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Message : Re : [typo] accent

(Jean-François Roberts) - Samedi 21 Mai 2005
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Subject:    Re : [typo] accent
Date:    Sat, 21 May 2005 08:44:43 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Réponse rapide : sur un mot isolé, un accent en tant que tel ne pose guère
problème. Mais les cap. n'étant jamais lues comme des b.d.c. (faites
l'expérience), ça ralentit la lecture, plutôt que de l'aider (dans 99 % des
cas), en tout-cap. certainement. A la longue, vous perdez plus que vous ne
gagnez. 

Cela dit, le "principe de précaution" accueilli par la marche
traditionnellement prépondérante (avant l'arrivée de la nouvelle vague
autoformée sur ordinateur) en typo française est bien d'accentuer le
tout-cap., pour prévenir le 1 % de cas posant problème, dans le contexte de
leur occurrence (tout en préservant une unité de traitement typo). Mais on
trouve toujours au moins une marche qui n'accentue le tout-cap. QUE dans les
cas où ça devient absolument nécessaire. (Si ça vous amuse, il s'agit des
cahiers Associations du _Journal officiel_ de la République française,
consultables en ligne en version typographiquement conforme... Vous pourrez
vérifier par vous-même que le tout-cap. n'y est accentué que dans quelque 1
% des cas. Et c'est parfaitement lisible.)

Pourquoi traiter les accents différemment de la cédille ? Déjà, le nom peut
vous alerter sur le fait qu'il s'agit d'une catégorie de diacritique bien
distincte de celle des accents. La forme et l'emplacement diffèrent de façon
non moins marquée : exclusivement *sous* une consonne - et une seule -, le
"c", et non *sur* des voyelles (accents).

L'histoire de la cédille, enfin, explique sa fonction radicalement
différente de celle des accents : il s'agit, en fait, de donner à un "c"
(dont la présence est en fait souvent "étymologique") le son du "s" - ou, si
l'on préfère, de donner au "c" devant un "a", un "o", ou un "u" le son que
ce "c" aurait devant un "e" ou un "i". Ainsi, on écrira bien "ça" pour
marquer la contraction de "cela" en un mot homophone de "sa".

Je dirais (rapidement, je ne me suis pas penché en détails sur la question,
mais je parle quand même d'expérience) que la forme du "Ç" reste tout de
même fort lisible - et distinctif, face au "C", autant que le "Q" comparé au
"O". (Ce qui n'est guère le cas du "Î" dans "Île-de-France", ou de "À" - ce
qui amène nombre de marches qui accentuent les cap. dans le texte courant
[en b.d.c.] à exclure ces deux cap. accentuées...)

Surtout, la valeur du "Ç" est bien différente du "C" - d'un autre ordre,
dirons-nous que celle du "Â" ("â" cap.) comparé au "A" (et a fortiori de
celle du "À", qui est une simple fiction graphique, en général désambiguïsée
par le contexte : "IL N'Y A RIEN A REDIRE").

On peut considérer que la cédille a pratiquement la valeur d'un "e" - d'une
lettre supplémentaire, donc : "leçon" se lisant "leceon", par exemple.
Anciennement, "arçon" s'est d'ailleurs écrit "arceon". Estienne, pour sa
part, usait systématiquement du "ce" la où nous usons du "ç". (Voir Nina
Catach [dir.], _Dictionnaire historique de l'orthographe française_,
Larousse, 1995, p. 1142 sq.)

Cette ultime considération, à elle seule, justifie la préservation de la
cédille en toute circonstance, ainsi traitée différemment des accents du
français. A ce titre, la cédille a une valeur proche de l'Umlaut allemand :
si cette diacritique est indiscernable, par sa forme en typo non Fraktur,
d'un tréma, elle a en effet expressément la valeur d'un "e", ce qui interdit
de la considérer comme un accent.

Et c'est pourquoi la même marche classique qui n'accentue pas le tout-cap.
préserve soigneusement les "Ç" distincts des "C". Et que les marches qui
n'accentuent pas les cap. du texte courant (initiales de phrases, ou de noms
propres) préservent pareillement le "Ç" (essentiellement, dans les phrases
commençant par "Ça" ou "Çà"...).


> De : Jean Fontaine <jfontaine@xxxxxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Date : Fri, 20 May 2005 14:53:08 -0400
> À : <typographie@xxxxxxxxxxxxxxx>
> Objet : Re : [typo] accent
> 
> Jean-François Roberts écrit :
> 
>> Si les imprimeurs se sont volontiers passé de cap. accentuées, pendant des
>> générations [...] c'est qu'ils ont vite compris qu'elles nuisaient à la
>>  lisibilité
> 
> En quoi exactement CHÂTEAU est-il moins lisible que CHATEAU ?
> Et pourquoi les cédilles sur les caps ne nuisent-elles pas à la lisibilité ?
> 
> JF
> 
>