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Message : Re: [typo] Un blog spécialisé dans l'image qui se penche sur la typo...

(Jean-François Roberts) - Samedi 15 Avril 2006
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Subject:    Re: [typo] Un blog spécialisé dans l'image qui se penche sur la typo...
Date:    Sat, 15 Apr 2006 03:17:26 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Merci de vos remarques : je ne fais en général que réagir du tac au tac...
relisez les personnes auxquelles je répond sur le ton un peu vif que vous
regrettez de me voir utiliser parfois.

De voir quelqu'un mettre sur le même pied l'usage français - en
l'occurrence, un usage qu'il réprouve, s'agissant de l'utilisation de termes
d'origine étrangère en français - et ce qu'il nomme "usage" de la guerre est
en effet révoltant.

D'abord, parce que ça ne permet de comprendre ni ce qu'est la langue - ce
qui est regrettable de la part de quelqu'un qui se flatte d'avoir des
lettres (fussent-elles restreintes, semble-t-il, à un seul titre, assez
obscur au demeurant) -, ni - ce qui est nettement plus grave - de comprendre
ce qu'est la guerre. En l'occurrence, le plus "moderniste" de nous deux
n'est pas celui qu'on croit. Inévitablement, c'est bien le mot "violence"
qui transparaît illico, dès que mon interlocuteur se sent piqué (et
"injure", et "délire", et j'en passe...).

La guerre n'est pas une "habitude" dans laquelle on tombe comme dans une
ornière coutumière, ou qu'on renouvelle au gré d'une mode. Ce n'est pas non
plus, ainsi que les médias le disent paresseusement, une "violence" - sur le
même plan, donc, que les violences conjugales ou que les bizutages, en "plus
fort" simplement... Non : ainsi que le remarquait fort justement Rousseau,
la guerre n'oppose pas des hommes, mais des Etats. Elle n'est donc ni
violente, ni un "usage" : c'est une forme d'action politique, meurtrière par
définition, mais non "violente" (le concept est parfois ardu, mais il est
bien là).

De même, ma vivacité n'a rien d'une animosité personnelle : elle ressortit
simplement au genre de la polémique, qui n'a pas a être "à fleurets
mouchetés", lorsque des concepts majeurs (qui engagent la vie sociale) sont
en jeu, et mis à mal. Y voir une quelconque "violence" est donc parfaitement
saugrenu (mais sert le confusionnisme ambiant, le consensus mou qui fait que
toute discussion, en France, tourne court, et vite). ("Polémique" : du grec
"polemos", signifiant "guerre".)

Vouloir tout mettre sur le même plan est grave. C'est également
symptomatique d'un autre travers de nos soi-disant "défenseurs de la langue
française" : en effet, mettre la guerre et l'usage linguistique dans le même
sac, c'est bien (implicitement) donner à croire que la langue est affaire
d'Etat, justement. C'est une longue tradition, qui a fleuri grâce au
jacobinisme, qui, sous une forme molle et bâtarde, reste l'idéologioe par
défaut de bien des Français (ou, plutôt, des "Franchouillards") -
l'"Idéologie française", aurait sans doute persiflé Marx - qui n'ont sans
doute jamais regardé les textes régissant la langue française en France...
ni vraiment réfléchi à ce qu'est une langue, qui est une affaire collective,
certes, mais essentiellement interpersonnelle. (Accessoirement, ils seraient
bien incapables de faire l'archéologie de cette idéologie, d'origine
typiquement germanique, justement. Mais ceci est une autre histoire...)

Pour en finir sur (et/ou en finir avec) cette fausse piste persistante du
français "affaire d'Etat", et de l'interdit qu'il conviendrait d'édicter
contre les termes d'origine étrangère, anglicismes en particulier, je me
bornerai à citer des paroles qui, pour dater d'une bonne dizaine d'années,
restent parfaitement actuelles :

    Considérant que s¹il incombe au législateur [...] d¹édicter des règles
    concernant l¹exercice du droit de libre communication et de la liberté
    de parler, d¹écrire et d¹imprimer, il ne saurait le faire, s¹agissant
    d¹une liberté fondamentale, [...] qu¹en vue d¹en rendre l¹exercice plus
    effectif ou de le concilier avec d¹autres règles ou principes de valeur
    constitutionnelle ;

    Considérant qu¹au nombre de ces règles figure celle posée par l¹article
    2 de la Constitution, qui dispose : « La langue de la République est le
    français » ; qu¹il incombe ainsi au législateur d¹opérer la conciliation
    nécessaire entre ces dispositions d¹ordre constitutionnel et la liberté
    de communication et d¹expression proclamée par l¹article 11 de la
    Déclaration des droits de l¹homme et du citoyen ; que cette liberté
    implique le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les
    mieux appropriés à l¹expression de sa pensée ; que la langue française
    évolue, comme toute langue vivante, en intégrant dans le vocabulaire
    usuel des termes de diverses sources, qu¹il s¹agisse d¹expressions
    issues de langues régionales, de vocables dits populaires ou de mots
    étrangers [...].

Ces modernistes parlent bien entendu au nom d'une organisation apatride et
globalisante, inféodée (bien entendu) au capital anglo-saxon (of course !) :
j'ai nommé le Conseil constitutionnel de la République française (décision
n° 94-345 DC du 29 juillet 1994, à propos de la "loi Toubon", invalidant les
dispositions qui auraient permis de réglementer toute forme de communication
publique, autres que celles des pouvoirs publics eux-mêmes).

Quant à la stipulation "La langue de la République est le
français", on prendra garde au fait qu'elle vise la langue "de la
République" - et non "de la France" (distinction essentielle, s'agissant du
droit fondamental...). Et qu'elle ne date que de... 1992 ! Eh oui ! Avant
cette date, rien ne précisait ce point dans les textes législatifs... Cette
mention ne précise d'ailleurs toujours pas (et pour cause) ce qu'il faut
entendre par "français"... A bon entendeur...

P.S. : mon brave interlocuteur, bien entendu, après s'être drapé dans on
amour-propre (il n'est pas nationaliste ? allons donc...), et esquivé la
critique que je faisais de sa conclusion apocalyptique ("La dérive du sens
est _toujours_ signe précurseur d'autres dérives. En général mortelles."),
se borne à persifler à propos du _Petit Larousse_ :

    "le Petit Larousse est infaillible, dogme n°1."

Eh non ! Pas "infaillible", mais, s'agissant de l'usage français standard,
c'est bien le _Petit Larousse_ qui fait foi, dans nos professions. Ce qu'il
semble ignorer, donc. Ce qui augure mal de ses compétences professionneles.
Et qui ne lui permet, bien entendu (et pour cause), toujours pas d'exciper
de ces fameux "équivalents francophones" (sic) qu'il évoquait avec tant
d'aplomb, dans sa missive initiale. Or, faute d'équivalents, quid pour
désigner un métier parfaitement répertorié ? Et qui n'est pas une nouveauté,
tant s'en faut (terme attesté depuis... 1980!).

P.P.S. : Ne pas oublier le "s" final à mon nom de famille. C'est idiot, mais
j'y tiens un peu.


> De : Jean Charlet free <Jean.Charlet@xxxxxxxxxxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Date : Fri, 14 Apr 2006 22:34:05 +0200
> À : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Objet : Re: [typo] Un blog spécialisé dans l'image   qui se penche sur la
> typo...
> 
> Mr Jean-François Robert,
> 
> Je ne suis qu'un informaticien qui suit et lit de nombreuses listes de
> diffusion dont la liste « typographie » et ce depuis des années. Je ne
> suis qu'un amateur de typographie et n'interviens donc habituellement
> pas sur la liste. Pourtant, là je me permets d'intervenir et en faisant
> ce qu'on appelle un HS puisque c'est une demande personnelle que je
> vous fais et qu'elle ne concerne pas directement le sujet de la liste.
> 
> Cette liste n'est pas la moins intéressante, loin s'en faut. Elle a un
> gros défaut, vos interventions ! Ou, je devrais plutôt dire, le ton de
> vos interventions. Quand je vois que vous êtes l'auteur d'un message,
> je me dis « Ah, je vais lire quelque chose de probablement intéressant,
> un avis souvent opposé aux autres mais, souvent aussi, argumenté et ça
> va être enrichissant et peut-être même stimulant ».
> 
> Mais je me dis aussi que l'avis va être ponctué d'une agressivité et
> d'une impolitesse qui sont manifestement devenus des marques de
> fabrique. Et, hélas, vous ne me détrompez pas souvent.
> 
> Ma requête est simple : ne pourriez-vous pas essayer de dire les mêmes
> choses intéressantes et stimulantes sans agresser les personnes
> auxquelles vous vous adressez ? En dehors du fait que ce serait
> beaucoup plus poli et plus agréable, vos avis n'en auraient que plus de
> force, je vous assure.
> 
> Bien cordialement,
> 
> Jean Charlet.
> 
> ,,,,
> (o-o)
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> Jean Charlet        tel (1) : +33/0 1 43 95 98 17
> STIM - DSI/AP-HP      tel (2) : +33/0 1 53 10 92 10
> Hôpital Broussais       email : Jean.Charlet@xxxxxxxxxxxxxxx
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> France
> Mission de recherche en
> sciences et technologies de l'information en médecine :
> DSI, Assistance publique - Hôpitaux de Paris
> INSERM U729, UFR Broussais-Hôtel-Dieu, Univ. Paris 6
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