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Message : Re : [typo] accent

(Jean-François Roberts) - Mercredi 25 Mai 2005
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Subject:    Re : [typo] accent
Date:    Wed, 25 May 2005 18:47:00 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Si vous ne voyez pas la différence entre un accent qui (peu ou prou) modifie
la longueur ou l'ouverture d'une voyelle - qui reste une variante d'un même
"archiphonème" - et une diacritique (la cédille) qui transforme une
occlusive (/k/) en sibilante (/s/)... je ne vois guère d'issue de vous
conseiller un bon manuel de phonologie.

Résumons : l'accent circonflexe est *en général* le simple *rappel* d'un "s"
passé. Oui, mais... voilà : ce "s" que le circonflexe est censé rappeler
avait précisément perdu sa valeur initiale : ce "s"-là était un *s muet*,
qui n'avait plus comme fonction, dans l'orthographe du XVIe siècle, que de
noter une voyelle longue.

Ce qui revient à dire que l'accent circonflexe est la trace d'un signe qui
qui n'a même pas toujours - tant s'en faut, pour nombre de mots : ainsi,
"pâle" - commencé par avoir la valeur /s/. La valeur de la voyelle ainsi
modifiée a d'ailleurs souvent évolué (ainsi "côte", mais "coteau"...).
Ajoutons que le phonème que désigne souvent "â" (dans "âne") pourra aussi
bien être noté "a" (dans "havre"). Quant à la graphie "ê" (dans "être", par
exemple), elle renvoie généralement à un phonème qui sera aussi bien marqué
"è" (dans "avènement"), "é" (deuxième syllabe de "événement") ou "e" sans
accent (syllabe initiale de "effet" ou "exemple"). Si fait que
l'"information" que vous "perdez" en n'accentuant pas les cap. est
franchement douteuse...

(Vous aurez d'ailleurs les plus grandes peines du monde à établir une
bijection entre accents, en français, et phonèmes, ou entre accents et
lettres "disparues" : si "à" renvoie au latin "ad", aucune consonne n'a
disparu après le "è" de "avènement". Il n'y a bien entendu *aucune*
distinction phonétique entre "à" et "a" [verbe "avoir"], ou entre "où" et
"ou".)

La cédille, quant à elle, a la valeur d'un "e" *actuel*, qui modifie
*présentement* le son du "c", sans aucune variabilité. D'où la nécessité de
conserver la cédille (dont la valeur est constante).

Les développements plaisants en soi-disant "vieux francois" (attention aux
fautes ! ;) ne vous aideront pas à changer (ni à comprendre, d'ailleurs) cet
état de fait, qui explique que les marches n'accentuant pas les cap.
préservent le "Ç".


> De : Jean-Christophe Dubacq <jean-christophe.dubacq@xxxxxxxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Date : Tue, 24 May 2005 09:11:11 +0200
> À : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Objet : Re: Re : [typo] accent
> 
> On Sat, May 21, 2005 at 08:44:43AM +0200, Jean-François Roberts wrote:
>>
>> (...)
>> 
>> Surtout, la valeur du "Ç" est bien différente du "C" - d'un autre ordre,
>> dirons-nous que celle du "Â" ("â" cap.) comparé au "A" (et a fortiori de
>> celle du "À", qui est une simple fiction graphique, en général désambiguïsée
>> par le contexte : "IL N'Y A RIEN A REDIRE").
>> 
>> On peut considérer que la cédille a pratiquement la valeur d'un "e" - d'une
>> lettre supplémentaire, donc : "leçon" se lisant "leceon", par exemple.
>> Anciennement, "arçon" s'est d'ailleurs écrit "arceon". Estienne, pour sa
>> part, usait systématiquement du "ce" la où nous usons du "ç". (Voir Nina
>> Catach [dir.], _Dictionnaire historique de l'orthographe française_,
>> Larousse, 1995, p. 1142 sq.)
> 
> De mesme qu'un accent circonflexe a valeur d'un « s », comme dans
> hospital ou castel. L'accent circonflexe modifie d'ailleurs la
> prononciation de la lettre de faceon significative. Je conviens que
> l'accent grave fust conceu pour pallier des soucis d'homophonie de mots.
>