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Message : Petites capitales

(Jacques André) - Vendredi 14 Mars 1997
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Subject:    Petites capitales
Date:    Fri, 14 Mar 1997 09:00:12 +0100
From:    Jacques André <jacques.andre@xxxxxxxx>

De retour sur la liste, je vois qq échanges à propos des petites capitales.
À qoi servent-elles ?

Les petites capitales sont des capitales (ce n'est pas une lapalissade !).
Je ne sais pas qui en a gravé pour la première fois, mais on en trouve
déjà chez Garamond (1592). J'ai l'impression (qui peut confirmer ou infirmer ?) 
qu'on en trouve plus chez les latins (Italiens comme Bodoni mais 
aussi Navarese, Français, etc.) que les anglo-saxons (je n'ai pas 
accès à mon Tracy) et surtout que chez les Allemands.

Or la fonction des capitales est  triple (voir Gérard Blanchard
et sa thèse sur la sémiologie de la typographie - curieusement il cite bien
sûr les petites cap mais ne leur consacre rien de spécial) : 
 - celle de titre (cf. la capitale romaine),
 - celle de distinction (noms propres)
 - celle de majuscule en début de phrase.

Mais la capitale a deux défauts :
1) elle n'est pas lisible, c'est son moindre défaut.
 Je veux dire qu'il est difficile de lire 
un texte entièrement composé en capitales parceque l'on est habitué à
lire des minuscules. Non pas à cause du dessin des lettres
mais parce que ces capitales sont coincées entre deux lignes de même hauteur.
Si c'était sûrement lisible sur la colonne Trajanne, notre oeil a  pris
l'habitude de lire globalement les mots et d'être très sensible aux variations
de hauteur jambages, hampes) ; mais cette globalisation est
vraie même en capitales : il suffit pour s'en rendre compte
de voir que plus les fautes sont enormes dans les titres de journaux, moins
on les voit. Libé avait titré il y a qq années "MAFIA : L'TALIE A PEUR"
il faut au moins qq minutes lorsque l'on présente cette une dans une conf
avant que qqun voit la faute.

Tour ça pour dire que tant qu'il s'agit de caractères à voir, les capitales
ça va ; mais dès que l'on veut les "lire", on ne sait plus bien aujourd'hui.

2) L'autre defaut des capitales, c'est d'etre grandes, d'attirer l'oeil plus
que l'italique.

D'où la fonction des petites capitales :
   - être des capitales,
   - plus petites que les capitales donc attirant moins l'oeil,
   - de permettre une rupture dans la hauteur des capitales et par là de donner
     un certain rythme à la ligne.

À noter qu'on ne trouve jamais de petites capitales qui ne soient précédées
d'une capitale. Dire << en petites cap >> veut toujours dire << précédées
d'une capitale >> (sauf pour les chiffres romains).

Quelles sont alors les usages des petites capitales ? Les trois principaux codes
typographiques donnent à quelques détails près les mêmes usages : voir 
-le Lexique des Règles Typographique de l'Imprimerie nationale (à qqun qui
disait sur cette liste que ce Lexique ne recommande les petites cap que pour
les biblio, je luis suggère de re-regarder ce lexique en page 189, à
"capitales (emploi des petites)"...), 
- le Code typographique, art. Petites capitales (art. 51 de mon édition - 
ce Code rappelle le mot "mediuscule"  inventé par frey vers 1850, dont je 
parlais récemment sur cette liste, ou comp.pao ?)
- et le Guide du typographe romand (page 40, art.50 : petites capitales). 
- À ces codes, il convient aussi d'ajouter certains usages relevant plus de la
mise en page (ou du style comme on dit maintenant), notamment pour les couvertures.


On retrouve donc les fonctions des capitales :

Fonction de Titre
-----------------
     
- De nombreuses couvertures ont des titres en petites capitales
- Les 3 codes signalent l'emploi de petites capitales pour les sous-titres,
  les titres-courants (en-têtes, hauts-de-pages, headers, etc.) ; d'ailleurs 
  le Lexique de l'Imprimerie nationale
  emploie lui-même des petites cap pour les sous-titres (exemple page 107
  "principes d'écriture" après le titre "Mahématiques ...")
- Les titres d'articles dans les règlements et textes de lois
- Les titres de figures et tables au moins pour le mots Figue/Table) et dans
  les têtières
- les "titres" TOTAL, etc. dans les tableaux comptables
- Le (ou les) mot(s) suivant une lettrine (qui joue le rôle de rubrique)
- les entrées des dictionnaires, et leurs renvois 

Fonction de distinction
-----------------------
(au sens mathématique de 2 éléments distingués)

- Noms propres (signatures) des articles, préfaces, épigraphes, 
- noms des personnages dans les pièces de théatre
- noms propres (lieux) dans certaines cartes, atlas, dictionnaires, etc.
- noms des auteurs dans les notes, ou des substituts comme Idem,
- noms des titres de fonction (Eminence, Chers camarades, ...) dans les
  circulaires,
- noms (et prénoms) ds auteurs dans les références bibliographiques

fonction spéciale
-----------------
Ne rentre  pas dans les  fonctions précédentes l'emploi des petits
capitales pour indiquer les chiffres romains (XX° siècle, foliotage, etc.).



Dans aucun de ces cas (titres, noms d'auteur dans biblio, etc.) on n'utilise 
l'italique. Il est donc normal qu'il n'y ait pas de petites capitales italiques.
Par contre, il existe qq petites capitales grasses pour des entrées de 
dictionnaires (ou du moins des petites capitales qui ont la même graisse
que les capitales corresondantes).
 





J'ai regardé qq bouquins de typo : en général, outre ces usages, ils ne
parlent que peu des petites cap, sauf pour dire bien sûr que leur oeil
n'est pas celui de capitales réduites.

Il est donc intéressant de signaler que Tschichold leur consacre un chapitre
d'une quinzaine de pages (à partager quand même avec italique et guillemets !)
dans "Livre et typographie" (éditions Alia, Paris 1994 ; à propos très bon
bouquin, très bien traduit, très belle mise en page etc. Ce bouquin consacre
pas mal de pages, au moins 50 ?, aux problèmes des proportions du texte et des marges dans 
la page dont il a été question sur cette liste ces temps derniers).
Voici deux courts extraits de ce livre : << Les vraies petites capitales,
la plupart légèrement plus hautes  que le n bas de casse sont garvées dans 
tous les corps courants et n'ont pas la même forme que les grandes capitales
d'un corps plus petit, mais elles sont plus larges et, en proportion, plus
fortes que celles-ci. >> (page 141). Et << les petites capitales doivent
toujours être  faiblement espacées ; sinon elles perdraient toute lisibilité.>>
(page 139).



Jacques André