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Message : Re: o-e liés (et anecdote du ij)

(Olivier RANDIER) - Mercredi 03 Septembre 1997
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Subject:    Re: o-e liés (et anecdote du ij)
Date:    Wed, 3 Sep 1997 00:40:16 +0200
From:    Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxxxxxxxxxx>

>Jacques Melot écrit:
>> On me dira
>> qu'il ne s'agit pas de digraphes soudés, mais de translitération véritable.
>> Certes, mais ne peut-on soutenir que l'effet visuel doit le remporter sur
>> la logique (solution « OE ») ? Après tout, lorsqu'on se soucie de l'effet
>> visuel produit par le pavé imprimé (homogénéité du gris, etc.), il s'agit
>> d'une démarche pour le moins indépendante du sens véhiculé par le texte
>> tout autant que des lettres qui composent les mots.
>>    Il s'agit d'un cas embarrassant et, pour ma part, sans considérer que la
>> solution « OE » est à proprement parler fautive, je pencherais plutôt pour
>> l'autre.

Mmm... S'agissant de l'effet visuel, il me semble que "OE" est justement
plus proche, visuellement, de la ligature OE capitale, normalement requise.
D'autre part, je ne suis pas partisan de la forme au détriment du fond. Or,
en français, la ligature "oe" a valeur orthographique et, surtout,
phonétique.
À l'initiale, Oe reste ambigû, alors que OE est clair. De plus, si l'on
compare avec le AE, là, l'ambiguïté phonétique est importante, dans la
mesure où l'occurrence ae en début de mot est possible également. On
composerait donc Ae pour "Aerial" (anglais [Aërial]) et AE pour "AEpyornys"
(latin [Epiornis]).
Il serait logique de faire la même chose pour OE.

>En néerlandais (et en français...), la ligature IJ n'est pas soudée...
>et pourtant elle se compose en cap : IJmuiden, IJsselmeer, etc.

En français, peut-être, mais autant que je sache -- ne parlant pas le
néerlandais (Dieu merci ;-)) -- en néerlandais la ligature ij EST soudée :
c'est le fameux ÿ (y tréma) qui sème la confusion la plus totale dans les
discussions sur les normes de codage de caractères (ISO machin, Unicode,
etc.).

L'histoire en est d'ailleurs assez savoureuse pour que je ne résiste pas au
plaisir de vous la narrer. Je vous raconte tout ça comme je l'ai compris,
si d'autres ont des sources plus documentées, merci de rectifier.

En néerlandais, la diphtongue "ij" est très fréquente. Or, dans certaines
graphies, particulièrement les gothiques, ij est quasiment identique à un y
tréma. Le digramme ÿ s'est donc imposé, même s'il est phonétiquement
absurde. Bien sûr, les néerlandais, qui l'identifient comme digramme, le
translittère logiquement IJ en caps.
Le français est, à ma connaissance, la seule autre langue à utiliser ce
digramme, mais sans l'identifier comme tel. En effet, nous avons une
poignée de noms propres (uniquement des noms propres, notez) qui comporte
un y tréma. Certains sont des noms de personnes célèbres -- d'origine
néerlandaise, sans doute --, comme Pierre Louÿs, où le digramme est
logique, d'autres sont des noms de lieux, dont l'origine reste à
déterminer, où le digramme est utilisé dans son sens phonétique, pour
indiquer une prononciation particulière, ex. : L'haÿ-les-Roses. Dans ce
cas, le tréma indique que le mot se prononce : [la-i], au contraire de la
tradition française, où le y après un "a" finale est équivalent à la
diphtongue ai (è). Du coup, les typographes français, en vertu de la règle
d'accentuation des capitales, ont INVENTÉ un Y tréma capitale, qu'ils
utilisent indifféremment dans les deux cas, au grand dam des néerlandais,
j'imagine. Et voilà comment nait un caractère "virtuel" !
On imagine les discussion entre français et néerlandais lors de
l'établissement d'Unicode...
Fin de la séquence "Typographie amusante"... :)

Bon retour de vacances à tous (on commençait à s'ennuyer ici) !

Olivier RANDIER -- Experluette