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Message : Re: [typo] contribution et codage

(Jean-François Roberts) - Mercredi 12 Mai 2004
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Subject:    Re: [typo] contribution et codage
Date:    Wed, 12 May 2004 15:53:35 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Deux choses : pour la casse de Wang Zhen, il est clair que l'illustration
indiquée est un peu fantaisiste. On ne voit guère, en effet, comment faire
tenir 30 000 casseaux sur une surface plane qui, à sept pieds de diamètre
(plus de deux mètres) serait en tout état de cause pratiquement inaccessible
en son centre. D'autant que des casseaux verticaux, où les caractères
s'amoncelleraient les uns sur les autres, seraient fort peu ergonomiques.

D'où ma suggestion de *tambours* rotatifs : entendons, une casse verticale,
mais de base non point rectiligne, mais circulaire. Pour un diamètre de 7
pieds, ça fait un linéaire de 21 pieds (peu ou prou) soit 7 bons mètres. Je
ne sait pas d'où vous tenez vos "3 centimètres carrés" : si vous regardez un
livre ou un journal chinois, les caractères font sérieusement moins que ça !
Disons moins d'un demi-centimètre, en tout cas. Admettons cependant que les
*casseaux* fassent 3 centimètres de large (cloison incluse), et de haut. Un
calcul rapide indique qu'on obtiendra ainsi quelque 210 casseaux côte à
côte, soit 420 pour deux tables - mettons 400 pour simplifier le calcul. Il
est clair qu'il faudra 75 casseaux en hauteur : soit 2,50 mètres, ce qui est
manifestement, sinon impossible, du moins difficilement gérable.

Avec des casseaux de 2 centimètres de côté, en revanche, on a quelque 600
casseaux côte à côte, et 50 casseaux en hauteur - soit 1 mètre... ce qui est
*parfaitement* gérable. Si on règle correctement la hauteur, l'ouvrier peut
même rester assis pour le plus clair de son temps !

Enfin, c'est une hypothèse :)

Ensuite, pour le dictionnaire : le système que vous décrivez est celui des
dictionnaires par clés (ou radicaux), inaugurés par le _Shuô wén jié zi_, et
dont le plus connu est le _Kâng Xî zì dian_ - qui sert en effet toujours à
classer les caractères (Unicode, en particulier). Ce sont les dictionnaires
les plus connus (et utilisés) hors de Chine, et leur ordre inspire les
dictionnaires bilingues (Ricci, par exemple).

Mais Wang Zhen se servait expressément d'un autre type de dictionnaire
chinois - dont le choix est manifestement inspiré par les conditions de
production en atelier : à savoir, le dictionnaire des rimes, où les
caractères sont classés, non point selon des critères formels graphiques,
mais bien selon les assonances des *mots* qu'il représentent. C'est là un
classement *phonétique*, qui chagrinera le graphiste, mais qui permettra à
l'ouvrier de s'y retrouver très vite - ce qui est bien l'objet de
l'imprimeur.

D'autres critères de classement ont été utilisés en Chine : classement
*sémantique* (difficile à maîtriser). On en aurait un exemple en Occident
(pays anglophones) avec le _Thesaurus_ de Roget. C'est là le classement
adopté pour les premiers dictionnaires.

Pour les critères graphiques, on a pu classer les caractères directement
d'après le nombre de traits, plutôt que de faire une partition initiale
selon la clé fondamentale.

Puis vient le système dit "des 4 coins" (sijiao haoma) : on considère la
forme de chaque coin du carré que remplit le caractère, et on en caractérise
la forme, par référence à une liste standard, d'indice allant de 0 à 9. On
obtient ainsi une caractéristique qui est un nombre de 4 chiffres. Plusieurs
caractères différents répondront au même nombre (se distinguant par le
nombre de traits), mais il y aura bien moins d'homotopes que pour les
homophones que génère le dictionnaires des rimes - donc tri moins
fastidieux.

Enfin, le système de Harvard, par cadres (guixie), qui caractérise la
topologie du caractère : compact, emboîté, superposé, diagonal, côte à côte
; on affine ensuite avec un système analogue à celui des 4 coins...

Voir la référence déjà donnée :

http://66.102.11.104/search?q=cache:dn4FFojxPpIJ:www.camsociety.org/learnchi
nese/Chinese%2520Lessons/ChineseScript%2520%2520ComputerFile.doc+%22Peiwen+y
unfu%22&hl=en&ie=UTF-8


> De : "Pierre Schweitzer" <pierre.schweitzer@xxxxxxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Date : Wed, 12 May 2004 09:43:19 +0200
> À : <typographie@xxxxxxxxxxxxxxx>
> Objet : Re: [typo] contribution et codage
> 
> Re: [typo] contribution et codage
> Merci pour toutes ces références
> 
> J'avais bien vu l'article de F. Marcouin et c'est justement la description
> qu'il donne de ces casses tournantes pouvant contenir 30.000 caractères qui
> m'avait intrigué car il n'y a aucune illustration et la source de cette info
> n'est pas précisée.
> 
> Encore une fois, il n'y a absolument aucun doute là dessus : les usagers du
> Chinois, à l'écrit ou à l'oral, sont capables de classer* leurs mots et
> leurs signes. C'est une autre affaire d'organiser matériellement le
> rangement et l'accessibilité de 30.000 à 100.000 caratères différents, en
> plusieurs exemplaires souvent, mesurant chacun trois bons centimètres carrés
> de section...
> 
> Sur cette illustration en effet, les tables doivent avoir environ cinq pieds
> de diamètre et non sept mais est-ce que cela change la nature du problème ?
> Je ne vois guère plus de quelques centaines de pièces sur un dispostif comme
> celui-là !
> http://www.cgan.com/english/english/cpg/images/pgcp86.jpg
> 
> Pierre Schweitzer
> 
> * : Il y a même des critères purement numériques et graphiques dans ce
> classement que je trouve très intéressants : le nombre de clés, le nombre de
> traits par signe...
> 
> 
> _ _ _
> 
> De : Jean-François Roberts jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx
> 
> Pour les "tables tournantes" de Wang Zhen, voir l'étude de F. Macouin ("La
> typographie en Extrême-orient jusqu'au XVe siècle") dans _Les Trois
> Révolutions du livre_, p. 67, colonne de droite, l. 6-14. J'ai déjà cité ce
> paragraphe in extenso, dans un message précédent. Je n'ai pas eu accès à
> d'autres référence. Sans doute faudrait-il se reporter aux études de T. F.
> Carter et de Tsien Tsuen-Hsiun, déjà citées. (On évitera de confondre notre
> typographe - agronome de profession, en fait - avec de nombreux homonymes,
> en particulier le commentateur de Lao Zi, pendant l'ère Tang [IXe siècle] ;
> ou le grand eunuque de l'ère Ming [XVe siècle], ou le général de la Longue
> Marche et ancien vice-président de Chine populaire ; ou l'artiste de la
> Belle Epoque...)
> 
> Pour une illustration (et de nombreux spécimens des premiers siècles de la
> typographie chinoise), voir le site du Chinese Graphic Arts Net (attention !
> page d'accueil en chinois ;) :
> 
> http://www.cgan.com/english/english/cpg/engcp20.htm
> 
> (L'illustration de la casse de Wang Zhen n'est sûrement pas d'époque... et
> les tables tournantes figurant sur la gravure n'ont guère "sept pieds de
> diamètre".)
> 
>