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Message : Re: [typo] De l'écrit inclusif (Thomas Linard) - Mardi 09 Mars 2021 |
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Subject: | Re: [typo] De l'écrit inclusif |
Date: | Tue, 9 Mar 2021 12:18:15 +0100 |
From: | Thomas Linard <thlinard@xxxxxxxxx> |
Il me semble que le travail opéré sur la langue française à
partir de la Renaissance pour en faire une langue noble n'est pas
rien. Les emprunts massif au grec et au latin, les changements de
prononciation voulus par les grammairiens (par exemple, encore au
XVIe siècle, l'amuïssement du [r] final faisait que chanteur
rimait avec peureux : cette prononciation a été changée délibérément
😉 : explication sur cette page http://monsu.desiderio.free.fr/curiosites/r-phono.html),
la règle de l'accord du participe passé importée de l'italien sous
l'influence de Clément Marot, la réduction des règles d'accord à
une seule (déjà citée), la fin de l'accord des pronoms personnels
et des participes présents… ça fait quand même beaucoup pour une
langue « naturelle », non ?
Merci. Je n'ai pas le temps de lire la référence immédiatement, mais j'ai vérifié qu'elle était accessible. Cela semble confirmer mon a priori, que l'évolution est plus le résultat d'une domination masculine établie que d'un désir de conforter une domination masculine fragile. J'aimerais savoir -- mais à nouveau ce n'est pas quelque chose pour lequel je serais prêt à faire des efforts importants -- s'il y a des précédents à agir sur la langue d'une manière aussi importante que le mouvement féministe le fait pour le moment (l'utilisation ou la non utilisation de termes péjoratifs et leur perpétuel remplacement à chaque fois que le nouveau terme acquiers l'aspect péjoratif que l'on voulait éviter ne va pas assez loin; la résurrection de l'hébreu comme langue vivante, l'utilisation de la langue des signes chez le sourds, la promotion de certaines langues minoritaires ou artificielles comme l'espéranto sont à rapprocher mais pas tout à fait dans l'axe que je désire)
Une remarque sur les thèses sur l'évolution de la langue, j'ai beaucoup de mal à comprendre la position qui voudrait que la langue évolue sans influence des faits sociaux, ça me semble une affirmation extrêmement forte qui demanderait des preuves tout aussi fortes.
A+
-- Jean-Marc
De : Thomas Linard <thlinard@xxxxxxxxx>
Envoyé : mardi 9 mars 2021 10:17
À : Jean-Marc Bourguet
Objet : Re: [typo] De l'écrit inclusifIl ne s'agit bien sûr pas d'un dessein exposé et coordonné : oui, en cela, on peut dire qu'il s'agit plus de l'effet de la mentalité d'une époque.
Premièrement, la volonté de faire du français une langue égale au latin, donc de la rendre plus « noble », est bien connue. Le Grévisse résume ainsi les développements à la Renaissance : « on croyait aussi que l'on donnait plus de lustre au français en le rapprochant le plus possible du latin. […] Plus généralement, le développement spontané de l'usage est contrecarré. » (p. 19 de la la 16e édition, disponible sur https://www.grevisse.fr/etudiants-professionnels/le-bon-usage-electronique).
Après, il y a deux thèses qui s'opposent : selon l'une d'elle, la langue serait un phénomène naturel, qui évoluerait en vase clos, dans sa propre logique, indifférente à la société qui l'emploie (et généralement, lorsqu'on pense que la langue est un phénomène naturel, on n'est pas loin de penser que les races existent naturellement). Et selon l'autre thèse, qui à ma faveur, la langue est un phénomène social, et en tant que tel, qui subit l'influence des autres faits sociaux.
Donc, pour prendre l'exemple de la réduction de l'ensemble des règles d'accord héritées du latin à une seule (celle de l'accord au masculin), lorsque Dupleix écrit en 1651 que « le masculin est le plus noble » ou Bouhours en 1675 « quand les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l'emporte », je comprends la logique : si ce qui relève du féminin est inférieur et bas, on ne peut pas servir l'objectif de rendre le français « plus noble » en le laissant « féminisé ».
D'ailleurs, ce type d'arguments a fini par disparaitre au XIXe siècle. Comme l'écrit Lucy Michel en 2016 (https://dx.doi.org/10.1051%2Fshsconf%2F20162704005) : « Mais l’explication téléologique que proposaient à la fois Meigret (1550) et les auteurs de la Grammaire générale (Arnauld et Lancelot 1660) disparaît au profit d’une assertion gnomique. La naturalisation, en s’effaçant comme processus et en ne laissant apparaître que le résultat final, est donc amenée à son terme20 : elle diffère de la tendance des siècles précédents en ce qu’elle n’est plus explicitement fondée sur une compréhension naturalisante de la question, mais sur une dichotomie donnée comme un fait indubitable, et premier.
Face à cela, on trouve une tendance, en apparence opposée, à la dénaturalisation des problèmes liés à la catégorie du genre grammatical. Celle-ci est particulièrement explicite dans le cas de l’« accord au masculin » : […] Dans ces extraits, aucune mention de la noblesse du masculin, ni de la supériorité du mâle sur la femelle. La justification masculiniste, l’explication sociale – pensée comme découlant de la nature des individus – qui était originellement attachée à la préférence donnée à l’accord au masculin sur l’accord de proximité disparaît complètement. L’effacement du lien entre le phénomène non-linguistique et le phénomène linguistique fait qu’à la fin, il ne reste que la loi, l’argument d’autorité qui pose l’incontestabilité du phénomène linguistique. »
Donc, en effet, « délibéré » demandait un peu d'explication.
Cordialement,
Thomas
Le 09/03/2021 à 09:37, Jean-Marc Bourguet a écrit :
Y a-t-il des documents d'époque suggérant que cette masculanisation était délibérée et non simplement un effet de la mentalité sans objectif conscient ?
--Jean-Marc Bourguet
-------- Message d'origine --------De : Thomas Linard <thlinard@xxxxxxxxx>Date : 09/03/2021 09:18 (GMT+01:00)Objet : Re: [typo] De l'écrit inclusif
Bonjour,
Je vais répondre à votre aimable provocation sur le même ton : je pense au contraire qu'il n'y a que pour les personnes ignorantes de l’histoire de la langue ou celles dévorées par l’idéologie militante réactionnaire que la langue française n'a pas été délibérément masculinisée.
Cordialement,
Thomas
Le 09/03/2021 à 08:51, Amalric Oriet a écrit :
Bonjour,
Et une occasion supplémentaire pour reprendre ma batte de pèlerin et rappeler que non, hors dans le chef de quelques personnes dévorées par l’idéologie militante, la langue française n’a jamais été masculinisée, ni même « masculinisée » [délibérément] par quiconque.
S’agissant du point médian, le recours à la notion d’abrègement a bon dos. En français, dans un texte composé au long, les abréviations potentiellement présentes de manière récurrente sont au nombre de « trois » : etc., no, titres de civilité. Et encore, pour les titres de civilité et numéro, leur abréviation répond à des emplois précis et assez bien réglementés qui diffèrent de leur forme longue. C’est un peu court pour se réclamer de cet « argument ».
Cordialement,
Amalric
Le 8 mars 2021 à 21:53, ArDomenach <listes@xxxxxxxxxxx> a écrit :
Chères tous,
Au bout de ce lien la marche typographique de la nouvelle revue La déferlante, nouvellement sortie. (Revue féministe.)
À partir de la page 20, les annexes : « Pistes pour une écriture inclusive »
«NB : On ne recourra pas à la fusion de mots pour des formulations non binaires « prononçables » (iel, ielles, celleux, toustes, lecteurices, rédacteurices, spectateurices, acteurices…), considérant qu’elle gêne la lisibilité des textes et peut exclure le lectorat qui n’y est pas habitué.
Ils sont bien bons de ménager nos habitudes.
Armelle
http://www.domenach.fr/ArD/Typo/ladeferlante-marche.pdf
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