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Message : Re: SMF Baskerville : une approche critique

(Thierry Bouche) - Samedi 28 Août 1999
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Subject:    Re: SMF Baskerville : une approche critique
Date:    Sat, 28 Aug 1999 19:44:11 +0200 (MET DST)
From:    Thierry Bouche <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>

Bonjour à tous, j'ai insisté en privé auprès des intervenants actuels
pour que ce débat démarre. Je vais cependant garder une certaine
neutralité du fait que j'en suis l'éditeur. Et puis je n'ai pas de
temps à lui consacrer. Quelques réactions en vrac & à la sauvette...

O. Randier :
» C'est même pire que ça : une fonte mathématique, ce devrait être un
» ensemble conçu d'un seul tenant, pas un assemblage disparate de choses
» sensées fonctionner à peu près ensemble. Il faut dessiner chaque caractère
» pour qu'il vive avec les autres.

Ben oui, c'est tout le sujet de l'article, non ? Simplement, lui il
dit où il prend les trucs qu'il modifie pour les homogénéiser. Cette
procédure étant celle qui a toujours été employée (partir de
l'existant pour l'« optimiser ») je ne vois vraiment pas pourquoi
pousser des cris d'or frais.

» C'est bien sûr un travail énorme, qui,
» pour cette raison, n'a jamais été fait (c'était inenvisageable avant la
» technologie actuelle, et même maintenant...).

Il a été fait (collectivement) pour CM au format Metafont : on dispose
de tous les symboles nécessaires, au fur et à mesure que les besoins
se font sentir, et que quelqu'un les réalise. C'est aussi ce qui rend
TeX tellement lié à CM : tout refaire en partant d'autre chose serait
un travail écrasant, ingrat, peu rémunéré... (certains éditeurs se
sont tout de même payé des systèmes propriétaires fort onéreux, un peu
à la façon de la SMF dont nous parlons ces jours-ci : voir les
Cambridge University Press et leur Times Monotype étendu).


[Alain ?]
» >Moi, ce que je me demande, c'est comment on détermine cet axe : il y a une
» >règle ? On fait ça au jugé ?

L'axe mathématique est un axe horizontal le long duquel tu tracerais
une barre de fraction, ou sur lequel tu centrerais les grandes
parenthèses. En maths, la ligne de base existe toujours pour tout ce
qui est lettres, il y a donc deux axes. Leur cohérence est donnée par
exemple par l'équilibre d'un formule du genre x = y/z (vraie
fraction). Donc cet axe doit plus ou moins être celui du trait
d'union. 

» >Les « grands » éléments.
» >Mais surtout, ce qui ne va pas, c'est que tous ces éléments sont
» >incroyablement gras


j'ai pas mal d'exemples classiques qui sont comme ça. On peut
évidemment accepter au plomb, voire en photocompo, que l'imprimeur
dispose d'un jeu de grands symboles, d'une police grecque, d'une autre
hébreuse, etc. Et de toujours les employer indépendamment de la typo
du texte. Je reconnais que ces incohérences de graisse ternissent le
propos de Yannis.

[Olivier]
» Pour les élément < grandissables >, je crois que la seule solution
» susceptible de donner de bons résultats, c'est une technologie à la
» Multiple Masters.

Ou MathFly ? ou ... 
Oui, il faurait pouvoir les générer à) la volée, et typographiquement
corrects. Je suis d'accord avec Michel B. pour dire que multi-master
est un format trop « léger » pour ça, metafont trop « lourd » à mettre
en oeuvre...

» >D'Olivier Randier :
» >>je crois que ça pourrait m'intéresser de travailler sur une
» >>vraie metafonte (si on peut me garantir une espérance de vie de 900 ans).


Le travail de Yannis n'a pas grand chose à voir avec une métafonte
(quoi que ça veuille dire, d'ailleurs). Il s'agit de quelques polices
de type 1, plus les métriques ad hoc pour que ça fonctionne dans
TeX. Je ne sais pas si vous réalisez à quel point l'impact de 
l'« opérateur » est faible avec TeX : une formule de maths sera saisie
de la même façon quel que soit le système de polices utilisé, les
paramètres de mise en page (taille des exposants, gestion des espaces,
etc.) seront mis au point par un _maquettiste_, tandis que les
métriques des polices disent exactement comment elles vont se
comporter au niveau micro-typo (approches, décalage des exposants, des
indices, des symboles adjacents, placement des accents, centrage
vertical, etc.). Par exemple, dans une maquette, j'ai _décidé_
d'utiliser le f ital de Times plutôt que celui de Sabon (je
conviendrai volontiers avec Alain que j'aurais mieux fait de
redessiner une f correct pour Sabon ital, mais j'étais pressé et pas
vraiment payé...). Ceci est dans la pratique parfaitement transparent
pour la saisie, qui peut très bien ne pas même le remarquer. 

La saisie des maths  en teX est un étrange mélange de déclarations
visuelles et sémantiques, les paramètres, les métriques, et les algos
internes de teX (la seule chose à laquelle on ne touche pas) génèrent
à partir de là ce qu'on trouvera sur le papier. C'est pour ça que j'ai
pu dire qu'on est parfois obligé de faire les choses à l'envers :
métriques aberrantes pour anticiper un comportement des algos. C'est
ce que Yannis évoque quelque part (égalité en indice).

La puissance de TeX au niveau des polices, c'est que fondamentalement,
il cherchera une police différente pour chaque usage (même si dans la
pratique, Times en 6 points, c'est le Times réduit à 6 points), et on
peut donner des métriques adaptées au corps d'une forme réduite des
mêmes glyphes (par exemple interlettrer un peu les petits corps, même
si on n'élargit pas le dessin). Donc on peut dire que TeX est
multi-master-ready, quoique la génération à la volée reste un peu
lourde... 

Parlant du grec : personne n'a jamais envisagé composer Héraclite avec
Symbol, MathPi ou UniversalGreek. Donc le procès me semble un peu
excessif. J'admets que ce serait choueete d'avoir un bon grec de texte
compatible avec la fonte de texte, et que le grec de maths soit
compatible (comme dessin, mais surtout pas comme métriques !) avec ce
dernier. Je ne suis donc pas d'accord avec Michel quand il prétend
qu'une fonte d'italiques mathématiques devrait être identique aux
italiques de texte (donc inutile) : une lettre dans du texte est faite
pour composer des mots, donc doit être dotée d'approches convenable
pour ce faire. Une lettre en maths est typiquement un symbole. Deux
lettres côte à côte dénoteront plutôt le produit de deux objets,
etc. Ces lettres mathématiques (qu'elles soient latines ou grecques)
doivent donc être dotées d'approches, de paramètres décrivant la façon
de les enrichir (indices, exposants, chapeaux) de façon
typographiquement correcte. Donc employer les mêmes glyphes, mais pas
les mêmes métriques ! Et encore, il ya beaucoup à dire là-dessus : on
ne lit pas une lettre isolée comme un élément qui compose un mot ; on
s'était fait la reflexion avec Michel justement, sur le i italique
d'Apolline, qui n'a rien d'un i italique. Ce n'est pas gênant du tout
dans du texte, mais en maths où il va bien falloir qu'il vive par ses
propres mérites, ça devient crucial ! Donc si je faisais un
MathApollineItalique -> autre i, comme le f de Sabon, ou le v de Times
qui ressemble trop à un « nu ». 


 
Thierry Bouche, Grenoble.

PS je ne fournis pas les aspirines pour la lecture de mes messages sur
cette liste.