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Message : espaces "m" et "n" (bruit ? Très long. Anecdotique)

(Jef Tombeur) - Mercredi 05 Septembre 2001
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Subject:    espaces "m" et "n" (bruit ? Très long. Anecdotique)
Date:    Wed, 5 Sep 2001 15:03:48 +0200
From:    "Jef Tombeur" <jtombeur@xxxxxxx>

Bon sang, mais c'est bien sûr !
L'_em_ est m, l'_en_ est n.
Ce qui suit est certainement déjà connu de l'immense majorité des membres de cette liste (c'est donc, pour elle du "bruit", elle peut passer à autre chose), mais le rappel satisfera peut-être la curiosité des moins initiés qui l'ont rejointe récemment.
Il est pour moi quasiment certain qu'on trouverait dans les archives de la liste ce qui suit à propos du cadratin et de ses sous-divisions.
Ce qui prouvera que je lis souvent trop vite les messages...
Depuis toujours, je traduis les ang. _em_ par cadratin, et _en_ par demi-cadratin.
Sans m'être jamais posé la question de l'éthymologie (sic, c'est bien sûr étymologie qui, seul  – ici, le mot –, convient).
Petite épiphanie : la lecture du manuel de la dernière version de ProLexis (3.5), correcteur gram., ortho et typo…
Je lis : «… le "m" avait toujours une dimension égale à celle de deux "n" accolés. » ; sur l'original, les guilles de m et n sont françaises.
Le cadratin étant de dimension égale à celle d'un « m » d'une police, celle du demi-cadratin est (était) celle d'un « n ».
D'où les dénominations _em space_ et  _en space_ parfois notées _m-space_ ou _n-space_.
Et le manuel ProLexis de poursuivre que les chasses respectives de ces caractères n'étant plus, actuellement, pour un nombre significatif de polices, en proportion rigoureuse, le terme  _en_ ne devrait plus être employé (au profit de _half-m_, et en français, de demi-cadratin).
Loin de moi l'intention de relancer une volée d'échanges sur la question, maintes fois abordée sur cette liste (pour mainte singulier ou pluriel, je me reporterai ensuite au Hanse-Blampain (_Dic. des dif. de la langue fr_.), mais j'en profite pour vous livrer une anecdote tout aussi bruyante (ici, et sur le fond, tonitruante) à propos des pratiques d'une incertaine maison d'édition...
Pour un tarif de misère, en absolu inférieur de moité à celui d'une traduction littéraire voici deux lustres et plus, je vais hier proposer mes services de traducteur à une maison d'édition spécialisée (dans le graphisme, la PAO, en tout cas la mise en page et la typo à l'occasion).
La charmante jeune femme qui me reçoit et ne supervisera ni ne validera sans doute pas mon travail – puisqu'après notre conversion je doute fort qu'elle m'en confie aucun –, m'a indiqué ceci :
- non, il n'est nul besoin que je prenne connaissance des réglages des préférences de QuarkXPress et de ProLexis utilisées chez eux puisqu'un seul poste est équipé de ProLexis, lequel n'est pas nécessairement employé pour les traductions d'ouvrages (au ton, j'ai compris que l'utilisation de ProLexis devait – pour elle – être une tocade de l'utilisateur) ;
- mon souci de savoir quel correcteur automatique est employé est non-avenu puisque cette jeune personne, qui me dit pratiquer bien mal l'anglais, mais valide les traductions, n'en a aucun besoin puisqu'elle ne commet jamais de faute d'orthographe (texto : « je ne fais jamais de faute. ») ;
- mes pinaillages sont malvenus, il faut tenir les délais (annoncés de deux mois pour env. 30 000 mots, en fait d'un mois, voire moins, et il s'agit d'un domaine très spécialisé), et l'important c'est de se calquer sur la mise en page de l'original (traduction par écrasement de l'original sous logiciel de PAO). En conséquence, mes questions loufoques lui font perdre un temps précieux. Mais, comme elle doute fort que je puisse comprendre ce qu'elle attend, elle m'explique un peu comment on traduit par écrasement sous logiciel, et je me contente de lui indiquer que je l'ai fait pendant six ans pour un mensuel britannique (selon, bien évidemment, une marche déterminée par ma responsable d'édition, et un calage de nos préférences typo et autres).
Je ne nommerai pas cette maison, qui ne fait pas partie des majeures du domaine, mais se pique de diffuser des ouvrages d'une bonne tenue (les originaux le sont) à un prix en rapport. Leur tarif est tel qu'un traducteur peu soucieux de son lecteur, de sa réputation et du renom de l'éditeur, massacrera la traduction ou se contentera d'une adaption approximative. Vous pouvez bien sûr faire une moisson de lignes creuses dans leurs ouvrages. Dans un de leurs bouquins (assez luxueux) sur la typo, avec une composition en drapeau, fer à droite, sur justif. de 96 mm, vous trouvez en bout de ligne des (glissez sur la nature des guilles cette fois)  ", le", un ". Si", etc. La creuse la plus savoureuse est celle-ci (toujours au fer, en drapeau, mais sur 64 mm) :
relation rythmique entre la typo, l'image et le
son.
(auparavant, un "ce", un "le", un "du", un "la", autre "le" en bout de ligne pour ce paragraphe de sept lignes, plus celle du "son.").
Dans le même, un très insolite :
utilisés et plus évidents pour le lecteur /
spectateur.
(lecteur+espace+/, retour à la ligne, spectateur).
Et la « meilleure », la plus éloquente, l'unique division relevée en parcourant rapidement ces 160 pages :
Arts & Sciences et The New York Festival, 3 Ring Circus a lancé et re-
positionné avec succès, …
aussi, au sujet de _le Plasma Project_ (sic), un très beau :
Deux designers travaillent ensemble sur _le
Plasma Project_ qui est censé être une
Et aussi, en italiques, un très original :
le designer pose poétiquement la question _Comment serait le monde si le mot yellow (jaune) n'existait pas ?_
(ou jaune entre parenthèses reste italisé, alors que je doute très fort que ce _(jaune)_ en français soit dans l'original).
Plus haut, un très insolite « _2001_ bouge très doucement à travers l'écran » (il est possible que le générique de (sic pour l'espace am., ici _em_ fautif, du titre _2001 : A Space Odyssey_ ; le 2001 du générique n'est évidemment pas italisé par l'auteur, Kubrick ou son assistant).
Sur une même page, une citation traduite est entre guilles (« dactylographiques ») et en italiques (« vraies » toutefois), l'autre est en italiques mais sans guilles.
Quant à la traduction, je ne me prononce pas, n'ayant pas vu l'original, et prenant en compte le tarif, j'aurais mauvais gré à faire des reproches. Je relève cependant un « la phrase _our philosophy is_ apparaît devant _false_ », où, tant en grammaire ou sémantique ang. ou fr., la suite ou séquence « notre philosophie est » ne peut évidemment être dénommée phrase (mais cette remarque est encore plus hors-sujet que le reste ici).
« Méronniser » consisterait à balayer et scruter tout le texte de cette traduction d'un (graphiquement, et j'imagine typographement) beau livre américain pour relever l'ensemble des erreurs et approximations typographiques (j'ai aussi trouvé des guilles dact. obliques encadrant du romain, en l'occurence deux capitales isolées, ce qui pourrait à la limite être concevable, les capitales étant, tout comme 2001, en romain sur l'écran, reproduit en illustration).
Ce message étant déjà démesurément longuet, je m'abstiens de vous gaver davantage.
Conclusion, chez un éditeur publiant sur la typo, inutile de s'inquiéter des cadratins et des demi-cadratins, c'est tout aussi hors-sujet que ce message l'est copieusement pour cette liste. S'il venait à la connaissance de l'éditeur, soyez sûr que « la chef de projet-correctrice-éditrice » ne sera pas inquiétée ou sanctionnée, seules son aptitude, son arrogance, sa suffisance employées à cadrer, voire mater, les traducteurs, en fonction d'une date de diffusion, lui importe vraisemblement. Elle ne risque donc rien.  Certains membres de cette liste le côtoient, l'honorent peut-être de leur cordialité (bien sûr, l'évocation de certains passages ci-dessus excluent qu'il s'agisse de l'affable Yves Perrousseaux, dont les livres sont d'une toute autre tenue), mais je conçois désormais mieux qu'un typographe français en vue ait claqué la porte derrière lui et mis fin à toute collaboration.
Enfin, si vous releviez des couilles (typo, autres) dans ce message, veuillez les pardonner : je n'ai pu bénéficier des soins hautement qualifiés de cette personne pour me corriger, ou me châtier. Mais, vulgairement énoncé, je préfère en avoir et les garder.