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Message : Re: [typo] Schwabacher (était cochin etclarendon)

(Jean-François Roberts) - Lundi 12 Juillet 2004
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Subject:    Re: [typo] Schwabacher (était cochin etclarendon)
Date:    Mon, 12 Jul 2004 00:12:25 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Oui : tous ces cas de figure ont existé. Cela dit, on notera le cas
particulier de la typo cyrillique : elle est due, semble-t-il, aux efforts
d'artisans importés à grands frais des Pays-Bas par Pierre le Grand.

Sur place, ils durent se débrouiller avec l'écriture locale - qui en était
encore largement au stade de l'optina ! Qu'ils interprétèrent en fonction de
leurs propres perceptions, informées par la typo "latine". D'où, par
exemple, le caractère si bizarre du "R" "retourné" (son /ja/) qui est en
fait issu d'un caractère optina nettement plus symétrique.

A part ça, pour en revenir à la typo Fraktur (sérieusement... si ! si ! et
même Sissi ;) :

On a vu le rôle de Hitler dans l'élimination de cette typo. Mais enfin, les
Allemands sont des gens *sérieux* (et même seriös...). On ne pouvait donc se
contenter d'une simple circulaire signée par un sous-fifre, qui plus est à
en-tête du parti nazi. Surtout après-guerre.

D'où l'acte qui a définitivement scellé le sort du Fraktur : le 4 novembre
1953, la conférence permanente des ministres de l'Instruction publique et
des cultes des Etats (Ständige Konferenz der Kultusminister der Länder) de
RFA décida que, dorénavant, le Fraktur serait interdit dans les écoles,
seule l'écriture "latine" (et la typo idem) étant admise. Rompez !

http://www.webarchiv-server.de/pin/archiv03/4403ob35.htm

Cet article (en allemand) rappelle le rôle de Bismarck, comme partisan actif
du fraktur (ah ! le Kulturkampf...), et l'anecdote croustillante, en 1911,
au Reichstag, d'un député socialiste s'indignant que seule une douzaine de
ses collègues avaient signé le registre en écriture Fraktur. Et de se
récrier : "Quoi ? Il n'y a donc que douze Allemands patriotes dans la
chambre ?"


> De : "Jef Tombeur" <jtombeur@xxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Date : Sun, 11 Jul 2004 20:30:21 +0200
> À : <typographie@xxxxxxxxxxxxxxx>
> Objet : Re: [typo] Schwabacher (était cochin etclarendon)
> 
> From: "Jean-François Roberts" <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>
> To: <typographie@xxxxxxxxxxxxxxx>
> 
>> Petit complément pour le tchèque (et le slovaque)
> 
> Merci de ces très intéressantes pistes d'approfondissement.
> Cela ne permet pas trop (ou pas assez) cependant de pouvoir faire la part
> des choses.
> On doit avoir de multiples cas de figure...
> - le prototypo qui vient avec ses matrices ;
> - le Hus (ou autre) qui trouve à faire graver dans l'urgence des signes en
> plus mais a d'autres chats à fouetter que de créer une écriture nationale
> (ou confessionnelle). Là, attention, j'écris vite, rien vérifié, pures
> hypothèses ;
> - le prototypo qui vient avec ses matrices, voit que les manuscripts du
> coin en diffèrent du tout au tout, et se trouve un graveur qui saura
> imiter la calligraphie locale ;
> - le colonisateur qui, ou le nouvel indépendant que, etc.
> 
> Au fait, j'ai posé la question à au moins un Malagache.
> L'écriture du malgache se passe de signes malgaches.
> Vrai ou faux ? La réponse autochtone est que le seul alphabet latin est
> utilisé.
> Raisons ?
> Tous les sons malgaches couverts par ceux des langues romanes ?
> Raisons pas trop économiques mais autres : proximité de Maurice et de La
> Réunion plaidant pour une harmonisation des signes afin d'étendre une
> sphère d'influence, « indolence » de la population (bien connu, le préjugé
> de l'homme blanc chargé du fardeau, non, là, c'est pas provoc', juste une
> allusion à la théorie des climats, à l'influence de Montesquieu sur
> l'intelligentsia malgache, à n'importe quoi) ou manque de volonté
> politique ou départ précipité des coopérants linguistes ou approche
> marxiste privilégiant l'électrification et l'industrie lourde (non, là
> pour l'industrie lourde, je débloque encore) ou volontés divines relayées
> par les missionnaires protestants, ?
> Pénurie de fonderies locales, de devises pour aller faire fondre ailleurs
> des car. sup. à coût supérieur à ceux des existants ?
> 
> On pourrait éventuellement aussi faire le tri des écritures pour lequelles
> la production de signes sup. sur la base de l'alphabet latin semblait
> s'imposer (sons vietnamiens, peut-être l'exemple par excellence) ou
> superflue sur des bases linguistiques.
> 
> Les vingt-cinq dernières années ont vu l'abaissement progressif du coût de
> revient des caractères (numériques à présent). Cela a pu être un facteur
> de création de car. et glyphes. Mais c'est sans doute la volonté
> politique, la vogue de telle ou telle méthode d'alphabétisation (d'abord
> en langue vernaculaire, en langue locale, en langue internationale), et de
> multiples autres facteurs, qui ont le plus influé. Mandel a bien raison de
> remettre l'économie et la technique à leurs places.
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