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Message : Re: [typo] Qu'est-ce qui pousse les traducteurs ou les éditeurs ?

(Jean-François Roberts) - Mardi 15 Juillet 2003
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Subject:    Re: [typo] Qu'est-ce qui pousse les traducteurs ou les éditeurs ?
Date:    Tue, 15 Jul 2003 17:57:07 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>


> De : "Patrick Andries" <hapax@xxxxxxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxx
> Date : Tue, 15 Jul 2003 10:12:27 -0400
> À : <typographie@xxxxxxxx>, <langue-fr@xxxxxxxxxxxxxxx>, <tlsfrm@xxxxxx>,
> <postmaster@xxxxxxxxxxxxxx>
> Objet : Re: [typo] Qu'est-ce qui pousse les traducteurs ou les éditeurs ?
> 
> 
> ----- Original Message -----
> De: "Jean-François Roberts" <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>
> 
>> Le _Petit Larousse_ évolue, tout simpolement - même si c'est parfois de
>> façon critiquable, voire incohérente.
> 
> Je dirais encore plus simplement : le Larousse quand il est incohérent perd
> sa valeur de référence et se fait le reflet annuel de la mode.
> 
Non : de l'évolution des graphies.

>> Depuis une vingtaine d'années, on
>> constate en particulier un glissement, des graphies traditionnelles (encore
>> que "cultivées") à la française vers des graphies "scientifiques" plus
>> internationales.
> 
> Regrettable « évolution »,  le mot «internationale» tend d'ailluers à cacher
> «anglaise».

Non : "internationale" veut dire "internationale", justement. Ainsi du
pinyin adopté pour le chinois (mandarin), développé par des Allemands, et
qui a supplanté les sytèmes Wade-Giles (anglo-saxon) et EFEO (français).

> 
>> Pour l'arabe et le persan (ou l'hébreu), on en est encore loin.
> 
> On dirait que vous le regretter.
> 

Oui.

>> Ainsi, à
>> l'article "arabe" la planche "alphabet arabe" donne, pour la 13e lettre,
>> l'appellation "chîn", avec la valeur "ch" - ce qui impliquerait d'écrire
>> "Chéhérazade".
> 
> Oui, cela me semble logique. Je ne vois pas l'intérêt d'abandonner (pour
> quoi faire ?) le système de transcription française (ne plus écrire
> Cherchef, Marrakech, etc. ?) pour utiliser encore un nouveau système «
> international ».
> 
> 

Chaque état de la langue reflète un état de la société. Inutile de croire
que le français se maintient dans l'état qui était le sien au temps de la
malle poste, du télégraphe manuel et autre chemin de fer à vapeur. Les
relations internationales et le "village global" font que des mots et
notions exotiques deviennent banals de nos jours : on a donc besoin de plus
de précision dans les graphies. Et certes, l'internationalisation préserve
de certains couacs.

>> Paradoxalement, ce "Sch" me semble bien fleurer l'influence... allemande.
> 
> Fort probable.
> 
>> (En français, les seules occurrences que je connaisse de "sch" proviennent
> du
>> grec classique, et devraient toutes se prononcer /sk/,
> 
> Hmm. Rapide coup d'oeil dans le dictionnaire : schème, schah, schako,
> schapska, schelem, scheik, schéol, schibboleth, schilling, schipperke [mal
> prononcé, mais bon], schismatique, schisme, schiste, schlague, schlamm,
> schleuh, schlich, schlittage, schnaps, schauzer, Schtroumpf [très connu de
> tous les francophones, nettement plus que schizophrénie en tout cas],
> schuss, schwa, schlinguer, etc. Et j'ai laissé tomber les dérivés! En fait
> nettement plus que les /sk/ tous issus de schizo....
> 

"Schismatique", "schisme", "schiste" : même racine que "schizophrénie" ("gr.
_skhizein_, "séparer") ; "schème" : même remarque que pour "schéma" (dont
c'est une variante : gr. _skhêma_, "forme") ; "schah"; "scheik", "schéol",
"schibboleth", "schwa","schleuh" : mots persan, arabe, hébreux et berbère
respectivement, pour lesquels la graphie "sch" n'a aucune raison d'être en
français (influence allemande, une fois de plus ; les graphies françaises
préférées sont "chah", "cheikh", etc.) ; "schako", "schapska" : mots
hongrois (_czako_) et polonais (_czapka_), dont c'est la transcription
allemande (on préférera "chako", "chapska") ; "schelem" : transcription
aberrante de l'anglais _slam_ (on préfère "chelem") ; "Schtroumpf" : mot
plaisant d'aspect pseudogermanique inventé pqr le francophone Peyo (de
l'allemand _Strumpf_, "chaussette", dont c'est une simple transcription ; la
graphie "Sch" vise à faire couleur locale) ; "schlinguer" : mot populaire
français d'ascendance inconnue (graphie préférée : "chlinguer").

Restent donc comme mots effectivement allemands, où la graphie "sch" est
justifiée : schilling, schlague, schlamm, schlich, schlittage, schnaps,
schnauzer, et schuss. La subsistance du "s" initial" prouve simplement que
ces mots n'ont pas été francisés complètement (de fait, à part "schlague",
"schnaps" et "schuss", on ne saurait dire que ces mots viennent
naturellement à la bouche...).

Sensiblement moins que votre liste initiale, on le voit : il ne suffit pas
d'aligner des mots à la va-comme-je-te-pousse pour établir un fait
linguistique, encore moins pour justifier une graphie. Ce qui justifie a
posteriori l'entreprise d'épuration de ces graphies adventices et
parasites...


>> comme dans
>> "schizophrénie" : "schéma" n'ayant acquis sa prononciation actuelle que du
>> fait de l'ignorance des techniciens utilisateurs de ces dessins.).
> 
> Ignorance dans les autres cas aussi, comme dans schismatique ? Je pense
> simplement qu'il s'agit d'une tendance naturelle.
> 

Tout à fait. Mais il faut voir que "sch" ici ne transcrit pas la chuintante
que vous imaginez, du fait de cette évolution naturelle, en effet.

>> Le "chîn" se transcrit et se translitère en effet régulièrement "sch" en
> allemand -
>> mais en aucun cas en français.
> 
> Bin, tout dépend de que ce que "aucun" veut dire comme aurait dit un
> ex-président américain (cf. ci-dessus).
> 
>> Vu l'influence des Allemands sur les études
>> sémitiques (et bibliques) en Europe à la Belle Epoque, ça serait tout à
> fait
>> plausible. Et ça serait très cohérent avec son usage dans les discographies
>> germaniques, bien sûr...
> 
> Oui, donc ? Donc « sh » pour « Shéhérazade » est une invention indigène
> (française) moderne, car on écrit « Scheherazade » en allemand et en anglais
> (voir le titre de l'oeuvre traduite). De plus, je suis quasi convaincu que
> Rimski-Korsakoff dans sa Russie impériale aura écrit « Schéhérazade » en
> français (ou allemand) dans le texte. Donc rien d'historique et d'allochtone
> n'explique le « sh ».
> 
En effet, le "Sh est anglophone" ; le "Sch" est germanophone : deux graphies
non autochtones, donc - ce qui, pour un mot allogène, ne laisse pas de faire
sourire.

> Enfin, car j'aimerais conclure ce long échange où je sens me répéter, je
> suis contre « Shéhérazade » car « sh » est une introduction récente qui n'a
> pas d'utilité en français et quitte à réécrire « Schéhérazade » -- ce que je
> veux bien concevoir --  il aurait fallu aller dans le sens de la
> simplification et l'harmonisation par l'utilisation du « ch » français et
> écrire Chéhérazade (voir scheik -> cheik, schelem -> chelem, etc.), utiliser
> « sh » c'est introduire une exception de plus à moins de systématiser le sh
> pour tous les noms étrangers et ainsi mieux les ostraciser...
> 

Pourquoi, alors, exciper de "schelem" ou "scheik" comme vous le faites plus
haut ? pour justifier votre goût apparemment irraisonné pour "Schéhérazade"
(en tant que graphie "traditionnellement" "française"-sic) ?

> P.A.
> 
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