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Message : Re: SMF Baskerville : une approche critique

(Olivier RANDIER) - Vendredi 27 Août 1999
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Subject:    Re: SMF Baskerville : une approche critique
Date:    Fri, 27 Aug 1999 22:42:11 +0200
From:    Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>

>Cela étant, au lieu des 5 pages d'exemples bourrées de formules complexes,
>on aurait aimé avoir des « vraies » pages de maths, avec du texte, des
>tableaux, des formules au sein du texte, et bien sûr des formules isolées.
>Ça aurait mieux permis de juger du travail et de l'impact de cette police.

Pareil, les exemples donnés sont tellement extrêmes que je doute qu'il soit
possible d'en obtenir quelque chose de cohérent, même après 900 ans de
travail...

>Ce travail pose le principe _absolument justifié_ qu'à une police de texte
>donnée ne peut correspondre qu'une police mathématique, et pas n'importe
>laquelle parce qu'elle nous tombe sous la main ou qu'on en n'a pas d'autre
>(même si en pratique, c'est ce qu'on fait : on prend MathematicalPI...)

C'est même pire que ça : une fonte mathématique, ce devrait être un
ensemble conçu d'un seul tenant, pas un assemblage disparate de choses
sensées fonctionner à peu près ensemble. Il faut dessiner chaque caractère
pour qu'il vive avec les autres. C'est bien sûr un travail énorme, qui,
pour cette raison, n'a jamais été fait (c'était inenvisageable avant la
technologie actuelle, et même maintenant...).
Ca implique de mener une réflexion sur une police comportant plusieurs
milliers de signes, alors qu'on s'est toujours contenté d'à peine quelques
centaines de signes cohérents.

>Contrairement à Olivier, je ne vois pas de problème avec l'axe mathématique
>(j'ai juste regardé plus, moins et la barre de fraction horizontale). Mais
>bon, je n'ai peut-être pas vu le problème. Cela dit, le plus, le moins, le
>point multiplicatif, etc. sont correctement positionnés dans ITC
>Baskerville (alors que ce n'est pas le cas de Monotype Baskerville, par
>exemple). Et je ne comprends pas très bien l'intérêt de comparer cet axe,
>la graisse des traits, etc., avec les éléments identiques des autres
>polices mathématiques (p. 12)...
>
>Moi, ce que je me demande, c'est comment on détermine cet axe : il y a une
>règle ? On fait ça au jugé ?

C'est justement là que je me pose la question de l'axe mathématique : Tout
est lié, il me semble. La chasse des chiffres conditionne la position de
l'axe mathématique, pour que le plus reste carré. D'autre part, l'axe
mathématique me paraîtrait logiquement centré soit sur le deux-points, soit
sur l'axe optique des bas de casse (centre du x). Donc, la chasse des
chiffres conditionne la hauteur d'oeil des bas de casse, laquelle
conditionne les chiffres petites caps, qui devraient être identiques aux
chiffres exposants et indices. Bref, il y a à mon avis tout un ensemble de
relations d'interdépendance (que je me représente encore mal) qui n'ont pas
été suffisamment étudiées, et qui devraient constituer un cahier des
charges préalables à la création d'une métafonte mathématique.

À ce propos, j'ai une question sur les fractions. Doit-on privilégier
plutôt l'alignement relatif des registres supérieur et inférieur des
fractions entre eux ou plutôt leur position par rapport à la barre de
fraction ?
En clair, dans l'exemple suivant :
  1     2
 --- = ---
  AB   ___
        AB
les AB devraient-ils être alignés en pied, quitte à avoir un espace
excessif au-dessus du premier AB pour laisser la place à la barre du
segment du deuxième, où est-ce qu'on s'en fout ? Personnellement, il me
paraîtrait plus élégant d'essayer de respecter un intervalle optiquement
constant de part et d'autre de la barre de fraction, mais ça pose peut-être
des problèmes de signification ?

>Les « grands » éléments.
>
>J'entends par « grands éléments » tout ce qui est grand... ;-) Grandes
>parenthèses et accolades, grands Pi (produit) et Sigma (somme), etc.
>
>Pour ces deniers, je n'aime guère la solution retenue : des dessins
>différents des lettres grecques, mais c'est surtout parce que le dessin
>n'est pas joli. Sinon, c'est un choix comme un autre.
>
>Mais surtout, ce qui ne va pas, c'est que tous ces éléments sont
>incroyablement gras : on ne voit qu'eux dans les pages. Ça ne peut pas être
>un _choix_ (la graisse, dans une formule, ça a un sens précis), c'est donc
>juste une erreur. Comme, en plus, les éléments placés en indice ou en
>exposant sont trop près des opérateurs (au dessus et en dessus, pour les
>sigma et pi) ou trop loin (pour les intégrales, comme noté précédemment), à
>chaque fois ça fait un pâté dans la page (ou un trou, mais finalement c'est
>pareil, parce que le résultat c'est que ça fixe l'oeil du lecteur à cet
>endroit).
>
>En plus, leur graisse n'est pas homogène, ce que Michel Bovani a déjà
>souligné. Et puis les parenthèses sont trop courbes (ce qui n'est pas le
>cas de la version des PUF). Bref, tout ça ne va pas et est à reprendre...

Pour les élément < grandissables >, je crois que la seule solution
susceptible de donner de bons résultats, c'est une technologie à la
Multiple Masters. On peut prendre le problème dans tous les sens, une
accolade doit changer de dessin en fonction du corps, pour conserver une
graisse compatible avec le texte. Il faut interpoler à partir d'une matrice
sur l'axe corps. Malheureusement, on attend toujours le moteur
typographique  (cf. La réflexion K2) capable de générer des instances
Multiple Masters à la volée. De plus, ça impliquerait de dessiner plusieurs
fois tous les caractères (ou au moins tous les grandissables). En
attendant, j'avoue que je préfère encore la solution des accolades en kit
de Symbol, même si c'est hypra-ch... à faire et pas vraiment satisfaisant.

>D'Olivier Randier :
>>je crois que ça pourrait m'intéresser de travailler sur une
>>vraie metafonte (si on peut me garantir une espérance de vie de 900 ans).
>>
>C'est peut-être un élément de réponse à mes critiques : faire aboutir
>sérieusement ce type de projet demande du temps, des sous, de nombreux
>essais... pour un public finalement assez restreint.
>
>Cela dit, ça m'intéresserait aussi... si tant est que j'en soit capable !

Ouais, je vais réfléchir à la question. Mais, pour moi, il est clair que la
question des maths est subsidiaire dans cette affaire (désolé). Ce qui
m'intéresse réellement, c'est d'envisager une fonte dont la police couvre
tous les aspects de la composition, et surtout les langues, c'est-à-dire
comportant toutes les lettres de l'alphabet latin (y compris les lettres
des pays de l'Est, du Nord, etc., avec les experts correspondants), du grec
(ancien et moderne), du cyrillique, ainsi que la phonétique et tutti quanti.
Une chose qui m'étonne : pourquoi les fontes de maths sont-elles basées sur
des modèles aussi anciens ? J'aurais attendu de la communauté scientifique
un choix plus moderniste (à tort ou à raison). Dans la composition de
maths, je m'attendais plutôt à un caractère fleurant la modernité, style
Stone ou Frutiger. Est-ce seulement à cause du problème des obliques pas
vraiment distinctives ? Ou cette affectation de classicisme traduit-elle un
souci de respectabilité ?

P.-S. : j'aurais bientôt fini le bouquin d'optique sur lequel je travaille.
Je pense que je me garderais quelques PDF pour vous montrer et que vous me
disiez ce que vous en pensez. Mon travail a consisté à revoir ce qui avait
été fait par un fournisseur calamiteux, à faire quelques corrections de
fond et surtout à reprendre et harmoniser l'aspect des maths (crénage de
certains signes, espacement des fractions, etc.) pour que ce soit propre.
J'ai utilisé Yorks XMath, finalement pas si mal pour dégrossir, et la
composition s'est faite en Plantin + Math Pi et Symbol, ce qui m'a paru
fonctionner assez bien dans l'ensemble.

Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
	http://technopole.le-village.com/Experluette/index.html
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse
(projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie
illustrative).