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Message : Re: [typo] Qu'est-ce qui pousse les traducteurs ou les éditeurs ?

(Jean-François Roberts) - Mardi 15 Juillet 2003
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Subject:    Re: [typo] Qu'est-ce qui pousse les traducteurs ou les éditeurs ?
Date:    Tue, 15 Jul 2003 06:44:55 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>


> De : "Patrick Andries" <hapax@xxxxxxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxx
> Date : Mon, 14 Jul 2003 16:01:31 -0400
> À : <typographie@xxxxxxxx>
> Objet : Re: [typo] Qu'est-ce qui pousse les traducteurs ou les éditeurs ?
> 
> 
> ----- Original Message -----
> De: "Jean-François Roberts" <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>
> 
> 
> Disons simplement : une lecture rapide du _Petit Larousse_ actuel amène à la
> conclusion (vraie ? fausse ? qui le décidera, si ledit _Petit Larousse_ est
> censé être l'autorité permettant de trancher, justement !) que, en français
> de France, les deux graphies "Schéhérazade" et "Shéhérazade" ont cours.
> Comme l'entrée "Shéhérazade" (sans "c") semble l'indiquer, on préférera
> (rapidement, une fois de plus, mais de façon apparemment justifiée) cette
> dernière graphie.
> 
> [PA] Ah, bon. Moi qui pensait que c'était la première graphie mentionnée qui
> primait, or c'est l'entrée avec Sch qu'on trouve en premier lieu
> (Schéhérazade ou Shéhérazade en 1990, et Schéhérazade ou Shéhérazade en
> 1996, Schéhérazade en 1923 uniquement).
> 
> [PA] Mais ceci n'explique pas pourquoi le Larousse s'est ainsi  «
> modernisé ».
> 

Le _Petit Larousse_ évolue, tout simpolement - même si c'est parfois de
façon critiquable, voire incohérente. Depuis une vingtaine d'années, on
constate en particulier un glissement, des graphies traditionnelles (encore
que "cultivées") à la française vers des graphies "scientifiques" plus
internationales. Ainsi, le passage de "Rimsky-Korsakoff" à "Rimski-Korsakov"
(mais non "Rimskij-Korsakov" qui serait la translitération "scientifique").

Pour l'arabe et le persan (ou l'hébreu), on en est encore loin. Ainsi, à
l'article "arabe" la planche "alphabet arabe" donne, pour la 13e lettre,
l'appellation "chîn", avec la valeur "ch" - ce qui impliquerait d'écrire
"Chéhérazade".

Sans entrer dans les querelles de translitération/transcription (lettre à
lettre ou son à son), rappelons que l'alphabet arabe (l'écriture arabe) a
servi à écrire toutes les langues du monde islamique - en particulier au
Proche- et Moyen-Orient, mais encore dans toute l'Asie centrale, méridionale
et du Sud-Est : soit l'arabe, le persan, le turc ottoman, l'urdu (qui est au
hindi ce que le croate est au serbe...) mais encore... le malais en
Indonésie (et j'en passe, et beaucoup). Il est clair qu'une translitération
simplifie un peu les choses - une même lettre arabe ayant une valeur
phonologique assez différente d'une de ces langues à l'autre (sans préjudice
des lettres supplémentaires et "non standards" introduites au coup par coup
pour transcrire des phonèmes inexistants en arabe, tels le /p/, le /g/, le
/v/...).

Pour une première approche, voir l'excellent site (anglophone) de Brian
Whittaker, rédacteur responsable de la rubrique "Moyen-Orient" au quotidien
britannique _The Guardian_ :

http://www.al-bab.com/

En particulier la section "Arabic words and the Roman alphabet", qui indique
les chausse-trapes qui guettent le transcripteur peu vigilant (du fait
notamment de traditions nationales différentes en Europe même), ainsi que
les principaux systèmes en vigueur :

http://www.al-bab.com/arab/language/roman1.htm

On y trouve en particulier un lien vers une page recensant 32 (trente-deux)
façon différentes d'orthographier le nom de Mu'ammar al-Kadhafi (pour lui
donner sa graphie du _Petit Larousse_ 1996) :

http://www.geocities.com/Athens/8744/spelling.htm

> 
> Ultime question : n'est-il pas paradoxal, pour le défenseur acharné de la
> langue française que vous êtes (c'est un compliment !) d'en appeler aux
> usages discographiques anglophone et germanophone, pour trancher du bon
> usage français ?
> 
> [PA] Un compliment donc :  défenseur « constant » ou « persévérant », merci.
> La réponse est aussi simple que celle du Larousse : j'essayais de
> m'expliquer le changement de Schéhérazade (seule orthographe en 1923 et sans
> doute jusqu'à 1960) en la forme hydride (sh anglais, mais accents français)
> Shéhérazade pour Rimsky-Korsakoff par une influence étrangère (ce qui
> devrait faire plaisir à d'aucuns), or il n'est est rien : la discographie
> anglaise et allemande utilisent la forme en « Sch ». Il semble donc que ce
> « Sh » soit aussi indigène que pédant.
> 

Paradoxalement, ce "Sch" me semble bien fleurer l'influence... allemande.
(En français, les seules occurrences que je connaisse de "sch proviennent du
grec classique, et devraient toutes se prononcer /sk/, comme dans
"schizophrénie" : "schéma" n'ayant acquis sa prononciation actuelle que du
fait de l'ignorance des techniciens utilisateurs de ces dessins.) Le "chîn"
se transcrit et se translitère en effet régulièrement "sch" en allemand -
mais en aucun cas en français. Vu l'influence des Allemands sur les études
sémitiques (et bibliques) en Europe à la Belle Epoque, ça serait tout à fait
plausible. Et ça serait très cohérent avec son usage dans les discographies
germaniques, bien sûr...

> Salutations acharnées,
> 
> 
> P. A.
> 
> 
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