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Message : [typo] En guise de conclusion sur l'évolution prétendue de la langue

(Jacques Melot) - Lundi 16 Mars 2015
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Subject:    [typo] En guise de conclusion sur l'évolution prétendue de la langue
Date:    Mon, 16 Mar 2015 13:46:57 +0000
From:    Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx>


Le 15 mars 2015 à 02:46, Jacques Melot a écrit :

 Le 15/03/15, à 12:20 +1100, nous recevions de Marion Gevers :

[...]
Comme pour bien d'autres faux amis (en anglais comme en français), je me bats pour maintenir le sens français du mot et ne pas bêtement opter pour la facilité et traduire sans réfléchir de l'anglais au français (je suis traductrice de profession). Je constate que dans la presse française, on n'a plus d'avenir : on n'a plus qu'un futur, calqué sur le "future" anglais.


[J. M.]   Exactement, et cela commence à échapper à des gens instruits, qui parlent bien leur langue et qui, manifestement, ne se vautrent pas dans l'anglomanie.

   Ces anglicismes foisonnent : « faire sens » (angl. make sense) a pratiquement supplanté avoir un sens, on briefe et on débrife, les entraîneurs sont des coach, terme que l'on étend à tort et à travers à d'autres activités, on ne sait plus ce qu'est un tireur embusqué, on parle de tsunami -- en prononçant a première syllabe tsou à l'américaine qui plus est, persuadé de prononcer à la japonaise (en japonais ce u est prononcé comme le u français), et tous les emprunts à l'anglais que l'on avait francisé de longue date sont rendus à la langue d'origine, ne prononçant plus iceberg « isberg » (qui avait l'heur de coïncider avec la prononciation du mot suédois isberg, qui a servi aux anglophones à construire le calque iceberg), ne prononçant plus puzzle « peuzle », ne prononçant plus side-car « cidecar » -- à quand le retrait depaquebot au profit de packet-boat ? Les avions ne s'écrasent plus, ils se crashent, la maladie du charbon, brusquement, en 2001, à pris, sous l'influence de l'anglais et avec la bénédiction du Monde, le nom d'anthrax qui désigne en français une affection totalement différente, moins connu aussi ces talibés qui sont devenus des talibans comme on les nomme en anglais, l'Arabie séoudite est devenue subrepticement saoudite, les Iraquiens sont maintenant des Iraqi, les qualificatifs désuet, suranné, vieilli, périmé, démodé, archaïque ont subi une brusque baisse d'usage au profit d'un obsolète, pris à l'anglais et qui, en français, n'a même pas le sens exact qu'il avait en anglais, ayant perdu dans l'esprit de la plupart des Français le caractère incohatif qui faisait son seul intérêt,  etc., sans oublier ce standing ovation dont j'ai parlé tout récemment ici.

   Et tout cela en fermant les yeux sur le caractère discriminatoire irréfragable de ces pratiques, car c'est laisser sur le bas-côté de la route toute cette partie de la population française qui ne connaît pas l'anglais et qui pourtant a tout autant le droit de comprendre. Et ce, d'autant qu'elle paye une redevance pour l'audiovisuel qui est le principal responsable de ces dégradations de la langue, avec les médias en général, publicité comprise.

   J. M.


[J. M.]   Un ami m'a transmis un article paru ce matin dans le Parisien (p. 34). Son titre : L'anglais à la télé c'est too much

   On y note que 70 % des plaintes des téléspectateurs au CSA concernent l'abus d'anglais à la télévision. L'argumentation des responsables de ce raz-de-marée d'anglais est assez peu convaincante, par exemple lorsqu'ils expliquent qu'on est obligé d'employer les titres originaux (cela n'est pas précisé, mais il va de soi que ça ne concerne que l'anglais, pardi) par la mondialisation, c'est oublier que l'on remplace fréquemment un titre original rédigé en un anglais qu'on estimera opaque pour trop de monde en France par un autre titre... en anglais, qui, lui est une pure production française. Si les Français s'imaginent qu'il en va de même partout à l'étranger — ils sont si prompts à généraliser —, ils se trompent bien ! Pour ne prendre qu'un exemple, le titre de la série américaine Desperate housewifes, laissé tel quel en français, est, non pas utilisé tel quel, mais traduit dans quantités de pays, à commencer par la totalité des pays de l'Est, l'Islande (Aðþrengdar eiginkonur), la Norvège (Frustrerte fruer), la Finlande (Täydellisert naiset), etc. 

   Accompagne cet article un micro-trottoir où l'on a interrogé cinq personnes. Le résultat est édifiant, mais pas du tout surprenant. L'une des personnes interrogées est une femme de 43 ans, ouvrière paysagiste à Rouen, qui déclare — un record en si peu de mots — [citation intégrale :]  « Les termes anglicisés me conviennent très bien. Franciser certaines expressions serait ridicule. On ne va pas appeler Maison des cartes la série House of Cards — qui est ridicule, là ? C'est l'arroseur arrosé : cette personne qui se satisfait de l'anglais, ce qui suppose aussi qu'elle le comprend, s'empresse de démonter le contraire, ignorant que l'anglais « house of cards » correspond au français « château de cartes ». De plus, elle se permet une affirmation gratuite : c'est ce dernier titre, Château de cartes, qui est adopté au Québec, et ce, sans y nuire au succès de la série. Et de poursuivre « L'anglais est la langue universelle. Tous les citoyens européens apprennent l'anglais depuis le plus jeune âge. Cette crainte de voir le français se perdre [qui a dit cela ?] me semble irrationnelle. Cela diminuerait nos capacités intellectuelles. » [fin de citation]. (On se demande avec inquiétude ce que seraient ses capacités sans l'anglais !)

   J. M.


Ou alors, j'ai raté un épisode !

Marion
--
Marion Gevers                      
 marion.gevers@xxxxxxxxxxxxxxx
32º54'34.81"S  151º43'20.72"E


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