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Message : Re: Traité du mycographe pervers...

(Thierry Bouche) - Lundi 12 Novembre 2001
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Subject:    Re: Traité du mycographe pervers...
Date:    Mon, 12 Nov 2001 11:12:12 +0100 (MET)
From:    Thierry Bouche <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>

Jacques Melot a écrit une réponse de principe qui ne me convainc
guère...


> >Jorge de Buen a ressorti ses exemples d'asymétrie ¿...! qui permettent à
> >l'intonation de changer en cours de phrase, chose impossible en
> >français.
> 
>     Je ne suis pas d'accord du tout avec cette affirmation et je suis
> prêt à parier qu'il en sera de même de Jean-Pierre Lacroux.

Mais moi je suis certain que Littré serait de mon côté... nananèreuh

 
> >Il semblerait néanmoins qu'à l'heure actuelle on ne puisse pas
> >s'amuser à finir par un point d'exclamation une phrase débutée
> >sereinement comme chez nous,
> 
>     Les points d'exclamations sont des détails aidant l'expression,
> non des éléments qui la conditionnent et sans lesquelles elle reste
> impossible. Si les nuances dont tu parles sont humaines l'écrivain
> saura les décrire, avec ou sans point d'exclamation ou autre signe.
> Les subtilités du maniement de la langue, chez la personne qui la
> maîtrise, permettent en principe à celle-ci d'exprimer toutes les
> nuances qu'il s'agit pour elle d'exprimer. Si en français la syntaxe
> du point d'exclamation est ce qu'elle est, c'est qu'elle suffit :

« Toute langue est étrangère. » S'exprimer dans telle ou telle langue,
avec son système de signes et de ponctuation n'est pas neutre,
l'essentiel du sens peut certainement transiter par toutes les langues
naturelles suffisament génériques, et je ne doute pas que le français en
soit, mais les nuances sont irrémédiablement perdues. Un autre exemple,
entre la langue de Molière et celle de Cervantes : estar et ser ne
traduisent pas exactement le verbe être, il y a un truc en plus, qui
n'existe pas chez nous. On peut considérer que c'est purement
conventionnel, dans la mesure où, dans la plupart des cas, l'emploi de
l'une ou l'autre forme du verbe être en espagnol est codifié, mais la
langue espagnole a choisi une fois pour toute ce qui est du côté de
l'essence et ce qui relève de la substance contingente : le français
doit aller chercher du côté des philosophes allemands pour s'y
retrouver...

Quant aux points d'exclamation, je maintiens qu'un traducteur espagnol
de Céline fait face au douloureux problème de décider _quand_ la
tournure exclamative débute, puisqu'il _doit_ l'indiquer dans son
système. La réponse des typographes est que ça ne se pose pas pour les
points de suspension.

Quant à ta position de principe, examinons cette phrase :

¿Quelle est cette tâche rouge sur ton cou, du sang!

qu'on imagine pouvoir rendre fidèlement en français par :

Quelle est cette tâche rouge sur ton cou ? du sang !

Mais prenons cet exemple de Jorge de Buen :

¿Tu as mangé tous les biscuits!

Comment rendre la continuité d'intonation interroexclamative permise par
la ponctuation espagnole ?


Th.
--
« Ella regresó al cabo de nueve días, con las mismas piernas. »
         Eduardo Mendoza, _la Aventura del tocador de señoras_.