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Message : Re: [typo] Rencontre du 4e type (Thomas Savary) - Mercredi 21 Décembre 2016 |
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Subject: | Re: [typo] Rencontre du 4e type |
Date: | Wed, 21 Dec 2016 21:28:54 +0100 |
From: | Thomas Savary <thomas.savary@xxxxxxxxxxxxxxxx> |
Bonsoir,
Merci de votre réponse et de vos développements, Yoann.
En particulier, j’ai eu plaisir à lire vos références à Savinien Cyrano, que j’adore, et à certains films de science-fiction. Une anecdote pour abonder dans votre sens: mon frère m’a raconté comment à Madagascar, lors d’une projection du «Retour du Jedi», il a été supris par les rires des spectateurs entendant certaines paroles des Ewoks: du malgache! Mon frère ne parlait pas encore cette langue, à l’époque.
Pour revenir au sujet de l’article, l’introduction d’un nouveau pronom, il s’agit tout de même d’une modification considérable, allant bien au-delà de la création de barbarismes sournoisement misogynes comme l’inaudible *auteure (quand «autrice» existe depuis des siècles, tout sottement critiqué qu’il ait pu être). Je ne cache pas que je vois d’un mauvais œil ce genre de tentative de la part de minorités organisées en groupes de pression — alors que je suis moi-même censé appartenir à une telle minorité, mais c’est toute la sexologie héritée de Krafft-Ebing que je récuse, et la manie de vouloir faire entrer l’être humain dans des cases étriquées; d’autre part, j’abhorre le communautarisme et le lobbying.
Surtout, les «LGBT», dans lesquels je refuse de me reconnaître, font à mon avis fausse route en cherchant à modifier la langue. Le détournement du mot «gay», par exemple, n’a rien apporté aux homosexuels. «Gay» est désormais une insulte comme une autre, au même titre que notre «pédé» ou «fiotte»: «It is so gay», «Your brother’s gay»… Si les homosexuels n’ont rien gagné, l’anglophone de la rue a perdu quant à lui un synonyme de «merry».
L’«homophobie» se nourrit même, j’en ai l’impression, de ce genre de tentative naïve. Introduire de nouveaux mots, de nouveaux concepts, pourquoi pas? Détourner des mots existants ou vouloir apporter une modification aussi substantielle à la langue anglaise me paraît un jeu bien dangereux. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un moyen judicieux de se faire accepter.
Quant à l’évolution des langues, je la vois comme un jeu dynamique d’oppositions. Sur certains points, je m’inscris dans la réaction, par goût et par déformation professionnelle; sur d’autres, dans la révolution — s’agissant de l’orthographe, en l’occurrence. À quand un retour aux fondements de l’écriture alphabétique? :-)
Bonne soirée!
Thomas Savary Le Grand Plessis F-85340 L’Île-d’Olonne Tél. 06 22 82 61 34 www.compo85.fr www.correctionpro.fr Le mercredi 21 décembre 2016, 11 h 53 min 40 s Yoann LE BARS a écrit : > Bonjour. > > Le 21/12/2016 à 06:19, Thomas Savary a écrit : > > Si pour ma part je ne trouve pas le texte en question très fin, il > > traite tout de même d’un sujet intéressant: la volonté de groupes > > minoritaires de modifier la langue commune. > > C’est-à-dire que ce n’est pas un mécanisme nouveau : les langues > évoluent en permanence sous l’action de leurs locuteurs. Autrement dit, > une langue qui ne change plus est une langue morte. Ces évolutions > passent par l’adoption massive d’usages. En d’autres termes, si le > groupe est si minoritaire, il ne modifiera pas la langue. À l’inverse, > s’il y a adoption massive d’un usage, c’est qu’il révèle quelque chose > de la sociologie des locuteurs de la langue. Par exemple, même si on > peut en trouver des origines chez les marxistes français, le terme > « politiquement correct » a clairement été introduit par la droite > américaine pour disqualifier la gauche, justement sur des sujets tels > que celui abordé dans le texte dont il est question dans ce fil de > discussion. Si le terme est désormais courant, c’est bien parce qu’une > majorité de locuteurs, pas seulement aux États-Unis, a trouvé un intérêt > à user de cette _expression_. > > L’anglais ne disposant pas d’organisme normalisateur, il a tendance à > évoluer plus vite que le français. En France, l’idée d’évolution d’une > langue est le sujet de réactions très passionnelles : c’est bien simple, > lorsque l’on parle d’évolution de la langue, on en revient > systématiquement à l’idée de bêtise, d’ignorance et de manipulation. Ce > qui est intéressant, c’est que personne ne parle le français standard, > pas même les académiciens – si, en faisant attention, on s’en rend > compte. Pas même à l’écrit. > > Bien entendu, il n’est pas pertinent d’adopter une nouveauté au seul > motif qu’il s’agit d’une nouveauté. Le roman 1984 a fait écho de > l’inquiétude quant à la manipulation de la langue. Cependant, ce n’est > pas si évident de manipuler une langue. On en a un bel exemple avec le > grec moderne. La langue utilisée par la population grecque était (est > toujours d’ailleurs) le démotique. Cependant, avec l’indépendance de la > Grèce, il a été décidé de prendre comme langue officielle la > katharévousa, une langue construite au XVIIIe siècle avec l’objectif de > débarrasser le grec des emprunts à des langues étrangères, > principalement le turc et l’italien – au demeurant, de tels emprunts > forment un mécanisme présent dans toutes les langues vivantes. Il y > avait alors un vrai décalage entre la langue officielle, utilisée dans > l’administration et la langue parlée par les Grecs, à tel point qu’il > fallait faire usage de traducteurs et qu’on a vu l’apparition d’une > langue mixte, un mélange de démotique et de katharévousa. Cette > situation a perduré jusqu’en 1976, avec l’abandon de la katharévousa au > profit du démotique comme langue officielle. On a donc l’exemple d’une > tentative, qui aura duré plus d’un siècle et demi, d’imposer une langue > au détriment de l’usage et qui a clairement été un échec. > > Qu’on le veuille ou non, l’idée d’introduire un pronom sans genre > relève d’un fait de société : la question du genre. Du fait de > l’évolution de la société sur ces questions, il est normal que la langue > évolue également. > > À bientôt.
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