monde pouvait trés bien se faire sur ce format... Je n'ai évidemment aucun
moyen pour vérifier cette affirmation.
Le choix du grand format pour ce quotidien belge tennaient essentiellement à
la pub :
selon ce même responsable un grand format permettait de vendre de plus
grandes surfaces de pub.
Les choix liés à la pub sont très certainement présents mais ils ne sont pas
toujours faciles à cerner.
Le Canard enchainé est exempt de pub, il est au format quotidien avec 7
colonnes qui ont la même largeur que celles du Monde.
La revue Actes numéro 131-132, mars 2000, publie entre autre un article
critique sur la nouvelle formule du Monde. Même si j'y trouve une certaine
mythification de l'ancien Monde je suis pour l'essentiel d'accord sur les
critiques très fortes sur l'évolution de ce quotidien.
Là ou je ne suis plus d'accord c'est quand l'auteur, Patrick Champage,
explique que la nouvelle maquette impose une « lecture horizontale » du
journal et que par conséquence on trouve en « une » un grand titre court et
simplificateur.
En fait la forme ne serait que la forme du fond. C'est trop joli et trop
simple pour être vrais. Une analyse plus objective montre qu'au début de la
nouvelle formule les « unes » n'étaient pas aussi simples et racolleuses.
Il s'agit d'un choix rédactionnel lié au marketing et la « lecture
horizontale » n'en est pas responsable.

Jérôme Oudin