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Message : Re: Deux fonctions pour un document

(Thierry Bouche) - Mercredi 13 Octobre 1999
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Subject:    Re: Deux fonctions pour un document
Date:    Wed, 13 Oct 1999 00:17:24 +0200
From:    Thierry Bouche <thierry.bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>

Nicolas ESPOSITO a écrit:
> 
> J'aimerais revenir sur un point qui me dérange. J'ai lu sur la liste que le
> maquettiste d'un journal devait être capable de modifier le contenu d'un
> texte pour des raisons de technique typographique. Sans même parler du
> respect de l'auteur, je vois là une confusion entre deux fonctions bien
> distinctes : la fonction autoriale et la fonction éditoriale. Toutes les
> deux contribuent à la création d'un document : la première écrit le texte,
> la seconde se charge de le présenter.

En fait, et pour être précis, il faudrait en distinguer trois. Selon La
formule n°118 de Lacroux, l'éditeur a des devoirs (envers ses clients,
ses consommateurs, ses lecteurs, quoi), tandis que l'auteur n'a que des
droits. La fonction éditoriale _n'est pas_ limitée au choix binaire
acceptation/refus des textes. Elle consiste au contraire en une
médiation entre l'auteur et son public, qui peut passer par la
réécriture de passages du texte, des coupures, des suggestions. Que
l'auteur peut toujours refuser, c'est incroyable de voir comment
certains éditeurs s'acharnent à adapter des textes pour un public
inadéquat, par exemple ! Pour avoir porté chacune des trois casquettes,
je dois dire que chaque travail est intéressant précisément parce qu'il
n'y a pas l'Auteur et des caisses d'enregistrement, c'est un travail
d'équipe pour obtenir le meilleur résultat final. Le troisième gugusse,
c'est le metteur en pages qui, intervenant en aval du travail éditorial,
n'a plus le droit de toucher au texte. Il a une charte graphique et une
compétence, et les deux ensembles doivent aboutir vaille que vaille à
une présentation optimale. Le correcteur est là pour s'en assurer ! D'où
les interminables discussions ici pour avoir une espace mot constante,
pas trop de coupures, un gris homogène, le respect des Règles qui
interdisent de toute façon la plupart des coupures, la justification
verticale, etc. C'est la quadrature du cercle, et certains impudents on
cru pouvoir en faire un métier !

pour la presse, où les casquettes sont interchangeables et plus ou moins
portées à tour de rôle par tous les maillons de la chaîne, j'imagine que
c'est plus flou, et qu'un petit arrangement peut toujours être tenté ni
vu ni connu...

> D'où ma question : une bonne maquette ne serait-elle pas celle qui sait
> présenter le mieux possible un texte tel qu'il est fourni ?

Non, une bonne maquette est une bonne maquette pour le type de textes
qu'elle est supposée accueillir. Elle n'a pas de sens si elle n'est pas
constante, et si je change la justif pour qu'« enseignant-chercheur »
(ce que sont les profs et les thésards moniteurs) passe à telle ligne,
qu'est-ce qui m'attend trois pages plus loin !

> N'oublions que la typographie est un art au service
> du texte. 

Certes.

> Si le texte se met au service de la typographie, on ne parle plus
> de document, mais tout simplement d'art.

j'aime bien « tout simplement d'art »... Pourquoi pas plutôt de
bidouille ?

> Pour finir ce long monologue, voici une petite annecdote. 

Pour le coup, ces gens ont fait leur travail : respect du texte, mise au
norme de la typo (je ne commente pas _leurs_ normes...).

Th. B.